LES JEUX DE PAUME ET LES TRINQUETS EN 1929.
Les jeux de paume ont existé en France, depuis plusieurs siècles.
Voici ce que rapporta à ce sujet le Bulletin du Musée Basque N° 12, en 1930, sous la plume
d'Albert de Luze :
"Les Jeux de Paume et les Trinquets.
Conférence donnée au Musée Basque le 28 Septembre 1929, avant la partie de démonstration qui mit aux prises le même jour, au vieux Trinquet Saint- André, M. E. Baerlein, champion amateur anglais et Pierre Etchebaster, champion du monde professionnel.
Bien qu'à première vue mon sujet puisse paraître sportif, mon but n'est nullement d'examiner le jeu de paume et le trinquet au point de vue technique, d'autant plus que j'avoue connaître très peu le jeu de trinquet, sans doute beaucoup plus familier à la plupart d'entre vous qu'à moi-même et que les règles et les principes du jeu de paume, sont assez complexes et difficiles à expliquer en quelques mots ; mais ce sont les rapports de ces deux jeux et l'histoire du jeu de paume que je veux vous conter, cette histoire se rattachant constamment à l'histoire générale de notre pays et présentant à bien l'étudier des côtés extrêmement curieux.
Si l'origine du mot Jeu de Paume est bien connue et vient de ce que ce jeu se jouait d'abord avec la paume de la main, celle du mot Trinquet est bien plus douteuse. On a dit parfois, mais sans aucune assurance, qu'il viendrait de "triquet" instrument avec lequel on le jouait. Je me permets de soumettre à l'appréciation des étymologistes une autre explication. J'ai remarqué en visitant les vieux trinquets basques, qu'à chacun, est attaché un petit cabaret et je me suis demandé si, en sortant du jeu après une partie très animée et où l'on s'était parfois disputé, on n'allait pas tout simplement "trinquer" au cabaret voisin, pour bien montrer que l'animosité n'était que de l'émulation sportive et qu'un verre à la main tout serait oublié. La racine du mot trinquet implique d'ailleurs l'action de boire comme "trinken" ou "drink" et il n'y aurait rien de surprenant, comme cela arrive souvent, à ce que l'acte ait donné son nom au local dans lequel il s'accomplissait.
Et l'on buvait d'ailleurs aussi au jeu de paume, si j'en crois une très vieille chanson de Jean Le Houx de Caen, l'émule d'Olivier Basselin, chanson à double sens assez typique,
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LIVRE LE VAU DE VIRE PAR JEAN LE HOUX |
Le Jeu de Paume Bacchique
On a versé cecy pour estre beu :
Il faut l'oster de peur qu'on ne le jette.
Voisin, je vay tirer du jeu,
Puisque nostre partie est faite.
Pour gagner quinze, il faut mettre dedans,
Pas sur la langue, et non pas sur la chorde.
Pour nous juger, voicy des gens
Lesquels nous mettront à concorde.
Si je faisois encor trois pareils coups,
Le premier jeu j'aurais de la partie.
Tirez, maintenant c'est à vous,
Car ma soif elle est amortie.
J'ay encor bisque à prendre sur le jeu,
Mais j'attendray que la soif encor vienne,
Quant le pot sera presque heu
Il sera temps que je la prenne.
Si les deux ]eux n'ont rien de commun quant à leur nom ils ont en fait des rapports très étroits ; ce sont à vrai dire des rapports filiaux, le jeu de paume étant le père et le trinquet l'enfant, un enfant aux goûts plus simples. Je vous donnerai des preuves qui me paraissent concluantes de cette affirmation, mais je crois utile auparavant de vous indiquer brièvement ce qui différencie ces deux jeux.
Au jeu de paume, — c'est le seul jeu qui se trouve dans ces conditions, et c'est ce qui lui donne tant de charme et de variété, — le second bond de la balle non touchée a une grande importance ; ce second bond est marqué chaque fois sur le sol ou carreau du Jeu, divisé par des raies transversales en longs et étroits rectangles numérotés. Ce second bond est appelé "chasse". La chasse existe dans d'autres jeux, tels que la longue paume et le rebot, mais c'est alors la sortie du Jeu ou l'arrêt de la balle qui est marqué et non le second bond.
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VIEUX TRINQUET BAYONNE 1930 BMB N°12 1930 |
Dans le coin droit, au fond du Jeu, se trouve une ouverture appelée "grille" ; au-dessus de cette grille il y a un petit toit, et à droite on voit un renflement du mur à pan coupé, nommé "tambour", qui protège la grille.
Au trinquet, du moins au trinquet moderne, on a supprimé la chasse, parfois la grille, mais toujours le toit de grille et le tambour proprement dit, qui a été remplacé par un pan coupé dans le coin du mur du fond et qui a gardé le nom de tambour.
Ce sont là les différences essentielles entre les deux jeux, qui n'empêchent pas à la rigueur de jouer au trinquet dans un jeu de paume, comme on l'a fait pendant longtemps dans le trinquet Saint-André, et parfois dans le Jeu de Pau, où une partie à laquelle prenait part le fameux Othogaray, qui passe pour avoir servi de modèle à Pierre Loti dans Ramuntcho, est restée célèbre, les Basques enthousiasmés qui y assistaient ayant percé le plancher de la galerie, en manifestant leur enthousiasme à coups de pointes de makhila. On peut aussi jouer à la paume dans un Trinquet. Il suffit de marquer les chasses et de rétablir une grille de fortune, car on peut à la rigueur se passer du toit de grille et même du tambour de paume. M. Manevieux, amateur lyonnais, qui écrit en 1773, nous apprend en effet qu'il y avait des Jeux de paume sans tambour et le Jeu de Vienne, utilisé jusqu'en 1914, en est un exemple. Le trinquet semble donc n'être qu'un jeu de paume simplifié et si l'ai dit qu'il est le fils du jeu de paume c'est que tous les vieux Trinquets qui existent encore, à Bayonne, Urrugne, St-Jean-de-Luz, Sare, Hasparren, où il y a deux vieux Jeux, Espelette, Urt, Louhossoa, et on en trouverait sans doute d'autres, sont manifestement des Jeux de paume transformés. Sans entrer dans de nombreux détails, vous pourrez constater que le tambour de paume existe à Espelette, quoique le Jeu soit transformé en une cour et que presque tout le grand mur ait été abattu, ainsi qu'à Urt, Urrugne, Saint-Jean-de-Luz, Hasparren et Louhossoa. Ce dernier offre même une particularité bien curieuse ; outre son vieux tambour de paume il a le pan coupé du trinquet. Il a clone à la fois les deux tambours ce qui paraît indiquer qu'il est d'une époque de transition.
Celui d'Urrugne porte la griffe, dirais-je, du jeu de paume car on y voit encore au bas des murs, des deux côtés, les lettres majuscules D et S, lettres qui ne sont que les anciennes chasses au dernier et au second, que l'on a soigneusement repeintes quand on a réparé le jeu, par souci de la tradition, sans que le brave Dongaïtz en puisse expliquer l'origine. Presque tous ces Jeux ont eu un toit de grille dont il reste des traces bien marquées, ce qui n'est pas surprenant, car ils n'ont été transformés pour la plupart qu'à la fin du siècle dernier, quand le jeu de trinquet lui -même le fut, Mais la signature du jeu de paume est encore mieux mise en évidence par les deux portes d'entrée dans le jeu, à droite et à gauche du filet, portes très gênantes pour le jeu de trinquet, et qui ont été remplacées plus tard soit par une porte dans le grand mur, soit, comme à Hasparren et Louhossoa, par une porte dans le dedans. Dans certains jeux, cette modification a été assez tardive. Si vous regardez de près le tableau du Musée Basque qui représente le vieux trinquet de Saint-Jean-de-Luz peint par Saint-Germier vers 1865, vous pourrez voir que les deux portes y figurent encore, mais que seule celle qui est du côté de la grille permet d'entrer dans le Jeu, l'autre ayant été murée dans sa partie inférieure. Certainement personne n'aurait songé à construire un trinquet dans ces conditions. On pourrait être surpris que l'on ait si longtemps joué au trinquet dans de pareils Jeux mais il ne faut pas oublier que le jeu de trinquet se jouait toujours à pasaka, c'est-à-dire, comme la paume, avec un filet, et que le jeu de blaid au trinquet est un jeu très moderne et qui ne date que d'une quarantaine d'années.
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TABLEAU TRINQUET SARAZOLA SAINT-JEAN-DE-LUZ PAR JOSEPH SAINT-GERMIER MUSEE BASQUE DE BAYONNE |
Quant à l'âge de ces vieux Jeux de paume, il me paraît bien difficile à déterminer, aucune donnée ne nous permettant de le préciser. "Le Basque s'est pendant de longs siècles contenté de traditions orales" comme l'a si bien écrit M. l'abbé Blazy dans son remarquable ouvrage sur la pelote basque et nous ne trouverons donc aucun document écrit. Si certains Jeux comme celui de Louhossoa sont presque modernes, une charmante Louhossoane aux cheveux argentés, qui avoue 67 ans, m'ayant affirmé qu'elle l'avait vu construire dans son enfance, d'autres sont évidemment beaucoup plus vieux.
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LIVRE LA PELOTE BASQUE PAR L'ABBE E. BLAZY |
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