Libellés

samedi 7 juin 2025

LE PAIN "ESPAGNOL" AU PAYS BASQUE EN MARS 1918 (seconde partie)

 

LE PAIN "ESPAGNOL" EN MARS 1918.


Pendant la Première Guerre mondiale, la question du ravitaillement est un sujet quotidien préoccupant dans toute la France, et au Pays Basque également. 




pays basque guerre histoire 1914-1918 ravitaillement frontiere pain guipuscoa
PAIN 1918



Voici ce que rapporta E. Seitz dans le quotidien La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-

Luz, le 9 mars 1918 :



"Le pain d'Espagne.



Il y a toujours une question de pain d'Espagne, car de plus en plus, la spéculation s'exerce, d'une façon scandaleuse sur cette denrée.



Nous avons dit déjà que grâce à une tolérance amicale de nos amis d'Espagne, beaucoup de frontaliers, de Luziens, même des Bayonnais et des Biarrots pouvaient aller de l'autre côté de la frontière chercher le pain nécessaire à leur ménage, en petite quantité d'ailleurs. L'autorité espagnole chargée de faire respecter l'interdiction de l'exportation, — car l'Espagne a du blé tout juste pour ses besoins — s'émeut de voir les progrès d'une spéculation éhontée qui s'exerce sur le pain par l'intermédiaire de contrebandiers cupides et sans vergogne et, si l'on n'y met ordre, il est à craindre que la spéculation tue le tolérance. Il y a, en effet, un double scandale que les autorités d'Espagne et de France ont à faire cesser : d'une part la fabrication clandestine et la sortie en fraude d'une très grande quantité de pain de qualité plus que douteuse d'ailleurs ; d'autre part la vente à Biarritz, à Bayonne, en diverses autres localités et surtout aux environs de Béhobie, des sacs et des charretées de pain vendu d'autant plus cher qu'il est plus mauvais, aux prix exorbitants de 2 à 4  francs le kilo.



pays basque guerre histoire 1914-1918 ravitaillement frontiere pain guipuscoa
BOULANGERE BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Je tiens à m'expliquer tout de suite sur la question de qualité et de prix et à rendre aux autorités et aux commerçants cette justice stricte de déclarer que ni les uns ni les autres ne sont responsables de ce dont nous nous plaignons. Pas un boulanger de Saint-Sébastien ni d'Irun n'est capable de faire et de délivrer des pains aussi défectueux et aussi sales souvent que ceux dont nous avons vu faire la vente ici ; pas un ne vend le pain à qui que ce soit au-dessus de 55 ou 60 centimes le kilo suivant la qualité (les revendeurs même se contentent d'une minime majoration qui ne met pas le pain au-dessus de 65 centimes de peseta).



Nous nous trouvons en présence d'une fabrication de contrebande et d'une exploitation honteuse contre laquelle les autorités d'Espagne et de France se doivent de sévir rigoureusement.



J'ai constaté, à Biarritz, au cours d'une enquête suivie, qu'on y apportait journellement — surtout depuis que la frontière est fermée — des charretées de pain, dont la vente a été interdite sur la place publique, mais qu'on débite dans divers magasins. Ces pains ont des origines diverses sans doute, mais la plupart présentent les caractéristiques suivantes : Ils n'ont pas le poids régulier de 1 000 ou 1 250 grammes ; or la surveillance est très sévère en Espagne et le pain de boulangerie pèse le poids légal, à très peu de grammes près ; ce poids est d'ailleurs obligatoirement inscrit à même la croûte de chaque pains ; et puis la plupart sont mal cuits, humides, souillés ; j'en ai vu de tout graisseux ; d'autres complètement mouillés ; d'autres avec de saletés de toute sorte ; cela donne à penser qu'ils sont faits dans des boutiques clandestines des environs de Béhobie ou Behobia, avec des farines qu'on se procure indûment. Pains ou farines sont transportés par contrebande à travers la Bidassoa par des moyens de fortune et grâce à des complicités coupables.



A la suite de notre dernier article, un correspondant nous écrivait que les revendeurs, à Biarritz, du pain espagnol n'exagèrent nullement en vendant le pain de 3 francs à 3 fr.50.


"Voici pourquoi, ajoutait-il : avec le change, les trois livres coûtent 1 fr. 05 mais il faut compter les frais de voyage, le temps perdu, les commissions à payer : Mais généralement les revendeurs de Biarritz ne passent pas la frontière. Ils s'adressent, le long de la Bidassoa, à Hendaye, Béhobie, Biriatou et même plus loin, dans diverses maisons connues d'eux : maisons particulières, auberges, épiceries, fermes, etc., où l'on trouve des stocks de pain espagnol passé en contrebande par les paysans espagnols ou contrebandiers de profession.


Or, nos revendeurs paient aux propriétaires et tenanciers de ces diverses maisons, auberges, fermes, épiceries, etc., le pain tantôt à 2 fr. 25, tantôt 2 fr. 50, 2 fr. 75 et parfois même 3 francs ou plus.


Cela, je l'ai vu, de mes propres yeux vu. Et encore les revendeurs de Biarritz ont-ils en plus de leurs frais de voyage et déplacement, les frais de repas à Béhobie et souvent aussi ceux d'un coucher, car il faut quelquefois attendre le pain. Je ne parle pas de la peine énorme qu'ils ont en outre à ramener sur leur dos des quantités de pain. Je suis absolument certain de ce que j'avance. Ayant, dans les débuts, payé à Biarritz le pain d'Espagne à 3 francs, j'ai voulu me rendre compte par moi-même et essayer de l'avoir meilleur marché.


J'ai donc fait à quatre reprises différentes le voyage de Biarritz à la frontière. J'ai pu, à chaque fois, me mêler adroitement à ces revendeurs. J'ai vite su et vu qu'ils ne payaient pas le pain 1 fr. 05 mais bien de 2 fr. 50 à 3 francs.


Un autre cas a lieu, quelques-uns des dits revendeurs ne vont pas dans ces maisons ou auberges tenant des dépôts de pain. Ils ont affaire directement aux contrebandiers espagnols connus d'eux. Or, les contrebandiers leur demandent par pain 1 fr. 26, plus 0 fr. 80 par pain pour frais de passage du pain d'Espagne en France. Le pain revient donc aux acheteurs à 2 fr. 05 minimum sans compter, je le répète encore, les frais de voyage, la peine et aussi les droits de douane perçus par les douaniers français, lorsque la quantité de pain entrée en France est un peu élevée."



M. J... a raison : ce qu'il écrit m'a été confirmé par les revendeuses qui ont fait métier d'aller chercher du pain pour le revendre ici ; c'est du côté de Béhobie et de Biriatou que ce trafic s'accomplit ; c'est là que la spéculation s'opère ; on y demande jusqu'à 3 francs par pain aux revendeurs eux-mêmes ; c'est de ces côtés-là qu'il faut, croyons-nous, rechercher et poursuivre l'industrie défectueuse du pain douteux, la mise en vente de pain à pesée frauduleuse, l'exportation éhontée d'un besoin populaire.



pays basque guerre histoire 1914-1918 ravitaillement frontiere pain guipuscoa
PORTEUSE DE PAIN
PAYS BASQUE D'ANTAN


Autant il convient de favoriser par une juste tolérance l'approvisionnement de famille qui se fait dans les excellentes boulangeries d'Espagne, autant il est juste de savoir gré à nos voisins sympathiques de l'aide complaisante donnée aux populations de la frontière française, autant il est nécessaire de mettre un terme de part et d'autre à cette scandaleuse exploitation."



A suivre...








Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

Plus de 6 400 autres articles vous attendent dans mon blog :

https://paysbasqueavant.blogspot.com/


N'hésitez pas à vous abonner à mon blog, à la page Facebook et à la chaîne YouTube, c'est gratuit !!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire