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vendredi 13 juin 2025

UN VOYAGE À ANDAYE-HENDAYE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN SEPTEMBRE 1857 (quatrième et dernière partie)

 

ANDAYE-HENDAYE EN 1857.


En 1857, la ville d'Hendaye, en Labourd, compte environ 430 habitants et son Maire est Joseph Lissardy.



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HENDAYE VERS 1842
GRAVURE DE LOUIS GARNERAY



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien La Presse, le 21 septembre 1857, sous la plume de 

Frédéric Thomas, Avocat à la Cour impériale :



"Courrier du Palais.

XXIII.



... Il y a de Fontarabie à Irun, 30 minutes de chemin et quatre siècles d'histoire, car Irun est une ville toute neuve ; elle a moins qu'Urrugne le cachet espagnol, et si ce n'était la langue, le voyageur qui traverse la Bidassoa pourrait écrire : Entrez en France plutôt qu'en Espagne.



Donc, nous ne dirons rien de cette ville ; nous ne voulons qu'en détailler deux traits qui donneront un nouvel échantillon, de l'indolence espagnole.



L'année dernière, nous arrivâmes à Irun le 27 août, à trois heures. Nous avions à faire visiter nos effets à la douane et à prendre au même endroit un permis de séjour que la vigilancia publica vous délivre moyennant huit réaux, sorte de droit de péage prélevé à los puertas y fronteras. Je me présente donc au bureau de la douane pour avoir ce permis et prendre ma malle. Le bureau était ouvert, un essaim de mouches bourdonnait au soleil de la porte. J'ôte mon chapeau pour saluer, mais je salue le néant. Personne ne se trouvait là. Je parcours la salle, je regarde à travers les grillages, autour des pupitres. Peine inutile. J'ouvre des portes voisines, je frappe de la canne, j'appelle. Rien ne me répond. Je prends le parti de sortir alors, et j'avise un portefaix qui ronflait au soleil ; je le secoue par le bras.



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IRUN 1852
ALBUM DES 2 FRONTIERES
BLANCHE HENNEBUTTE



Le commissionnaire, ébahi de mon indiscrétion, se réveille en grondant, et je lui demande quelques éclaircissements sur la désertion de la douane.



Sa mauvaise humeur ne fit que s'accroître devant cette interrogation ; il me répondit entre deux baillemens que je devais savoir que tous les employés du bureau faisaient leur sieste quotidienne ; ils ne se réveilleraient qu'à cinq heures à l'arrivée de la diligence de Bayonne à Madrid. Jusque là il m'invitait à faire comme eux et comme lui, en allant me coucher à l'ombre si je craignais le soleil.



J'allai donc me promener jusqu'à cinq heures ; et à cinq heures un quart, en effet, quelques employés somnambules parurent dans le bureau et entrouvrirent des yeux en papillotes, encore engourdis par le sommeil. Irun, comme vous le savez, est une des portes les plus fréquentées de l'Espagne, et vous voyez avec quelle sollicitude veille sur elle la vigilancia publica.



Autre échantillon. Nous venons de dire qu'Irun est une ville neuve ; il faut excepter une rue étroite qui descend en serpentant vers une église du seizième siècle. Cette église fait le plus grand honneur à Barnabé Cardero, architecte de Madrid, et le choeur est un chef-d'oeuvre dû au ciseau d'un grand sculpteur, Juan Boscardo.



Un clocher octogone effile sa tour de pierre entre la porte et la nef de cette magnifique église ; un escalier à vis Saint-Gilles contourne ses degrés en éventail dans ce clocher et conduit à une plate-forme aérienne, au-dessus de laquelle est ménagée une loge pour les cloches. Or, en grimpant à ce clocher, nous nous aperçûmes qu'un fil de fer très solide, comme ceux des télégraphes, descendait du haut du clocher, traversait une large place et allait se perdre dans une fenêtre à travers un carreau de bois dont l'orifice était ouvert pour le recevoir. Une sorte de ressort à bascule, adapté à la fenêtre, correspond à un autre ressort du même genre cloué au haut du clocher, et met en mouvement le battant d'une cloche. Vous avez tout compris ; cette fenêtre donne dans le logis du sonneur. L'église d'Irun a un carillonneur en chambre. Celui-ci sonne la messe, de son lit, à peu près comme nos concierges nous tirent le cordon. Le bon Dieu finir par avoir son Pipelet.



Le carillonneur d'Irun nous remet en mémoire l'un de ses confrères, car, dans le Midi, ces fonctionnaires de la cloche ont le privilège des excentricités.



Il y avait à Bordes, commune du département des Hautes-Pyrénées, un carillonneur nommé Carrerat, qui, une ou deux fois par an, avançait deux heures l'Angelus de midi en disant : Ce sera autant de fait, et je pourrai aller à la foire.



Ces jours-là, tous les paysans étaient désorientés, et la perturbation la plus comique troublait tout le personnel de la paroisse. Les hommes revenaient des champs furieux de ne pas trouver un dîner forcément en retard. C'étaient des querelles dans tous les ménages ; puis, quand on s'était bien expliqué et qu'on se concertait pour lapider le carillonneur, cause de tout le mal, on apprenait que Carrerat était parti tranquillement pour la foire d'un village voisin.



Le curé aurait bien mis à la porte ce carillonneur détraqué, mais il était lui-même aussi original que son valet.



Ce digne prêtre, qui avait nom Parromea, se livrait dans ses prônes à la manie des interrogations, et il ne trouvait pas mauvais qu'on lui répondit. Un jour, s'étant quelque peu embrouillé dans l'évangile où Saint Mathieu raconte le miracle de la multiplication des pains dans le désert, le prédicateur, victime d'une trahison de sa langue, finit par conclure, qu'avec deux poissons et cinq mille pains, Jésus-Christ avait nourri cinq hommes.



Puis, se tournant vers l'auditoire : 


— Qui de vous, mes frères, s'écria-t-il, serait capable d'accomplir un tel prodige ?


— Moi, s'écria Carrerat du fond de l'église. Parbleu, ce n'est pas bien difficile de nourrir cinq hommes avec deux poissons et cinq mille pains.



Le curé comprit qu'il s'était fourvoyé, il ne répliqua pas ; il eut même l'air d'accepter la leçon, et finit son prône comme si de rien n'était, s'en remettant à une meilleure occasion pour prendre sa revanche.



Cette occasion il l'attendit un an, mais le temps ne fait rien à l'affaire. Dans l'année suivante, au même Evangile et au même dimanche, M. le curé, ayant pris toutes ses précautions, réussit à ne plus faire de confusion entre le nombre des convives et le menu du repas évangélique. Il articula bien les cinq mille hommes, qu'il mit en regard des deux poissons et des cinq pains.



Puis, interpellant directement Carrérat, qu'il croyait écrasé du coup :


— Eh bien ! dit-il, mes frères, lequel de vous en ferait autant ? Lequel de vous, avec cinq pains et deux poissons, nourrirait cinq mille hommes ? Est-ce toi, Carrérat ?


— Sans doute, monsieur le curé, répondit le carillonneur ; je pourrais bien le faire avec ce qui m'est resté de l'année dernière."






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