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dimanche 10 août 2025

LES BASSES-PYRÉNÉES EN 1823 PAR LOUIS GARNERAY (troisième et dernière partie)

 

LES BASSES-PYRÉNÉES EN 1823.


En 1823, Louis Garneray, peintre officiel de la Marine, parcourt les côtes de la France entière, de 1823 à 1832, à la demande du duc d'Angoulême, qui lui commande des vues des grands ports de France.



pays basque labourd autrefois garneray port peintre
EMBOUCHURE DE L'ADOUR 
PAR LOUIS GARNERAY 1823




Voici ce que rapporta à ce sujet Louis Garneray, dans son ouvrage Voyage pittoresque et maritime 

sur les côtes de France :



"Département des Basses-Pyrénées.



L'embouchure de l'Adour et la Barre de Bayonne.



Vous êtes au pied de la tour du Boucau ; ici, l'Adour, rivière aussi douce que son nom, verse ses ondes pures dans une mer turbulente ; cette vague immense, cette montagne écumeuse, c'est la Barre de Bayonne ; les plus intrépides marins ne la passent pas sans crainte. 



tableau pays basque autrefois rade barre
LA BARRE DE BAYONNE VERS 1850
FONDS ANCELY


Voyez ce vaisseau prêt à la franchir : courbé sur l'abîme, l'écume des flots qui l'assaillent, couvre et blanchit son pont. Sa position n'est pas sans danger, car j'aperçois sur la tour du Boucau le pavillon dont l'inclinaison variée dirige le pilote dans les gros tems.



Sur la jetée, une jeune femme est à genoux ; elle prie, sans doute, pour un amant, pour un père, pour un époux qu'elle est au moment de revoir après une longue séparation, et qu'un cruel naufrage attend peut-être au port.



D'autres spectateurs, dans la pose desquels on remarque le degré d'intérêt qu'ils prennent à l'événement ; des soldats, des marins, un ouvrier qui a déposé ses outils, animent le rivage, pendant que deux chaloupes, placées à 70 toises l'une de l'autre, de chaque côté de la passe, attendent que le navire ait franchi la barre, et se préparent à lui porter secours.



Dans le beau tems, ces chaloupes s'avancent en pleine mer ; ce sont des pinasses bordées de six avirons, et munies d'une voile de misène, dont elles ne servent qu'avec le vent largue ou le vent arrière.



Il serait difficile de rien imaginer de plus beau, de plus terrible que le spectacle de cette barre redoutable, qui grossit, s'élève et tombe en mugissant dans un bassin paisible. A u delà de la passe, la vaste étendue des mers ; cette solitude, qui semble remplie du seul courroux des eaux, tout, jusqu'au contraste des nuages safranés, de l'azur noir du ciel et de la blanche écume des flots, inspire une sorte de terreur où l'âme et les yeux paraissent se complaire.



Pour éviter aux navigateurs un inutile trajet de six lieues, le fameux ingénieur Louis-de-Foix, sous le règne de Henry IV, creusa cette embouchure de l'Adour, après avoir fermé son lit naturel. Il crut avoir éternisé son travail en plaçant de fortes digues et en donnant aux jetées de la rivière, faites en pierre de Bidache, une épaisseur moyenne de huit pieds dans leurs parties supérieures ; mais de mobiles bancs de sable se sont formés dans cette nouvelle embouchure et l'ont semé d'écueils qui rendent chaque jour la passe plus dangereuse.



Arrêtons-nous un moment à contempler la Barre de Bayonne, et nous continuerons à parcourir ces côtes magnifiques de la France, dont la vue finira, sans doute, par révéler aux Français le secret d'une grandeur maritime à laquelle leur pays doit un jour parvenir.




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VUE DU PORT ET DES ARSENAUX DE BAYONNE
PAR LOUIS GARNERAY 1823



Vue du Port et des Arsenaux de Bayonne.



C'est sous les allées marines qui occupent la rive droite de l'Adour, qu'un peuple chez lequel les soins et les habitudes du commerce n'ont point éteint la gaieté native, vient lancer la balle et s'exercer à la course : en même temps que des joueurs de paume vous donnent une idée de ses plaisirs, des groupes d'étrangers, des Orientaux assis sur des ballots étiquetés, des barques et des navires en chargement vous rappellent les expéditions lointaines des Bayonnais : ainsi le peintre a réuni dans un petit espace les principales nuances des moeurs locales, et il a retracé au moyen de quelques personnages les traits divers qui caractérisent les habitants de Bayonne.



Au confluent de l'Adour et de la Nive, ce pont de bois, aux arches si légères, unit la vieille ville de Bayonne au bourg du Saint-Esprit : rempart de la France sur ce point méridional de la frontière, Bayonne avait été fortifiée, mais le temps a détruit l'ouvrage de Vauban ; cette ville est aujourd'hui sans autre défense que le courage de ses habitants et sa citadelle.



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BAYONNE 1835
PAYS BASQUE D'ANTAN



Vous la voyez s'élever devant vous, au sommet du coteau Saint-Etienne ; au bas se trouvent le port et les arsenaux, qui occupent un lieu nommé le Parc.



C'est de ce parc que sortent les énormes gabares qui vont jeter dans tous les ports de l'Océan les bois de construction que l'on tire du département des Basses-Pyrénées. Dans ces mêmes chantiers se construisent des corvettes renommées pour la légèreté de leur forme et la célérité de leur marche.



Sans la redoutable barre dont nous avons parlé, et qui oppose à la navigation, devant Bayonne, un obstacle presque insurmontable, cette ville, sous le rapport du commerce, ne tarderait pas à l'emporter sur Bilbao, située beaucoup moins avantageusement.



L'espace me manque pour esquisser une seconde fois les moeurs de cette ville, sur lesquelles je me suis suffisamment étendu dans le second volume de mon Ermite en Province. Je remarquerai seulement qu'à Bayonne les classes supérieures de la société sont généralement tristes, tandis que la gaieté la plus vive et la plus bruyante est le partage des artisans. Ici le peuple échappe à la pauvreté par le travail, et à la dégradation par un grand respect de lui-même. Il n'y a point à Bayonne ce qu'ailleurs on appelle de la populace.



De Bayonne jusqu'aux frontières immédiates d'Espagne, la beauté des femmes semble s'accroître progressivement de lieue en lieue : la taille devient plus svelte, la démarche a plus de grâce, l'oeil rayonne d'un feu plus doux : si l'on en excepte de belles dents, que la nature bizarre a refusées assez généralement aux femmes de cette contrée méridionale de la France, elle leur a prodigué tous ses autres dons.



Seconde vue de Bayonne.



C'est encore Bayonne que nous avons sous les yeux ; ce point de vue est celui qu'avait choisi le grand peintre des ports, des flots et des orages. En le reproduisant, on a eu soin de l'enrichir de plusieurs détails importants qui n'existaient pas au temps où Vernet exécuta ce tableau.



Avant de quitter cette ville, disons encore un mot de son commerce, tout à la fois de haute navigation et de cabotage. Baignée par les flots de la mer, et par les eaux réunies de deux rivières, Bayonne, pour devenir le premier port de la France sur l'Océan, n'aurait besoin que de ses faire disparaître, sous les efforts de l'art, la barrière orageuse que les flots opposent à l'entrée. Ce n'est pas à nous qu'il appartient d'indiquer au génie des grandes entreprises les moyens et les travaux qui pourraient amener un semblable résultat.



L'épithète nunquam polluta, que les Bayonnais donnent à leur ville, n'est pas tout à fait exacte : les Anglais s'en rendirent maîtres sous Edouard III ; mais reconquise presque aussitôt par ses propres habitants, elle a conservé des droits au titre de vierge dont elle continue à se prévaloir.



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NUNQUAM POLLUTA BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Parmi ses souvenirs historiques elle compte l'invention terrible de la baïonnette, qui réunit, dans le fusil, les avantages destructeurs de l'arme blanche et de l'arme de jet."





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