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vendredi 10 novembre 2023

UNE EXPOSITION DU PEINTRE LUZIEN GABRIEL DELUC À SAINT-JEAN-DE-LUZ EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN AOÛT 1934

UNE EXPOSITION DU PEINTRE LUZIEN GABRIEL DELUC EN 1934.


Gabriel Deluc, né le 1er octobre 1883 à Saint-Jean-de-Luz (Basses-Pyrénées) et mort au combat le 15 septembre 1916 à Souain-Perthes-lès-Hurtus (Marne), est un peintre français.



pays basque autrefois peintre saint-jean-de-luz
PEINTRE GABRIEL DELUC



Elève de Léon Bonnat, il fit une carrière trop brève marquée par sa participation à de nombreuses expositions en France et à l'étranger.



Il est considéré comme le membre le plus jeune de l'Ecole de Bayonne.



Très attaché à son pays natal, il est l'un des créateurs de la "peinture basque" du 20ème siècle.



Voici ce que rapporta à son sujet la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque, le 3 août 

1934 :



"L’Exposition Gabriel Deluc. 



Ainsi que nous l’annoncions hier, nous donnons ci-après le texte du discours prononcé par M. Pierre Labrouche au vernissage de la rétrospective organisée par la Société de la Maison du Souvenir au Musée Ducontenia. 



Monsieur le Maire, 

Mesdames, 

Messieurs, 



Qu’il me soit permis, au nom de la famille de Gabriel Deluc, de ses concitoyens, de l’assistance et des artistes qui ont bien voulu se réunir ici aujourd’hui, de remercier Monsieur le Maire de Saint-Jean-de-Luz d’honorer de sa présence cette réunion, ainsi que des paroles si justement élogieuses qu’il a bien voulu prononcer à l’occasion de cette inauguration. 



Il nous sera permis également, avant de commencer, de faire, tout d’abord, notre remerciement a ceux qui, parmi nous ont pris l’initiative d'une rétrospective du peintre luzien Gabriel Deluc et d’en organiser l’Exposition. En effet, l’hommage que viennent lui rendre aujourd’hui les personnes réunies dans cette salle, était dû à un artiste de sa haute valeur. Il était dû aussi à un homme doué d'un cœur si noble, et dont la fin héroïque, pendant la guerre, ne saurait être oubliée de tous ceux qui l'ont connu. 



C’est une pensée très touchante qui nous réunit au milieu d'une partie de ses œuvres, rassemblées dans ce musée Ducontenia, pensée d’autant plus touchante que, parfois — et nous en avons eu l’exemple il y a quelques années, pas très loin d'ici — dans la petite patrie qu’est notre province, l’oubli se fait, hélas ! bien vite sur des artistes éminents. 



Je ne puis songer, sans mélancolie, que manquer à ce devoir, est presque manquer à un devoir sacré, car les artistes sont l’honneur de leur terre natale ; ils devraient demeurer, par le souvenir de leurs œuvres, comme les signes vivants, les points lumineux, pour ainsi dire, des traditions de leur pays d’origine. 



Gabriel Deluc est né à St-Jean-de-Luz. De bonne heure, sa vocation de peintre s'éveille. A Bayonne, dans l’atelier de Philippe Jolyet, il commence ses études. Très vite, il part pour Paris, où ses dons heureux, ses progrès rapides le font admettre à l’Ecole des Beaux-Arts ; il rentre dans l’atelier de Léon Bonnat. L'année suivante, il y est définitivement reçu avec le numéro 1. En 1906, il expose au Salon son premier tableau : "Intimité", qui obtient une mention honorable et un prix de l’Etat. Puis, ensuite : "Le Chevrier", panneau décoratif dont il fit don à la ville de Saint-Jean-de-Luz ; en 1910, "La Danse" et "Le Lac", qui figurent au musée de Bayonne ; "La Bacchanale", panneau décoratif, commandé par le Syndicat national des négociants en vins à Paris, composition très heureusement équilibrée, délicieuse de couleur. Un Silène, dont la jovialité est tout à l’honneur des négociants en vins de cette époque, soutenu par des nymphes, s'avance, chevauchant un quadrupède aux longues oreilles. A droite, d'une forêt d’ombre, sort le cortège. Un beau lac ferme le fond, où se reflète une blanche ville mythologique — Plus tard : "Jeunesse", tableau acquis par l'Etat. 



pays basque autrefois peintre saint-jean-de-luz
TABLEAU CHEVRIER A SAINT-JEAN-DE-LUZ
PAR GABRIEL DELUC


pays basque autrefois peintre saint-jean-de-luz
TABLEAU BACCHANALE : IVRESSE DE BACCHUS 1911
PAR GABRIEL DELUC




Entre temps, une exposition de ses toiles à la Galerie Dewambez, à Paris, remporte un succès très vif. La critique, la presse, la signalent alors en termes des plus élogieux. Il visite l'Italie, en revient dans le ravissement.



J’ai connu Gabriel Deluc à Paris où j'allais, parfois, le voir à ses débuts. J'ai suivi l’évolution de son probe talent. Peu à peu, sa palette s’éclaircissait, les vibrations claires de la lumière, répandues sur ses toiles allégeaient l’ensemble de ses tableaux, de ses portraits, des compositions où, dès le commencement, il était aisé de remarquer le sens décoratif, d’un goût très sûr, vers qui allaient ses affinités. Vous en verrez un exemple dans la très belle esquisse des "Archers" exposée ici. 



pays basque autrefois peintre saint-jean-de-luz
TABLEAU LES ARCHERS
PAR GABRIEL DELUC



Une grande partie de ces tableaux sont des études faites au Pays basque, principalement à Saint-Jean-de-Luz.



Elles attestent l’extrême facilité du peintre, et combien il était maître, déjà en ce moment, de son métier. Presque toujours, il semble qu'elles aient été peintes sans efforts ; la pâte, assez légère, zèbre la toile, s'étend d'un large coup de brosse, rarement repris. La mer, les falaises, les montagnes et le ciel, surtout ces deux dernières parties de ses esquisses, sont exprimées avec une rare sécurité, une distinction parfaite, gardant de la nature ce qui est essentiel pour l'expression picturale ; le reste est tenu dans l'ombre, éliminé, presque sacrifié, afin que l’intensité de l’effet demeure dans sa plénitude. 



Si Corot a dit un jour, dans les admirables lettres qu’il écrivit, qu’il fallait : "peindre aisément", ce conseil n’avait évidemment pas été perdu pour Gabriel Deluc. L'aisance de ses études, de ses impressions fugitives, ont enchanté tous les dilettantes, les amateurs d'art, qui virent ces toiles, à leur apparition. 



Sa prédilection semble avoir été, de préférence, aux heures où déjà sont éteintes les brutalités du jour. Gabriel Deluc, attendait pour peindre, le moment où apparaissent les effets de vent du Sud, le grand magicien du pays basque, les heures où les ombres s'allongent, où déjà la lumière s'est atténuée, presque assourdie. Ce qu’il y a l'été, dans notre si beau pays, d'éclatant, de dur même parfois, et de violent, au milieu du jour, il l'a peu recherché. Sa nature, très fine, l'inclinait à fuir le contraste des pleins soleils. Talent charmant et discret, dont vous retrouverez tout à l'heure l'épanouissement, dans les belles études, les tableaux, qui ornent les murs de la salle voisine. 



L’été, il revenait peindre à St-Jean-de-Luz, et j’ai encore, en mémoire, un tendre paysage de fin de journée, quand les ombres des platanes courent, comme de grands papillons bleus sur la chaux de la ferme basque, tandis qu’un mince rayon brille sur le terrain, tout doré de soleil. 



Nous ne manquerons pas également d’admirer ici les beaux croquis de guerre, rapportés du front. Ils manifestent d’une grande science du trait ; dessins faits au hasard des tranchées, parmi les abris, les sacs à terre, les fil de fer barbelés. Une partie, malheureusement, a disparu. Gabriel Deluc la perdit avec sa boite à couleurs et ses albums, au cours de la guerre. Déplorons cette disparition, car c'était là ses dernières émotions d'artiste ; le tout serait pour nous un précieux souvenir des derniers moments où, malgré les fatigues, les dangers perpétuels, son crayon trouvait encore le temps d’exprimer, sur des feuillets, les hommes et les paysages tragiques qui devaient être son horizon désormais.



Il aimait passionnément son art, il en parlait avec amour, avec respect, tandis qu’un feu sombre s’allumait dans ses prunelles. Nul doute que, s’il eût vécu, une carrière si brillamment commencée, ne se fût continuée avec tout ce qu’elle devait lui apporter de joie de réussite et de bonheur. 



Son dernier envoi au Salon en 1914, une composition décorative, pleine de charme, était intitulée : "Printemps" ; le talent de Gabriel Deluc est alors dans toute sa maturité, de même que le métier est devenu parfaitement libre. Une sorte de sérénité, de fraîcheur, de calme heureux s’en dégagent ; la figure nue, debout, qui tient une gerbe printanière, se détache au milieu d’arbres en fleurs. Tout y respire le bonheur. Averti, peut-être, par un instinct mystérieux, Gabriel Deluc n’a-t-il pas voulu exprimer, dans ce tableau si joyeux, tout ce que son cœur renfermait d’allégresse. Ce devait être pour toujours son adieu à la peinture. 



"Printemps". Les beaux printemps étaient bien finis pour Gabriel Deluc. De longs hivers douloureux, pleins d’affreuses ténèbres et d’angoisses allaient désormais leur succéder. La guerre était déclarée. 



Mesdames, Messieurs, après avoir parlé de l’artiste, nous ne saurions passer sous silence l’admirable conduite de Gabriel Deluc pendant la guerre. J’ai, sous les yeux, pieusement conservées, par sa famille, les lettres qu'il écrivit des tranchées. Elles sont émouvantes au possible, et dénotent de sa part, une grandeur d'âme, un courage et une noblesse de cœur exceptionnelles. 



Ces lettres sont d’une extrême simplicité, le temps me manque, malheureusement, pour vous en donner des extraits. Elles décrivent, sans une plainte, la dramatique existence que menèrent dans les boyaux de Champagne, les compagnies d'infanterie dont il faisait partie. La boue, les tranchées remplies d’eau, les hommes tombés par terre, enlisés, piétines dans la nuit par les soldats harassés de fatigue. sa compagnie décimée, les nuits glaciales, les attaques, les blessés, que Gabriel Deluc "le petit sergent", ainsi qu’il s’appelle lui-même, panse de ses mains, et emporte dans ses bras, jusqu’au poste de secours, tout cela est conté d’une manière saisissante. 



Dans cet enfer, combien de fois sa pensée a-t-elle dû voguer vers sa terre natale ! Il l’écrit aux siens. Fermant les yeux sur l'horreur qui l’environnait, et les sinistres paysages dévastés de la Champagne, il devait revoir, en songeries radieuses matinées d’octobre de Saint-Jean-de-Luz, ses montagnes violettes, et les tièdes vents du Sud de son cher pays basque. 



Il était adoré de ses hommes et de ses frères d'armes. Après sa mort, plusieurs d’entre eux écrivirent à sa famille des lettres qui témoignent en quelle haute estime le tenaient ses camarades, quel réconfort il leur apportait par son courage et la droiture de son cœur. 



Ce fut au cours d’une reconnaissance volontaire, dans la nuit du 15 au 16 septembre 1916 à Souain en Champagne que Gabriel Deluc trouva la mort, face à l’ennemi. Parti simple soldat, promu sergent, puis sous-lieutenant, cité à l’ordre de l’armée, la Légion d’honneur, à titre posthume, lui fut décernée. Voici la citation : 


"Deluc, Jean-Gabriel, mort pour la France. Officier d’un courage et d’un sang-froid exemplaire, faisant l'admiration de ses chefs et de ses hommes, maintes fois volontaire pour effectuer des reconnaissances périlleuses, donnant ainsi la preuve d’un réel mépris du danger. Tombé glorieusement le 16 septembre 1916, en faisant vaillamment son devoir. Croix de Guerre avec étoile de vermeil." 



Sur l’initiative de nos amis, les peintres Georges Bergès et Henri Zo, la municipalité de Saint-Jean-de-Luz, a décidé qu’une rue de notre ville porterait désormais son nom. Sa ville natale, qui, elle, n’a pas oublié, a tenu à lui rendre ce suprême hommage. 



Mesdames, Messieurs, que notre souvenir ému aille vers le bel artiste qui a disparu, vers l’officier tombé héroïquement pour son pays, et qu'en ce jour, sa mémoire soit honorée."



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