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vendredi 9 mai 2025

LA CHANSON POPULAIRE BASQUE PAR RODNEY ALEXANDER GALLOP EN 1928 (troisième partie)

 

LA CHANSON POPULAIRE BASQUE PAR RODNEY ALEXANDER GALLOP EN 1928.


Rodney Alexander Gallop (1901-1948) était un ethnographe et diplomate anglais, connu pour ses livres sur le folklore, en particulier le folklore Basque.




pays basque littérature chansons folklore gallop
LIVRE 25 CHANSONS POPULAIRES D'ESKUAL-HERRIA
RECUEILLIES ET HARMONISEES PAR RODNEY A. GALLOP


Suite aux travaux de collecte et de recherche du folkloriste anglais Rodney Gallop au Pays 

Basque, le Musée Basque de Bayonne publia en 1928 un recueil de 25 chants basques harmonisés 

pour piano. Il continua ses recherches sur les coutumes et les traditions basques et, en 1930, il 

publia un livre intitulé A book of the basques, qui contient 2 chapitres sur le "folk-song". Un an 

plus tard, il publia un recueil de 6 chants basques harmonisés pour voix et piano.



Voici ce que rapporta à ce sujet Rodney A. Gallop dans le Bulletin du Musée Basque N° 8, en 1928 :



"La chanson populaire Basque.


... III. — Forme.



Etudions d'abord la forme. Nous pouvons suivre l'évolution de celle-ci, depuis ses commencements c'est-à-dire la répétition monotone d'une seule phrase musicale (Exemples 3 et 4) jusqu'au point où elle en est aujourd'hui. Les Basques ont un sentiment infaillible de la forme, et leurs mélodies sont toujours construites avec une robuste simplicité doublée d'un goût et d'une sûreté étonnants. En les écoutant on a toujours conscience d'entendre une œuvre complète et achevée. Dans l'Eskual-Herria on n'entend jamais de ces longues mélopées traînantes de l'Orient qui n'ont ni commencement ni fin. Que la mélodie soit courte ou longue la forme ne résiste guère à l'analyse la plus exacte.



Aux courtes phrases répétées plusieurs fois ont succédé des phrases d'une plus grande envergure qui ne se répètent qu'une fois, comme dans ce petit bout de chanson, "Trilili eta Tralala" (Vingt-Cinq Chansons N° 6) dont les paroles ont été notées par Julien Vinson mais dont l'air était resté inédit.


Ex. 7. — Trilili eta Tralala.


En matière de forme la répétition reste le seul procédé jusqu'à l'époque où le peuple, en sentant la monotonie, a éprouvé le besoin d'introduire une seconde idée musicale entre l'exposition de la première et sa reprise. Si l'on désigne par la lettre A la première idée musicale, et par la lettre B la seconde, sorte d'épisode ou intermezzo, on peut représenter la forme ainsi créé par la formule A B A, ou bien A A B A si, comme il arrive souvent, la première phrase est répétée avant l'introduction de l'épisode B. L'épisode B intercalé entre l'exposition du thème A et sa réexposition distrait l'oreille par la variété, tandis que la réexposition du thème A apporte un sens de repos et d'unité à la mélodie.



Cette innovation marqua un grand progrès. C'était l'invention, laquelle a dû se produire parallèlement et indépendamment chez presque toutes les races, de la forme ternaire la plus simple et la plus belle de toutes les formes musicales, laquelle a été exploitée par tous les musiciens de génie. Avec les formes qui en découlent cette forme est le moule dans lequel est, pour ainsi dire, coulée la plus grande partie des chansons basques, surtout sur le versant septentrional des Pyrénées. C'est d'ailleurs la forme la plus indiquée pour la strophe de trois ou quatre vers dans laquelle est composé le couplet populaire basque, ce qui a dû beaucoup contribuer à répandre et à conserver la forme ternaire.



La partie B, celle qui doit son existence au désir de flatter l'oreille par la variété en rompant la monotonie de la mélodie avant le retour au thème principal, présente presque toujours un certain contraste avec celui-ci. Ou bien elle monte dans un registre plus élevé, comme dans le "Bazterretik Bazterrerat" que j'ai recueilli à Saint-Jean-de-Luz :


Ex. 8. —: Bazterretik Bazterrerat.


ou bien elle change de ton par une modulation, laquelle tantôt se maintient pendant toute la durée de la phrase, tantôt prépare le retour au ton original dans la dernière mesure de la partie B. La modulation la plus fréquente est celle de mineur en majeur.



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CHANSON BAZTERRETIK BAZTERRERAT
R A GALLOP 1928


Ex. 9. — Badukar Kurajerik.


La modulation du majeur dans le majeur de la dominante ou de la sous-dominante, modulation fréquente dans certains pays tel la Hongrie, est assez rare. Toutefois le R. P. Donostia en cite un exemple, "Amets Egin Dut" (Eskual Eres Sorta N° 119). On trouve parfois des modulations bien plus hardies, telles que de Sol mineur en Mi mineur (E. G. Itsasuan Lano Dago Donostia O P. Cit N° 2) et de La mineur en Sol majeur (E. G. Nere Maitena Op Cit N° 107).



Parfois la section B diffère du thème principal par le rythme. A Vera del Bidassoa j'ai noté deux chansons "Amodioa Chorua Dala" et "Goizian Diru Kontatzen" ( Nos 10 et 19 de mes "Vingt-Cinq Chansons") ; dans la première la mesure change de 6/8 en 2/4 et dans la seconde de 6/8 en 3/4. Dans l'exemple que je donne plus bas, chanson satirique recueillie à Itxassou, la mesure change de 3/4 en 4/4.



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CHANSON GOIZEAN DIRU KONTATZEN
R A GALLOP 1928





Ex. 10. — Frantsesa Dizut Senharra.


Au Pays Basque la forme ternaire a été variée, développée et poussée jusqu'à ses limites avec une sûreté et un goût extraordinaires. La façon la plus simple de la varier consiste à apporter de menus changements au thème principal, comme dans le "Aire Zahar Bat" N° 7 de mes "Vingt-Cinq Chansons" où la forme pourrait être représentée par la formule AA BA. Ce procédé, en s'éloignant de plus en plus de la forme initiale, nous amène aux formes AABC, (v. ex : 9) ABCA( E. G. "Zato Izpiritua" v. ex. : 12) et en dernier lieu ABCD (E. G. "Binbili Bonbolo" v. N° 2 de mes "Vingt-Cinq Chansons".



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CHANSON AIRE ZAHAR BAT
R A GALLOP 1928



Les extensions que je viens d'énumérer proviennent toutes de la forme ternaire à quatre phrases, AABA ; La forme ABA à trois sections n'a pas été moins féconde. Elle a amené dans son train d'abord la forme assez répandue ABB, dont on trouvera un exemple dans la chanson "Ama enian haurrekin" (Ex. : 6) ou bien dans "Aitak et Amak", (n° 14 de mes "Vingt-Cinq Chansons"). Puis les trois phrases se sont divisées en six, et nous nous trouvons en présence d'un assortiment de formes plus compliquées et plus variées mais conservant toutes la symétrie qui caractérise la chanson basque. L'exemple que je cite "Urr' Erreztun Bat" (N° 15 de mes "Vingt-Cinq Chansons") se réduit à la formule ABCDCB,


Ex. 11 — Urr' Erreztun Bat.


tandis que les chansons "Argia Dela Diozu" (N° 16 de la même collection) et "Urzo Luma Gris Gaichua" que le lecteur retrouvera à la page 102 de la collection Salaberry, peuvent être représentées par les formules AABCBD et ABCDEB respectivement. Cela nous amène enfin à un groupe de mélodies plus longues et plus complexes, tel "Laurean Pean" et "Plañu Niz Biotzetik" (collection Salaberry, pp 14 et 83) mélodies où les limites de forme ternaire ont été dépassées mais où rien n'est perdu de la concision de pensée ou du sens de proportion et de mesure que révèlent les chansons plus courtes.



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CHANSON URR' ERREZTUN BAT
R A GALLOP 1928



IV. — Mélodie et Tonalité.



Passons maintenant de la forme au fond de la chanson basque. La mélodie, par définition, consiste en une succession d'intervalles musicaux plus ou moins larges. La mélodie basque, comme d'ailleurs la plus grande partie de la musique populaire, monte et descend par des intervalles courts. L'ambitus est restreint et ne dépasse que peu de fois l'octave. A l'intérieur de la phrase on ne trouve rarement que des intervalles de seconde, de tierce et de quarte. Les intervalles d'une seconde (c'est-à-dire la succession normale des degrés de la gamme) sont évidemment les plus fréquents tandis que l'intervalle d'une quarte est celui qui est employé avec le plus d'effet. Les intervalles d'une quinte ou d'une sixte ne servent guère que pour réunir, celle-ci, la dominante et la médiante (E. G. Ex. : 2) et celle-là, la tonique et la dominante (E. G. Ex. : 9). Je ne connais aucun exemple de l'usage d'une septième tandis que l'emploi de l'octave est presque aussi rare. Il se trouve un exemple dans la cinquième mesure de la Chanson "Cherri Tchiki Bat" (N° 5 de mes "Vingt-Cinq Chansons".)



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CHANSON ZERRI TCHIKIA
R A GALLOP 1928



Bien plus intéressante que la question des intervalles est celle de la tonalité, c'est-à-dire de la disposition dans la gamme des intervalles d'un ton et d'un demi-ton. J'ai parlé déjà de la grande influence qu'a exercé sur la chanson basque le plain-chant. Il existe encore des mélodies composées dans les anciens modes ou gammes grégoriens. Le R. P. Donostia écrit dans ses "Dos Conferencias " (p. 16) "Il se rencontre parmi ces mélodies beaucoup qui appartiennent au premier, au septième ou au huitième mode". Au "Belatsa" déjà cité j'ajouterai le beau cantique "Zato Izpiritua", (N° 17 de la collection Hiriart).


Ex. 12. — Zato Izpiritua.


Plus nombreuses encore sont les mélodies qui, sans appartenir aux modes grégoriens, constituent une sorte de transition entre le plain-chant et la musique diatonique, tel l'"Arranoak Bortietan" recueilli par Charles Bordes.


Ex. 13. — Arranoak Bortietan.


Le plain-chant compte dans la musique basque beaucoup plus par son influence que par sa subsistance intégrale. Car, il faut l'avouer, la plupart des airs basques appartiennent définitivement aux gammes modernes, majeure et mineure. Du moins ils en ont l'apparence, une fois notés dans les cahiers des folkloristes. Bien des fois cependant en les recueillant, je me suis trouvé fort embarrassé pour les noter, par la présence de certains intervalles qui ne semblaient être ni d'un ton ni d'un demi-ton, mais plutôt entre les deux, je me suis demandé si mon ouïe, induite en erreur par la tonalité du piano, habilement faussée par le compositeur du "Wohltemperiertes Klavier", méconnaissait la gamme naturelle aux intervalles exacts. Mais il n'en était rien. Bien qu'il ne me fût pas possible d'établir avec une précision mathématique la valeur exacte de ces intervalles, il me devint clair que j'avais devant moi des intervalles où les quarts de ton entraient plus ou moins en jeu. Impossible de les reproduire sur le piano ou de les rendre par les moyens limités de la notation musicale. Impossible, également, de les ignorer sans priver la chanson d'une grande partie de son caractère et de son originalité. Le R. P. Donostia m'a confié qu'il a fait les mêmes constatations, éprouvé les mêmes difficultés. Dans ses recueils sans accompagnement de piano, il a indiqué les intervalles d'un quart de ton par un dièze ou un bémol imprimé entre crochets ou au-dessus de la note affectée."



A suivre...





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