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dimanche 17 août 2025

UN CHARIVARI À SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT EN BASSE-NAVARRE AU PAYS BASQUE EN 1832 (première partie)

UN CHARIVARI À SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT EN 1832.


Les charivaris ont existé en Europe et dans de très nombreuses régions de France, dont le Pays Basque.



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CHARIVARI
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta à ce sujet Gil. G. Reicher, dans le bulletin de la Société des Sciences, Arts & 

Lettres de Bayonnele 1er janvier 1937 :



"Un Charivari, qui finit mal, en 1832, à Saint-Jean-Pied-de-Port.



1830 et les années qui suivirent furent pour Saint-Jean-Pied-de-Port une période assez troublée par des causes intérieures et extérieures.



Les événements qui se déroulèrent à Paris à la fin de juillet 1830, ne furent connus à Saint-Jean dans les débuts d'août que d'une façon incomplète et douteuse. Si bien que le conseil municipal réuni le 6 août vota la motion suivante :


"Vu que tout indique le changement de gouvernement, vu l'absence de toute instruction de la part d'autorités supérieures...", on décide d'arborer le drapeau tricolore et d'ouvrir un registre d'inscriptions sur lequel viendront signer tous ceux qui désirent faire partie de la garde nationale.



Cette incertitude et disons-le, cette scission dans l'opinion, énervait l'atmosphère de Saint-Jean. La guerre civile qui allait éclater en Espagne ne sera pas faite pour la calmer. L'autorité municipale aura quelque peine à obtenir que cet émoi reste en dehors de toute manifestation. Cette guerre carliste aux portes de notre ville enfiévrait les habitants de Saint-Jean. Toute occasion semblait bonne pour les dresser les uns comme les autres.



Les nombreux cabarets offraient un asile où le vin — le vin de France ou d'Espagne, la contrebande étant facile en ces temps troublés — apportait à la discussion un élément vivifiant !



Les marchés aussi, en rassemblant les gens de divers villages, permettaient des discussions qui, parfois, menaçaient de devenir sérieuses. Point n'est besoin d'ailleurs de guerre carliste. Il n'y a pas longtemps encore que les soirs de marché, des irrinzinas lancés à plein gosier annonçaient que les makilas allaient entrer en danse entre gars de différents endroits. Se battre est un plaisir pour le Basque.



Le Maire d'alors, Laurens, d'accord avec sa municipalité "refusa de donner son adhésion à l'établissement d'un marché à Baïgorry, trouvant que celui de Saint-Jean présentait bien assez d'occasions de dispute et de rixe. Dans une ville-frontière, ajoute-t-il naïvement, le marché sert surtout à la contrebande". La guerre carliste multipliera les prétextes pour y avoir recours. Les contrebandiers s'avèrent si nombreux que le Maire écrit : "La brigade de gendarmerie n'y peut rien" et il avoue : "Souvent il y aurait plus de prudence à ne pas la présenter de crainte de compromettre l'autorité". Peut-on empêcher un Basque d'être contrebandier !



Cependant la guerre débordait les cimes et les cols frontières, les chemins devenaient difficiles, la route Valcarlos Arnéguy peu hospitalière, le col d'Ibañeta "une montagne extrêmement dangereuse". Si bien que, quelque temps plus tard, le Maire recommandera comme plus sûre la route de Roncevaux par Orisson.



On conçoit que cette atmosphère belliqueuse enfièvre Saint-Jean. L'hiver de 1830-31, celui de 1831-32 seront chargés d'émeute. Un souffle tragique traverse de temps en temps l'air de la royale cité. Maints prétextes font éclater les querelles.  La question des grains par exemple. Les belligérants espagnols durent avoir besoin de ravitaillement ; il passe trop de blé et de maïs en Espagne. Des rixes, sanglantes parfois, éclatent chaque soir de marché ou de fête. La Mairie doit faire parcourir les rues par des patrouilles de cette garde nationale dont nous avons vu le registre s'ouvrir le 6 août 1830.



Mais la peur de la disette n'était pas seule à échauffer les esprits. Si les événements extérieurs excitaient les habitants de Saint-Jean, la vie civile souffrait aussi de bien des troubles, qui, pour être moins sanglants, n'en étaient pas moins irritants et qui prenaient des proportions assez déconcertantes, ainsi que nous l'allons voir, malgré les précautions de la municipalité, d'ailleurs fort excitée elle-même par les discussions qui se manifestaient de plus en plus vives entre le Maire Laurens et l'adjoint Salaberry. 



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CHARIVARI A UHART-CIZE
PAYS BASQUE D'ANTAN



C'est autour d'un charivari que cette histoire mi-tragique, mi-comique va se dérouler.



Durant cette année 1830, les charivaris, quelque peu tombés en désuétude, reparurent à Saint-Jean avec une vigueur nouvelle ; non point qu'ils fussent tout de suite organisés avec l'importance de ceux dont le souvenir vivait dans la mémoire des Anciens, mais, embryonnaires encore, leurs effets apparaissaient çà et là, certains soirs.



Les jeunes gens se réunissaient en troupes, parcouraient les rues en chantant des couplets qu'un peu plus tard, le conseil municipal, scandalisé, au mois en apparence, qualifiera "d'injurieux et obscènes".



Mais bientôt, ces garçons exagèrent ; la nuit, ils lancent des pierres contre "certaines" portes et fenêtres. Nous verrons plus tard quelles elles sont.



S'excitant de plus en plus, dit un des rapports du registre de 1830-31, ils se livrent à "des voies de faits sur les personnes et les propriétés". Menaces, injures, bris de clôture, cris séditieux, un beau désordre !



Le Maire, alerté et inquiet, fait afficher un premier avis, qui enjoint à cette turbulente jeunesse de rester calme. Si cet avis ne suffit pas à la rendre sage, Laurens la menace des tribunaux.



Mais il apparaît que cette menace reste lettre morte. Elle n'a aucun effet, les petits charivaris continuent et le désordre augmente. Le nombre des cabarets de Saint-Jean était, nous l'avons vu, très élevé pour une petite ville. Nos malandrins trouvaient là lieu d'asile. Si on les pourchassait dans les rues, ils se réfugiaient autour des tables de bois, sur lesquelles les verres scandaient rapidement une chanson rituelle, contre laquelle l'autorité n'avait plus à sévir.



Malheureusement, ces cabarets devinrent vite des lieux de trouble. Bientôt, ce ne seront plus de simples disputes qui s'y dérouleront au milieu des cris d'une jeunesse bruyante, mais des rixes graves.



Les couteaux entrent en jeu, et l'on déplorera même des assassinats. Sans doute, les meurtriers, ni les victimes, ne feront pas partie de la population sédentaire de Saint-Jean. Les coups de navajas se donnent entre muletiers et arrieros venus d'Espagne. Mais quel exemple pour ces jeunes gens déjà excités par des discussions intestines !



Aussi l'autorité s'émeut profondément. Les arrêtés se succèdent. D'autant plus nombreux que je ne sais par quelle aberration les animaux se sont mis de la partie. Il y a des chiens enragés du côté d'Ispoure. Les porcs s'échappent de leurs porcheries, d'ailleurs trop souvent illusoires, pour porter le trouble dans les rues. Il est curieux de noter, à travers les années, le désordre que provoquèrent les porcs dans les rues de Saint-Jean.



Il est ordonné de les museler (museler un porc ! quelle plaisanterie !). On doit enfermer les chiens, conduire à la main les chevaux et les mulets, mais surtout : nécessité absolue de fermer les cabarets à 7 heures. L'arrêté est affiché aux portes des monuments publics : Mairie et Eglise, et lu à haute voix à travers toute la ville.



Afin que l'heure de fermeture ne passe pas inaperçue elle "sera sonnée par la cloche de la ville".



Ainsi l'opinion des gens sages pense que voilà évitées ces occasions de dispute "que les Basques cherchent avidement pour satisfaire leurs goûts naturels".



A suivre...











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