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samedi 8 juin 2024

LE PROCÈS D'UNE BAYONNAISE CÉLÈBRE : MADEMOISELLE DE MONTANSIER EN 1790 (quatrième et dernière partie)

MADEMOISELLE DE MONTANSIER DE BAYONNE.


Marguerite Brunet, dite Mademoiselle Montansier, née à Bayonne le 19 décembre 1730 et morte à Paris le 13 juillet 1820, est une comédienne et directrice de théâtre française.





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MLLE DE MONTANSIER 1790
Par Artist not identified — User scan of * Londré, Felicia Hardison (1991). The History of World Theatre: From the English Restoration to the Present, p. 186. New York: Continuum. ISBN 9780826404855. Reproduced from an original at the Théâtre du Palais-Royal., Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=13864923


Tous les 8 mars, à l'occasion de la journée internationale des femmes (le 8 mars est devenu la 

journée internationale des femmes suite à une décision du congrès des femmes socialistes, à 

Copenhague en 1910), je vous propose de découvrir ou de redécouvrir le portrait de femmes 

remarquables du Pays Basque, comme les femmes Républicaines emprisonnées à la prison de 

Saturraran (entre 1937 et 1946), Catalina de ErausoMadeleine de JaureguiberryMarga 

d'AndurainMargot Duhalde, les soeurs FeilletMaria Luixa Erdozio, les revendications 

féminines du Labourd en 1789 et Irène Némirovsky.



Voici aujourd'hui la comédienne et directrice de théâtre Mademoiselle de Montansier.




Voici ce que rapporta à son sujet l'hebdomadaire Le Monde artiste, le 27 septembre 1903, sous la 

plume de Martial Teneo :



"Les "Petits papiers" de l'Histoire.


Procès de la Montansier.

... Six semaines se passent. Enfin, le 9 thermidor, Robespierre accusé d'odieuse tyrannie ne peut plus élever la voix. Des cris d'indignation couvrent ses paroles, et c'est épuisé de fatigue, l'écume à la bouche, le sang aux yeux qu'il s'abat à son banc, en criant au Président de l'Assemblée :


"Président des assassins, pour la dernière fois me donneras-tu la parole ?"


Un membre de la Convention demeuré anonyme lui criait alors : "Malheureux, le sang de Danton t'étouffe !" C'était la condamnation du Niveleur tant redouté naguère. A quelque temps de là il montait sur l'échafaud.



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ARRESTATION DE ROBRESPIERRE 28 JUILLET 1793



Aussitôt après la mort de Robespierre, Mlle Montansier et Neuville furent transportés de la Petite Force au Collège Du Plessis. Là, ils reçurent des visites et réorganisèrent leur défense. L'ex-directrice du Théâtre National, adressa à un Citoyen représentant que je crois être Collombel, la lettre suivante que caractérise une visible courtisanerie envers les nouveaux membres de la Sûreté générale :


"18 fructidor, an 2. Maison d'Arrêt Egalité, ci-devant Collège du Plessis.

Liberté, Egalité.

Citoyen Représentant,


Je ne te connois que de réputation et cela me suffit pour être sûre que tu écouteras favorablement les cris de l'innocence opprimée.


Depuis dix mois je languis dans les fers par suite des calomnies aussi absurdes qu'atroces des Chaumette et Hébert qui m'accusèrent, au Conseil général de la Commune, d'avoir fait bâtir le Théâtre National, rue de la Loi, avec des fonds de Pitt et de la Liste civile, dans le dessein de mettre le feu à la Bibliothèque, et décernèrent en conséquence un mandat d'arrêt contre moi qui fut mis à exécution la nuit du 24 au 25 Brumaire.




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PIERRE-GASPARD CHAUMETTE
Par D’après François Bonneville — Cette image provient de la bibliothèque en ligne Gallica sous l'identifiant ARK btv1b84122472/f1, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=772898


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JAQUES-RENE HEBERT
Par Edme Bovinet/ D’après François Bonneville — Cette image provient de la bibliothèque en ligne Gallica sous l'identifiant ARK btv1b6950491f/f1, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=44884638



Le citoyen Neuville a été arrêté, dans son lit, la minute d'après, sans aucun mandat d'arrêt, sur le seul motif d'une porte de communication de mon logement au sien.


Il y a près de huit mois que nous avons été interrogés par le même Administrateur de Police. Nos réponses, appuyées de pièces d'autant plus justificatives que le citoyen Rouen, Notaire, apporta lui-même les minutes de tous les actes d'emprunts et de sommes fournies pour cette construction ; nos réponses, dis-je, firent connoître toute la fausseté, toute l'absurdité de l'accusation.


Le rapport en fût fait dans le tems à l'Administration de Police ; mais cette Administration, composée alors de plusieurs complices de ces deux scélérats, n'osa pas contrarier leurs desseins perfides en nous rendant la liberté qui nous étoit due ; elle renvoya le tout au Comité de Sûreté-générale où sont toutes nos pièces.


Les affaires majeures dont le Comité de Sûreté6générale a été surchargée, les factions, les conspirations, la tyrannie des Triumvirs ne lui ont pas laissé le tems de s'occuper des affaires particulières ; mais les traîtres ont été déjoués et punis par l'énergie de nos dignes Représentants ; l'allégresse est dans tous les coeurs, l'espoir renaît dans celui des innocens opprimés. Remplis le notre, en faisant rendre justice, et conséquemment la liberté, à deux victimes de la calomnie et de l'oppression, qui ont donné, dans tous les tems et dans toutes les occasions, des preuves de leurs sentimens patriotiques et révolutionnaires.

Salut et fraternité.

Montansier.

Ce 18 fructidor, l'an 2 de la République, une et indivisible."



Cette lettre eut pour effet d'éveiller l'attention des nouveaux détenteurs du pouvoir qui tenaient à faire oublier les exactions de leurs prédécesseurs tout en gardant posture de défenseurs des "loyautés civiques".


Les deux anciens associés victimes d'un folliculaire et d'un haineux politicien furent remis en liberté et reprirent possession de leurs papiers ainsi que le prouve la pièce suivante, dernière d'une suite inédite qui forme un tout historique de haute valeur :


Convention Nationale.

Comité de Sûreté Générale et de Surveillance de la Convention Nationale.


"Du 13 Vendémiaire l'an trois de la République Française une et indivisible.


Vu la réclamation et la mise en liberté de la Citoyenne Brunet Montansier et Bourdon Neuville en date du 30 fructidor.


Le Comité autorise le Citoyen Chevrieres, Chef du Bureau des Archives, a Lever les Scellés apposé sur les cinq Cartons renfermant Les papiers appartenant aux Reclamant, et qu'examen en sera fait, et que s'il s'en trouvent de suspect, il en sera rendu compte au Comité, au lieu que s'il ne se trouvent rien de contraire aux interest de la republique, il seront remis au vù du Présent arrêté.


Les Représentant du Peuple membres du Comité de Sûreté Générale Amar, Collombel de la Meurthe, Louis, Méaulle.


"Reçu les cinq carton mentioné si de sus ce 13 vendemier lan 3me de la republique une et indivisible

Brunet Montansier."


"Plus remis deux lettres missives, traitant d'objets indifférents, série de Questions aux quelles a repondu la Citoyenne Montansier Ecrit informe intitulé Etat de sommes payées par la Citoyenne Montansier et par le Citoyen Mouchonnet.

Brunet Montansier."



La très combative Montansier s'adressa derechef à la Convention Nationale pour réclamer des indemnités. Ramel, au nom du comité des finances, fit un rapport qui tablait sur sept millions et accordait 200 000 francs.



En dépit des efforts de Bourdon de l'Oise, de Tallien, de Cambon, de Raffron, la discussion s'acheva par un ordre du jour et la Montansier éperdue, ne sachant comment se ressaisir, épousa solennellement Neuville.



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BOURDON DE L'OISE



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JEAN-LAMBERT TALLIEN





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PIERRE-JOSEPH CAMBON
Par François Bonneville — Travail personnel, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=29883694



Et elle attendit de meilleurs jours. Bonaparte, premier Consul, fit estimer l'ancien théâtre Montansier 1 300 000 francs. Mais comme l'ancienne suspecte s'obstinait à refuser ce prix, l'affaire 12 ans durant resta pendante et ce n'est qu'en 1812 que Mlle Montansier accepta la liquidation de sa créance qu'un décret de Moscou, en date du 12 octobre arrêtait ainsi : 100 000 francs sur le grand livre et 1 200 000 pour l'arriéré."




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mercredi 8 mai 2024

LE PROCÈS D'UNE BAYONNAISE CÉLÈBRE : MADEMOISELLE DE MONTANSIER EN 1790 (troisième partie)

MADEMOISELLE DE MONTANSIER DE BAYONNE.


Marguerite Brunet, dite Mademoiselle Montansier, née à Bayonne le 19 décembre 1730 et morte à Paris le 13 juillet 1820, est une comédienne et directrice de théâtre française.





pays basque 8 mars femmes labourd bayonne revolution française justice
MLLE DE MONTANSIER 1790
Par Artist not identified — User scan of * Londré, Felicia Hardison (1991). The History of World Theatre: From the English Restoration to the Present, p. 186. New York: Continuum. ISBN 9780826404855. Reproduced from an original at the Théâtre du Palais-Royal., Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=13864923


Tous les 8 mars, à l'occasion de la journée internationale des femmes (le 8 mars est devenu la 

journée internationale des femmes suite à une décision du congrès des femmes socialistes, à 

Copenhague en 1910), je vous propose de découvrir ou de redécouvrir le portrait de femmes 

remarquables du Pays Basque, comme les femmes Républicaines emprisonnées à la prison de 

Saturraran (entre 1937 et 1946), Catalina de ErausoMadeleine de JaureguiberryMarga 

d'AndurainMargot Duhalde, les soeurs FeilletMaria Luixa Erdozio, les revendications 

féminines du Labourd en 1789 et Irène Némirovsky.



Voici aujourd'hui la comédienne et directrice de théâtre Mademoiselle de Montansier.




Voici ce que rapporta à son sujet l'hebdomadaire Le Monde artiste, le 27 septembre 1903, sous la 

plume de Martial Teneo :



"Les "Petits papiers" de l'Histoire.


Procès de la Montansier.



... Le couperet de la guillotine s'était abattu tant de fois sur des cols, la lassitude du sang répandu s'était transformée en telle horreur que le malaise était devenu général.



Pressentant que l'heure était proche où les événements allaient se retourner contre ceux qui les avaient provoqués, la Montansier prit la détermination de s'adresser à la Commission Populaire. De sa prison elle expédia aux membres de cette Commission une sorte de Mémoire dicté par les circonstances et l'exaspération d'un internement qui menaçait de s'éterniser.



De la pièce qu'on va lire il ressort que la célèbre détenue paya d'audace. Elle sacrifia ses anciens dieux, insultant à la mémoire de Marie-Antoinette, de Marie-Thérèse, du roi défunt, de Dumouriez qu'elle traite d'"infâme". Elle mêle le mensonge à la vérité, exalte en les dénaturant ses sentiments personnels qui devront paraître "civiques" après avoir été "suspects", et son jeu devient héroïque à force d'être osé. Qu'on en juge :


"28 prairial an 2. Liberté, Egalité.

Aux Citoyens composant la Commission Populaire.


Je me nomme Marguerite Brunet-Montansier, âgée de cinquante et tant d'années, domiciliée Maison Egalité N° 82, Directrice de Spectacles, depuis près de trente ans.


J'ai été arrêtée, la nuit du 24 au 25 Brumaire, au retour de la cérémonie faite en l'honneur de l'immortel Marat, pour laquelle le rassemblement s'était fait à notre théâtre national rue de la Loi et où nous avions conduit tous nos camarades-pensionnaires, au nombre de près de cinq cent, qui, pour la plupart, y étaient employés, et où j'avais passé toute la journée ; ça été par un mandat d'arrêt de la Commune, sur les calomnies atroces, insérrées dans le N° 310 du père Duchêne et dans le réquisitoire de Chaumette, tous deux reconnus pour des scélérats ; j'ai été conduite d'abord, à la mairie, ensuite à la petite Force, où je suis, encore depuis plus de sept mois... j'ai été conduite chez moi, pour la levée de mes scellés, l'examen le plus scrupuleux de tous mes papiers y a été fait, quelques jours après j'ai été reconduite à la mairie, où j'ai été interrogée et je me suis pleinement justifiée avec les pièces à l'appui ; les actes Notariés y ont été portés, ensuitte par les Notaires. Les papiers qui ont été pris chez moi, sont déposés au Comité de Sûreté-Générale avec les interrogatoires et le rapport du Citoyen Administrateur, qui me les à fait subir ; j'ai repondu par mon Mémoire imprimé ci-joint à toutes les calomnies, à la supposition atroce, que nous n'avions fait bâtir le théâtre National qu'avec l'intention de mettre le feu à la Bibliothèque, ce comble d'horreur est si bien reconnu, et toutes les autres doivent l'être de même, que l'opéra va y être transféré. Toutes les calomnies, que Chaumette et Hébert ont forgées contre moi, sont dans le même genre, aussi atroces, aussi absurdes les unes que les autres, et je ne connais pas d'autres Dénonciateurs, je ne crois pas même qu'il soit possible que j'en aïe d'autre, à moins que ce ne soit quelqu'un de leurs complices ;


Mes relations, mes liaisons avant et depuis la révolution ont toujours été, avec des auteurs, des artistes dont, la plupart, sont nos pensionnaires, et avec des fournisseurs, des actionnaires, des créanciers, le tout relativement à nos entreprises.


Au mois de juillet 1789 : je partageois réellement les sentimens patriotiques du Citoyen Neuville, que je me rendis à ma section, même pendant la nuit et à l'époque la plus instante de la Révolution et que j'y ai attendu son retour, pendant plusieurs heures pour jouir du résultat des oppérations, dont le comité l'avait chargé ; tout le comité de 89 : et tous les bons citoyens qui étaient alors à la section, peuvent en rendre témoignage.


En 7bre les ci-devant gardes vinrent me demander notre salle de Versailles pour y donner un repas, je la leur refusai et j'appris, ensuite, que ce repas se donna dans la grande Salle du château et qu'il fut suivi d'une orgie, qui amena les glorieuses journées des 5 et 6 8bre.




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JOURNEES DES 5 ET 6 OCTOBRE
DEPART POUR VERSAILLES


Au mois d'Octobre, lorsque les braves Parisiens se rendirent à Versailles, ma Salle leur fût offerte et ouverte pour leur servir d'azile, ils y passèrent la nuit et on leur procura toutes les subsistances possibles, et même des amusemens, car ils eurent aussi des violons.



A la fuite du Tyran nous eûmes horreur de sa trahison, nous le dimes, hautement, et nous n'avons cessé de le repeter depuis.


A sa mort, j'étais à Bruxelles, où je m'étais rendue, avec la plus grande partie des artistes de notre troupe, conformément à un arrêté du conseil exécutif, pour y propager les bons principes, par les Représentations des pièces révolutionnaires, mission que nous avons remplie, avec toute l'ardeur et le patriotisme de vrais Républicains. J'en appelle au témoignage des députés de la Convention Nationale, des Commissaires du Pouvoir Executif et de tous les bons Patriotes, qui étaient alors à Bruxelles. Je n'ai eu liaison, dans ce pais, qu'avec nos artistes. — Plusieurs logeaient dans ma même maison et nous mangions ensemble, ce fût à la suite et en réjouissance de la mort du Tyran, que tous les patriotes réunis, nous coupames les portraits, c'est-à-dire les tètes de marie Théreze, mère de la scélérate marie-antoinette, et du tyran Joseph son frère, nous les envoyâmes aux jacobins, avec une adresse, que j'ai signée, ainsi que tous les bons patriotes ; je n'ai point signé d'autre Pétition, ni d'autre Arrêt.


A la Trahison de l'infâme Dumouriez, je fus obligée de me sauver précipitament, avec mes Camarades ; quelques heures plus tard, nous eussions été pendus par les autrichiens ; je fus donc forcée de me sauver et d'y abandonner un magazin considérable que j'y avais fait apporter et une fort belle montre que j'y ai laissée en gage ; plusieurs de mes camarades furent obligées d'y laisser, aussi, de leurs effets, nous y avions joué, la veille, la Prise de la Bastille.



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PRISE DE LA BASTILLE 
14 JUILLET 1789


De retour à Paris, je rendis, au Pouvoir Exécutif, le compte des recettes et dépenses ; avec les pièces justificatives à l'appui, et pour en diminuer le déficit, je portai en recette les vingt-cinq mille livres, qui m'avaient été donnés en secours, en 1792, comme à plusieurs autres Spectacles de paris. Je n'ai point inserré ce trait dans mon mémoire imprimé, mais il est aisé de s'en assurer, par le compte que j'ai rendu, et les reçus que j'ai donné ;


Les comptes des recettes faites aux Spectacles, les fraix journaliers du théâtre, ont été arrêtés à bruxelles, par les Commissaires du pouvoir Exécutif, qui avaient ordre d'y veiller, je n'étais donc qu'un être passif pour cet Objet ;


Pour ne point abuser des momens des membres de la Commission, en traçant, en double, les mêmes faits ; j'ai écrit au Cit. Noeuville d'insérer, dans sa série, ce que nous avons eu le bonheur de faire, conjointement, pour la Révolution, ainsi que notre position avant et depuis la Révolution.


Hébert et Chaumette, ces deux scélérats, ennemis de tous les bons patriotes, m'ont calomniée et fait jeter dans les fers, où je suis depuis plus de sept mois, mon mémoire imprimé ci-joint, répond au romand d'impostures, qu'ils ont eu la Cruauté de fabriquer contre moi, et j'espère que mes juges, instruits de la pure vérité, vont, enfin, me rendre à la Liberté.


Fait en la maison d'arrêt de la petite Force, Ce 28 Prairial l'an 2 de la République une et Indivisible.

Montansier."



A suivre...




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lundi 8 avril 2024

LE PROCÈS D'UNE BAYONNAISE CÉLÈBRE : MADEMOISELLE DE MONTANSIER EN 1790 (deuxième partie)

 

MADEMOISELLE DE MONTANSIER DE BAYONNE.


Marguerite Brunet, dite Mademoiselle Montansier, née à Bayonne le 19 décembre 1730 et morte à Paris le 13 juillet 1820, est une comédienne et directrice de théâtre française.





pays basque 8 mars femmes labourd bayonne revolution française justice
MLLE DE MONTANSIER 1790
Par Artist not identified — User scan of * Londré, Felicia Hardison (1991). The History of World Theatre: From the English Restoration to the Present, p. 186. New York: Continuum. ISBN 9780826404855. Reproduced from an original at the Théâtre du Palais-Royal., Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=13864923


Tous les 8 mars, à l'occasion de la journée internationale des femmes (le 8 mars est devenu la 

journée internationale des femmes suite à une décision du congrès des femmes socialistes, à 

Copenhague en 1910), je vous propose de découvrir ou de redécouvrir le portrait de femmes 

remarquables du Pays Basque, comme les femmes Républicaines emprisonnées à la prison de 

Saturraran (entre 1937 et 1946), Catalina de ErausoMadeleine de JaureguiberryMarga 

d'AndurainMargot Duhalde, les soeurs FeilletMaria Luixa Erdozio, les revendications 

féminines du Labourd en 1789 et Irène Némirovsky.



Voici aujourd'hui la comédienne et directrice de théâtre Mademoiselle de Montansier.




Voici ce que rapporta à son sujet l'hebdomadaire Le Monde artiste, le 20 septembre 1903, sous la 

plume de Martial Teneo :


"Les "Petits papiers" de l'Histoire.


Procès de la Montansier.



... Une singularité que je relève dans l'interrogatoire officiel de la Montansier, c'est qu'elle aurait déclaré n'avoir que quarante-cinq ans en 1793, alors qu'elle en avait réellement soixante-trois. Coquetterie de femme ? Défi à ses accusateurs, à cause d'un reste de beauté ? Nul ne saurait le dire. Je penche à croire qu'elle voulut se rajeunir pour ne point paraître ridicule aux côtés de Neuville. Quoi qu'il en soit, on verra par la suite qu'elle fournit elle-même un autre âge, flottant celui-là : "cinquante et tant d'années" dans une requête expédiée à la Commission populaire.



Le 24 Nivôse de l'an 2, la Montansier qui avait fait publier un Mémoire justificatif écrivait à un membre de la Commune :


"Tes momens, sont prétieux, Citoïen, je n'en abuserai pas.


Tu as reçu un exemplaire de mon Mémoire, tu as vu que j'y réponds aux calomnies suggérées au Père Duchesne. C'est d'après ces calomnies que j'ai été interrogé.

1° Sur les moïens avec lesquels j'ai fait bâtir le Spectacle de la rue de la Loi.

2° Sur mes prétendues liaisons avec Dumourier.

3° Sur mon voyage dans la Belgique.


J'ai répondu d'avance dans mon Mémoire, et je n'ai dit que la vérité.


La vérité que j'ai ditte est confirmée par l'examen de mes Papiers contenus dans un carton remis aux Administrateurs de la Police, lors de la levée des scellés posés dans mon domicile.


Ces administrateurs n'y ont trouvé que des livres de compte relatifs aux Apointemens des comédiens et à des frais de voyage de Bruxelles.


Des mémoires adressés au Conseil exécutif, pour en obtenir des indemnités, a raison des pertes que ce voyage m'a fait éprouver.


Enfin, une correspondance qui, bien loin de m'accuser, atteste mon civisme.


Cependant, sur Raport, mon affaire a été envoyée au Comité de Sûreté Générale. Je m'attendais à être rendue sur le champ a la Liberté et a une entreprise immense, a laquelle est attachée la fortune de plusieurs Citoyens irréprochables»


Mais les représentans du Peuple sont justes, et ma cause est en sûreté dans leurs mains. Je crains seulement les lenteurs et les malheurs qui peuvent en résulter, pour les bailleurs de fonds, les créanciers, les fournisseurs, et pour cinq cents artistes, a la veille d'être confondus avec moi dans une ruine commune.


Je ne te demande donc qu'un promt examen, et tu éprouveras, j'en suis sure, le besoin de secourir l'innocence opprimée.

Salut et fraternité.

Montansier. 

De la petite Force."



La pauvre directrice qui avait pleuré sur Marie-Antoinette comme sur Danton qu'elle avait aimé, n'était pas encore au bout de ses peines, et tandis que les jours les plus noirs de la Révolution se déroulaient au dehors, elle finissait par croire que sa geôle allait se transformer en tombeau.



Toutefois, elle manoeuvra de façon à provoquer de la part des nombreux comédiens qu'elle avait laissés derrière elle, une pétition qui, sous des dehors d'indépendance morale, tendait à défendre et sa personne et celle de Neuville.



Voici cette pièce curieuse dans son intégralité :


"Les citoyens artistes des Théâtres national et de La montagne, aux citoyens représentans du Peuple Formant Le comité de surveillance et sûreté Générale.

Liberté, République, Convention, ou la mort. 

Braves Montagnards.


"Quatre Cent Dix Sans Culottes Artistes du Théâtre National La pluspart Pères de famille, dont L'Existance est unie à celle de douze cent citoyens que leurs talents font vivre, viennent avec confiance Réclamer des Dignes montagnards formant Le comité de Sureté Générale, L'intérêt paternel qu'ils portent à toutes les classes du Peuple français. La détention de nos Directeurs Noeuville et Montansier nous froisse entre L'honneur de tenir nos engagements avec eux, et notre Existence qui se trouve compromise si leur captivité se prolonge.


Abandonnés à nous-mêmes, Discrédités par L'incarcération de nos Entrepreneurs, nous avons cependant constament consacrés une Partie de nos faibles recettes aux Dépenses énormes qu'exigent La Représentation des grands ouvrages Révolutionnaires. L'autre a été scrupuleusement partagée entre les ouvriers, et cette Portion d'artistes dont la modicité des honnoraires ne peut Laisser supporter le moindre Délai. La majeure Partie de la Troupe est en arrière de Cinq mois D'appointements ; et ce qui ajoute Encore à sa situation Déplorable, c'est L'incertitude de son sort avenir. Ce que L'on appelle en Terme de Théâtre année Comédienne Expire dans peu de jours. A cette époque tous les engagements Des artistes se renouvellent et c'est L'instant ou ceux qui ne sont pas placés D'avance dans les Spectacles des Departemens cherchent et trouvent de L'Employ jusqu'au Premier floréal, ce terme expiré, on est Exposé à rester toute L'année sans aucune Place.


Pleins de Respect, et de confiance pour les mesures Révolutionnaires, et Bien loin de Rien Préjuger des motifs de L'arrestation de Noeuville et Montansier, nous ne venons pas vous Demander leur Grâce. Innocents, nous nous Réjouirons de La justice qui leur sera Rendue ; coupables, nous maudirons en eux les ennemis De la chose Publique. Nous vous prions seulement, Citoyens, D'ordonner le prompt Examen de leur affaire, Puisque le Sort Présent et avenir De Douze cent sans culottes en Dépend.


Nous ne vous rappellerons Point Braves montagnards Le Patriotisme de notre Théâtre ; il fut un Devoir trop cher à nos coeurs pour nous faire un mérite de L'avoir rempli. Pénétrés des obligations de notre Etat en connaissant L'importance Du poste ou la République nous a Placés. Nous y consacrerons nos Talents à Propager, sans relâche les Principes Révolutionnaires : et jurons unanimement de mourir s'il le faut Pour la République en Deffandant les Loix que vous Decrettés pour son Bonheur.


Vive la République une et indivisible, Vive la montagne.

Les commissaires nommés par la troupe."

(Ici seize signatures, dont quelques-unes illisibles. J'y relève ; L. C. Lacave, Vulville, Armand Verteuil, Laborie, Bonnet-Bonneville, Gallet, Armand Royat, Amiel, Lamotte, Platel, Poissien et Linhard.)



Cette pétition était accompagnée de la pièce suivante formant un document de la plus haute valeur, en ce sens qu'on y trouve les titres de certains ouvrages qui ne furent jamais représentés :


"Etat des Pièces Révolutionnaires et Patriotes représentées par les Artistes Réunis des Théâtres National et de la Montagne depuis le 15 août vieux stile :

La Constitution à Constinople, Comédie ; La fête Civique, Divertissement Patriotique ; Brutus, Tragedie ; La journée de Marathon, Drame ; La mort de César, Tragédie ; Selico, Opéra ; La fête des nègres, Divertissement Révolutionnaire ; Les montagnards, Comédie Patriotique ; La Première Réquisition, Comédie Patriotique ; Les Prêtres et les Rois, Pièce Révolutionnaire ; La Parfaite Égalité, Comédie Révolutionnaire ; Manlius Torquatus, Tragédie Révolutionnaire ; La Mort de Marat, Drame Patriotique ; Alisbelle, Opera Patriotique.

Le Départ des Volontaires ; Mutius Sevole, Tragédie ; La Réquisition ; La Plume de l'ange Gabriel ; L'heureuse Décade ; L'omelette ; Encore un curé ; Le Congé du Volontaire ; Au Retour ; La Prise de Toulon ; Le campagnard Révolutionnaire ; La gazette de Campagne ; Le Petit Savoyard.


L'Administration, outre les Représentations ordonnées par un Decret, Par et Pour Le Peuple, en a donné Deux en Réjouissance de L'acceptation de la Constitution Républicaine, Deux en Rejouissance de La Destruction des traîtres de la Vendée, et les artistes du Théâtre National sont les seuls qui ayent donné une Représentation en Réjouissance de la Conspiration Découverte.


Pièces à l'étude :

Wenzel ou le magistrat Du Peuple, opéra ; Le Divorce Par amour, Comédie ; Le Siège de Grandville, Ballet National ; Marat aux champs Élisés, Comédie ; La Prise de Toulon ; La Journée du 10 août ; Le faux Patriote ; Ils sont Libres enfin ; L'envoyé du Saint Père."



Le Comité de Salut Public répondit à la pétition des artistes de l'ancien théâtre Montansier par un envoi d'assignats destinés à les tirer momentanément de la gêne, mais l'ancienne amie des Barnave et des Vergniaud de fut point relâchée. Les hommes de la Montagne n'abandonnaient point facilement leur proie. Il allait être démontré cependant que la Montansier n'était pas la grande coupable que l'on disait. Le Comité de la Sureté générale continuant à s'occuper de l'affaire dressait enfin l'inventaire suivant, à la décharge des directeurs inculpés :


"Du 1er Ventose an 2, enregistré sous le N° 32. 


Inventaire des Papiers trouvés chés La Citoyenne Montensier et Neuville, Directeurs du Théâtre de la Loi, et du Jardin de la Révolution, cy-devant Palais-Royal et déposés au Comité de Sûreté Générale, au bureau du timbre.


1er Carton. — Un Carton contenant diverses. Lettres écrites au Ministre des affaires étrangères, relativement à sa demande, d'être autorisé à envoyer La troupe de Comédiens à Bruxelles, pour y jouer des pièces patriotiques.

Autres relatives aux débats avec Les Directeurs de la Salle de Spectacle de cette ville, 

Plusieurs ordres de la Municipalité pour les Représentations de par et pour Le Peuple.

Plusieurs Décrets de la Convention en faveur de la Montensier et de sa troupe, pour Le dévoûment patriotique qu'ils ont montré, en fournissant argent et hommes pour Le service des frontières.


2 — Autre Carton ne contenant que des pièces de Théâtre, dont plusieures au rebus. Rien d'incivique.


3 — Autre ne contenant que des Lettres de Change acquittées.


4 — Autre contenant La Correspondance des pensionnaires du Théâtre, rien autre que des affaires d'intérêt.


5 — Autres Pièces de théâtre et quelques autres particulières. Rien d'incivique."



Puisque "rien d'incivique" ne pesait sur la réputation de la Montansier et de son associé Neuville, comment se faisait-il donc que les portes de la prison ne s'ouvraient pas devant eux ? C'est que jusqu'à l'heure de mourir, Hébert et Chaumette travaillaient ; dans l'ombre à amener la chute définitive de leurs victimes. C'est que les jours se faisaient de plus en plus menaçants et que Robespierre, dans la tourmente, perdait pied.




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PIERRE-GASPARD CHAUMETTE
Par D’après François Bonneville — Cette image provient de la bibliothèque en ligne Gallica sous l'identifiant ARK btv1b84122472/f1, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=772898


Tous ceux qui avaient fait école d'accusateurs pouvaient dans leurs élèves des accusateurs plus violents encore. La cohésion n'existant plus parmi les membres du Comité de Salut public, il arriva que des inquiétudes personnelles et très graves empêchèrent chacun de juger sainement les choses et que les détenus, à quelque rang qu'ils appartinssent, furent longtemps abandonnés, confondus dans l'ensemble énorme de suspects dont les prisons étaient peuplées."



A suivre...




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vendredi 8 mars 2024

LE PROCÈS D'UNE BAYONNAISE CÉLÈBRE : MADEMOISELLE DE MONTANSIER EN 1790 (première partie)

MADEMOISELLE DE MONTANSIER DE BAYONNE.


Marguerite Brunet, dite Mademoiselle Montansier, née à Bayonne le 19 décembre 1730 et morte à Paris le 13 juillet 1820, est une comédienne et directrice de théâtre française.





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MLLE DE MONTANSIER 1790
Par Artist not identified — User scan of * Londré, Felicia Hardison (1991). The History of World Theatre: From the English Restoration to the Present, p. 186. New York: Continuum. ISBN 9780826404855. Reproduced from an original at the Théâtre du Palais-Royal., Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=13864923


Tous les 8 mars, à l'occasion de la journée internationale des femmes (le 8 mars est devenu la 

journée internationale des femmes suite à une décision du congrès des femmes socialistes, à 

Copenhague en 1910), je vous propose de découvrir ou de redécouvrir le portrait de femmes 

remarquables du Pays Basque, comme les femmes Républicaines emprisonnées à la prison de 

Saturraran (entre 1937 et 1946), Catalina de ErausoMadeleine de JaureguiberryMarga 

d'AndurainMargot Duhalde, les soeurs FeilletMaria Luixa Erdozio, les revendications 

féminines du Labourd en 1789 et Irène Némirovsky.



Voici aujourd'hui la comédienne et directrice de théâtre Mademoiselle de Montansier.




Voici ce que rapporta à son sujet l'hebdomadaire Le Monde artiste, le 13 septembre 1903, sous la 

plume de Martial Teneo :



"Les "Petits papiers" de l'Histoire.


Procès de la Montansier.



Je n'ai point l'intention de récrire l'histoire de Marguerite Brunet, dite Mlle de Montansier, qui, née d'un employé aux Gabelles en 1730, devait mourir à l'âge de quatre-vingt-dix ans, après une existence remplie d'aventures extraordinaires. Celle qu'à Bayonne, sa ville natale, on avait surnommée dans sa jeunesse la Belle (Hermosa), l'ancienne élève des Ursulines de Bordeaux, la nièce d'une certaine Mme Montansier, revendeuse à la toilette rue Saint-Roch, la belle Béarnaise ainsi qu'on l'appela pendant dix ans dans les petites maisons que les nobles seigneurs possédaient aux coins retirés de la capitale, celle enfin qu'un coup de passion devait jeter entre les bras d'un médiocre comédien nommé Neuville, tint une place importante dans l'histoire de la Révolution et c'est au titre de "suspecte" que je vais m'occuper d'elle ici.



Tout le monde sait que Mlle Montansier après avoir dirigé des troupes en province avait fait débuter ses acteurs à Versailles, sur la scène du petit théâtre de la rue de Satory, qu'elle fit construire dans cette ville en 1775 le théâtre des Réservoirs et que de 1777 au jour où Louis XVI quitta le château de ses aïeux, elle déploya une vive intelligence et tint école de bonne comédie. On sait aussi qu'installée au Théâtre Montansier, elle fut "l'amante adorée" de Barras, que ce fut elle qui ménagea dans ses salons la première entrevue du jeune commandant d'artillerie Bonaparte avec son nouvel ami ; on sait encore qu'au lendemain du manifeste de Brunswick elle ferma son théâtre qu'elle avait dénommé le Théâtre de la Montagne pour complaire à Maillard, Saint-Just et Couthon et qu'elle organisa à ses frais une compagnie franche de 80 hommes pour l'envoyer à la frontière.



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PORTRAIT DE PAUL BARRAS
Par Jean-Baptiste Compagnie — Cette image provient de la bibliothèque en ligne Gallica sous l'identifiant ARK btv1b53009992b/f1, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=66759574


Après la victoire de Jemmapes à laquelle sa compagnie contribua, assurent quelques auteurs, Mlle Montansier — elle avait abandonné la particule de naguère ! — fit élever un théâtre sur le champ de l'action et, face à l'ennemi, donna aux enfants de la République, héros en sabots, couverts de loques glorieuses, un spectacle superbe suivi d'un feu d'artifice !



Puis elle revint à Paris pour y ouvrir son nouveau Théâtre National bâti par l'architecte Louis. Le succès fut énorme, écrasant pour les autres salles de spectacle, si bien qu'une coalition se forma contre Mlle Montansier.



Le 14 novembre 1793, Chaumette prenant la parole à la séance de la Commune, s'écriait :


"Je dénonce la citoyenne Montansier comme ayant fait bâtir la salle de spectacle rue de la Loi, pour mettre le feu à la Bibliothèque Nationale ; l'argent de l'Angleterre a beaucoup contribué à la construction de cet édifice, et la ci-devant reine a fourni 50 000 écus. Je demande donc que ce spectacle soit fermé, à cause du danger qui pourrait en résulter si le feu y prenait (Adopté.)"


Hébert ajoutait à son tour : 


"Je dénonce personnellement la demoiselle Montansier ; j'ai des renseignements contre elle. Et il m'a été offert une loge à son nouveau théâtre pour m'engager à me taire. Je requiers que la Montansier soit mise en état d'arrestation comme suspecte (Adopté)."



Le Théâtre National fut fermé sur l'heure, et le lendemain même Mlle Montansier fut arrêtée au moment où, en compagnie de Fabre d'Eglantine, elle montait en voiture pour se rendre chez Mlle Contat qu'elle avait l'intention d'engager.



A quelque temps de là, alors que le Théâtre National devenait le Théâtre des Arts (grand Opéra), Neuville fut arrêté à son tour et conduit à la prison de la Petite Force où était détenue son ancienne maîtresse, demeurée son amie, son associée, et son épouse occasionnellement.



C'est ici qu'il convient de publier une suite de pièces complètement inédites, accompagnée de la Note suivante, due sans doute à un magistrat de la Commune :


"Affaire de la Montansier, Pétitions, avec signatures nombreuses d'acteurs, interrogatoire.

Liste des pièces révolutionnaires jouées à ce Théâtre depuis le 15 août 1793 jusqu'au 10 ventôse an 2, pétition ; interrogatoire de La Montansier, par la Commune de Paris, mémoires, arrêté du Comité de Sûreté générale.


La Dame Montansier avait été dénoncée par Chaumette et Hébert, comme ayant construit sa salle dans l'intention de brûler la Bibliothèque nationale ; comme ayant voulu servir les Émigrés, en plaçant leurs fonds dans son entreprise, elle se vante de prouesses révolutionnaires assez grandes, elle avait été envoyée dans la Belgique avec sa Troupe, pour y former les Esprits à la République. Elle met sur la même ligne Chaumette, le père Duchesne (Hébert) et Marie-Antoinette, et leur donne la même épithète de scélérat. A quelles basses turpitudes ne descendent pas les âmes viles, quand le malheur les atteint.


Le recueil de ces pièces peint L'esprit du temps, et peut former un chapitre curieux de son histoire."




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PIERRE-GASPARD CHAUMETTE
Par D’après François Bonneville — Cette image provient de la bibliothèque en ligne Gallica sous l'identifiant ARK btv1b84122472/f1, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=772898



Voici d'abord l'extrait d'une Note que le procureur de la Commune, Chaumette, avait fait passer à l'administration de Police :


"Montansier, considérée comme intrigante, dont les liaisons et les agents sont plus que suspects. — Voici, d'ailleurs, un article la concernant : "On cherche depuis longtemps quel est le moyen qu'elle a pu employer pour bâtir un théâtre qui lui revient à plus de trois millions ; cette Directrice n'ayant encore payé que le 12e du prix du terrain, il n'a pu servir d'hypothèque à des financiers, qui, comme on sait, n'avancent leurs fonds qu'avec la certitude de ne courir aucun risque. Ces réflexions ont fait soupçonner que la salle avait été bâtie avec des fonds appartenant à des émigrés qui les ont placés là pour en frustrer la Nation, etc.


Après la situation de quelques intrigants bailleurs de fonds, on ajoute : "le nommé Duplessis (ci-devant Chevalier) dont le seul métier, depuis vingt ans a été d'être escroc et le mercure de tous les ci-devants. Cet entremetteur est l'âme damnée de la Montansier, et il se vante partout de lui avoir fait prêter à lui seul plus d'un million. Comme il a été lié à cause de son infame métier avec des gens qui présentement sont émigrés, il seroit possible qu'il les ait engagés à placer les débris de leur fortune chez Montansier. "



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THOMAS ANTOINE DE MAUDUIT DU PLESSIS


Le coup était rude et immérité. Aussi, en femme courageuse, la Montansier lutta du fond de sa prison avec la dernière énergie. Sans la haine de Chaumette et de Hébert, il paraît certain que les inculpés eussent été rendus à la liberté. L'interrogatoire de la Montansier datant du 11 frimaire an 2 que je donne ici, le démontre assez :


"Ce jourdhui devant Nous administrateurs au Departement de Police est comparue une Citoyenne mise en état d'arrestation en vertu d'un arrêté du Conseil Général de la Commune de Paris en datte du vingt-quatrième jour du 2e mois Républicain.


Enquise de ses noms, prenoms, age, pays, profession et demeure.


A répondu se nommer Marguerite Brunet Montansier, âgée de quarante-cinq ans, née à Bayonne, Directrice de Spectacles, et demeurant à Paris, Palais de Légalité, n° 82.


A elle demandé depuis quant elle est à Paris ?


A répondu qu'il y a environ trente ans.


A elle demandé depuis ce tems quels ont été ses moyens de subsistances ?


A répondu que ses moyens de subsistances ont été le produit des Diférens spectacles qu'elle a tenus jusqu'à présent.


A elle demandé combien lui a coûté la Totalité de son Terrain situé enclos de L'ancien hôtel de Louvois.


A répondu que ledit terrain luy a coûté quatre cent soixante mille quatre cents livres ainsy qu'il est constaté par le contract qui en est passé devant Rouen et Robin notaires à Paris le sept décembre 1791, et sur la quelle somme elle a payé de ses deniers celle de cinquante-cinq mille deux cent quarante-huit livres.


A elle demandé si elle sçait a combien s'élève le prix de la Totalité des Batimens qu'elle a fait construire sur ledit terrain.


A Répondu ne pas le sçavoir de Memoire et que dailleurs tous les Memoires ne sont pas encore tous fournis ny reglés que de plus elle se propose de donner à cet égard tous les renseignemens qui seront nécessaires lorsquelle les aura acquis.


A elle demandé sy pour touttes les dittes constructions elle a fait marché avec un seul ou plusieurs entrepreneurs ?


A Repondu avoir fait marché avec le Citoyen Léonard Mouchonnet entrepreneur de Batimens demeurant a Paris Lequel par acte passé avec La Repondante en Janvier 1792, s'est engagé de construire la totalité de tous Les dits Batimens, a condition que jusqu'à la pentecôte 1792, époque a laquelle il devait livrer la Salle de Spectacle, de payer au dit Mouchonnet la somme de trois cent cinquante mille livres et que le surplus luy serait payé a raison de Soixante mille livres par chaque année jusqu'à definition de payement.


A elle demandé si jusqu'à présent elle a effectué envers le Citoyen Mouchonnet les conventions souscrites.


A Repondu oui, qu'elle les a effectuées jusqu'a présent.


A elle demandé qui luy a procuré Les fonds necessaires pour acquitter les dits Engagemens ?


A Repondu differens particuliers a quy elle a emprunté, savoir, cinquante trois mille livres au prosfit du Citoyen François Louis Claude Marin, rue St Honoré. Quatre vingt dix mille livres a Jean Charles Bertrand a Yverdun, canton de Berne, et demeurant alors a Paris rue des Vieux Augustins.


Deux cent mille livres avec subrogation en faveur d'Antoine Lepescheux négociant rue de L'Echiquier a Paris. Onze mille livres a Jean Mannehou Leudenor rue Saint-Joseph. Vingt mille livres a Marguerite Boudier veuve Allegre rue de Grammont. Quatorze mille livres a Guetteau Vellony et Victoire Marguerite Allegre Rue Saint-Thomas du Louvre. Total des sommes empruntées et qu'elle a données au dit Mouchonnet, quatre cent quarante sept mille Livres ainsy qu'il est constaté par les Differens actes passés chez Rouen notaire de la Repondante.


A elle demandé quelles sont ses relations avec Le Citoyen Neuville ?


A Repondu que le Citoyen Neuville est son associé dans les diverses entreprises sus enoncées et que les actes qui les constatent sont faits solidairement entre le dit Cen Neuville et la Repondante.


A elle demandé sy elle ne reste pas aussy en commun avec le Citoyen Neuville ?


A Repondu Oui.


A elle demandé quelles relations elle a avec le Citoyen Verrier.


A Repondu que Verrier, n'est autre chose que le Domestique de Neuville.


A elle demandé si elle connaît le Nommé Languet.


A Repondu qu'elle connaît le Nommé Languet pour venir quelques fois chés elle depuis environ deux ans, qu'elle sçait qu'il est patriote, parce qu'elle le voit toujours avec des Patriotes.


A elle demandé si le Citoyen Languet a eu quelque participation dans quelques-unes de ses entreprises ?


A Repondu, Non.


A elle demandé si dans les diverses emprunts qu'elle a fait il ny a pas quelques Bailleurs de fonds qui fussent Emigrés.


A Repondu que quand on luy a pretté ils n'étoient pas émigrés, et qu'a présent elle ne pense pas qu'aucun deux fussent Emigrés.


A elle demandé si elle sçait ou est actuellement le Citoyen Pescheux ?


 A Repondu qu'elle L'ignore.


A elle demandé si elle connaît le Nommé Marin homme de Lettres ?


A Repondu quelle le connaît comme étant un de ses pretteurs.


A elle demandé sy elle connaît le Nommé Duplessis cy devant Chevallier ?


A Repondu quelle le connaît comme auteur.


A elle demandé si le Noé Duplessis ne luy a pas pretté ou fait pretter differens fonds ?


A Repondu Non.


A elle demandé comment se Nomme son Caissier.


A Repondu qu'il se nomme Cosmond dont le frère est Comédien chés la Repondante.


A elle demandé si lors que Dumourier vint a Paris l'hiver dernier il ne fut pas plusieurs fois chés la Repondante.




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CHARLES FRANCOIS DUMOURIEZ


A Repondu qu'au dernier voyage connu que Dumourier fit a Paris la Repondante alors était a Bruxelles avec partie de sa troupe ou elle avait été envoyée par le pouvoir exécutif affin d'y propager le Republicanisme, mais que l'avant dernier voyage que Dumourier fit à Paris, Dumourier fut a plusieurs spectacles et d'Umourier vint une fois a celuy de la Repondante et ce jour la elle donna Le Depart des Volontaires mais que Dumourier ne vint jamais a son domicile et jamais elle ne fut au sien.


A elle demandé si Lors qu'elle était a Bruxelles elle n'a pas quelques fois vu Dumourier, et si quelques fois du Mourier n'a pas soupé a sa Table.


A Repondu qu'elle n'a pas vu Dumourier et que par conséquent elle n'a jamais mangé avec luy.


A elle demandé si elle n'a pas eu quelques correspondances par ecrit avec Dumourier ?


A Repondu que se trouvant a Bruxelles avec sa troupe, sans argent, lorsque les Commissaires du pouvoir executif y étoient ainsy que les représentans du Peuple, nommés Gossuin, la Croix, Merlin et Danton, la Repondante ecrivit a Dumourier, lorsqu'il passa quelque tems avant de livrer la Belgique a l'effet de se faire donner quelques secours par avance, au quel Billet Dumourier ne fit aucune reponse.


A elle demandé sy elle ne s'est pas trouvée quelques fois avec les Commissaires du pouvoir executif ou avec les representans du Peuple qu'elle vient de designer ?


A Repondu que s'étant trouvée a plusieurs Banquets Patriotes qui ont eu lieu dans la Belgique, elle y a vu beaucoup de patriotes du nombre des quels étoient les Citoyens Merlin et Gossuin, ainsy que le Citoyen Fauchet cy devant Secrettaire a la Police, ainsy que Deffant Desjardins.


A elle demandé sy elle a obtenu de quelque maniere que ce fut, les fonds dont alors elle avait bezoin ?


A Repondu que le pouvoir executif luy a envoyé huit mille Livres en assignats et que le Nommé Du Sauzun luy a fait quelques legers prets de diverse nature, dont L'état doit se trouver dans ses Papiers.


Lecture a elle faite des Demandes et de ses réponses, a dit ycelles contenir verité, y a persisté et a signé M. Brunet Montansier.


Ce jourd'hui quatorze Nivose par suite du présent Interrogatoire avons fait comparaître de nouveau la Citoyenne Marguerite Brunet Montansier.


Représentation a elle faite d'un carton ficelé et cacheté de deux cachets.


A Repondu qu'elle le reconnait pour être le Carton dans lequel on a renfermé des Papiers qui ont été extraits de chés elle lors de la Perquisition qui a été faite a la levée de ses scellés, comme aussi elle reconnait les cachets pour être sains et entiers.


Ouverture faite du dit Carton y avons trouvé : 

1° Diférens registres etats de Contrôle, de Dépenses relatives aux acteurs et entretiens du Spectacle de la Citoyenne Montansier et Noeuville tant à Paris qu'a Bruxelles, au moment ou la Republique avait conquis la Belgique. 

2° Diférens mémoires en réclamation de diférens déboursés, tant pour payement des Pensionnaires acteurs, que frais de voyage et autres y rélatifs, lorsque la ditte troupe représenta à Bruxelles, adressées au pouvoir Executif. 

3° Enfin un grand nombre de Lettres d'auteurs et d'acteurs et autres personnes, dans les quelles nous n'avons remarqué aucunes Preuves d'incivisme, ni rien de contraire aux Interest de la Republique.


A la demande sy elle connait le Nommé Duplessis ?


A Repondu quelle connait deux Duplessis tous deux auteurs dont un a été son pensionnaire ayant joué la comedie chés elle et avec lesquels elle n'a aucune relation.


Lecture a elle faite de ce que dessus, a dit le tout contenir vérité, y a persisté, et a signé. Ainsy signé Montansier.


Sur quoy nous Administrateurs au departement de Police, attendu l'arrêté du Conseil général de la Commune de Paris en datte du Vingt quatre Brumaire, portant que la Dame Montansier sera mise en état d'arrestation comme suspecte : Disons en consequence que la ditte Montansier restera ès prisons de la petite Force jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné et que le Carton dans lequel est conténu les Papiers trouvés chez Montansier, sera avec expédition du présent Interrogatoire et pièces en dépendantes, envoyés au Comité de sureté generale de la Convention Nationale, pour y être statué définitivement et avons signé, ainsy signé Godard et Cordas.


Pour Copie conforme, 

Les Administrateurs au Département de Police, 

Caillieux. Godard."



A suivre...






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