Libellés

mardi 22 juillet 2025

DEUX VICTIMES DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE À SARE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1794 (deuxième partie)

 

DEUX VICTIMES DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE À SARE EN 1794.


La Révolution française a fait disparaître les institutions particulières du Pays Basque Nord.



pays basque autrefois révolution histoire
COMPAGNIE FRANCHE DE BAYONNE 1793
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le bulletin de la Société des Sciences, Lettres & Arts de Bayonne, en octobre 1936 :



"Deux victimes de la Révolution à Sare.


... Vicaire et secrétaire de l'abbé Haristoy, à l'époque où M. le Curé de Ciboure donnait le bon à tirer au 1er tome de ses Paroisses du Pays Basque, je me rappelle fort bien lui avoir entendu dire qu'il avait, pendant plusieurs jours, procédé à une enquête personnelle à Sare, qui aboutit à la confirmation rigoureuse du récit du chanoine Duvoisin sur Madeleine Larralde.



L'écho des mêmes traditions, tour à tour exalté et mis en doute pendant longtemps, devait se retrouver fidèlement bientôt après au concours de poésie des fêtes d'Abbadie, dont parle M. Haristoy.



Voici la pièce en vers couronnée qui fut chantée au jeu de paume de Saint-Jean-de-Luz en 1894.




pays basque autrefois révolution histoire
AFFICHE GRANDES FÊTES INTERNATIONALES
SAINT-JEAN-DE-LUZ 1892
www.archives-abbadia.fr



Sarako Martira, Madalena Larralde

hamabortz urtheko neskatcha



Duela ehun bat urthe, goibel zagon Frantzia,

Herraustera zaramaten jende Cristau guzia

Eskual herrian arrotzak hari ziren gogotik ;

Bainan Eskualduna tieso... hemen ikus frogatik.



Berratik eta Sarara, Madalena Larralde,

Belchareneko alaba, heldu da etche alde ; 

Lizuniako errekan jadanik da sartua.

Uso churi, uso gazte, doi doia lumatua.



Pineten soldadu tzarrak, kukuturik sasian,

Belatch usoz gosetuak, erne daude guardian,

Madalena gaichoari zaiko betan oldartzen,

Beren aztapar zorrotzez lau aldetarik lotzen.



— "Espainiako lurretan, diote neskatchari,

"Zeren ondotik habilan, dena den aithor guri."

— "Kofesatzen naiz izatu Berako komentuan.

"Jainkoa gabe gozorik ez baitut nik munduan."



— "Neskatcha dohakabea, ichil zan aithor hori ;

"Chahu haiz heltzen bazaio Pinet jeneralari.

"Hoin gaztedanik hiltzea damu zaikun osoki :

"Erran hor hindabilala norbeit nahiz ikusi."



— "Gezurra litake  hori ; ez da haizu gezurrik ;

"Hilik ere, erranen dut hala dena garbirik.

"Berran kofesatua naiz, horra zer den egia ;

"Ez dut horren aithortzeko aphalduren begia."



Loturik badaramate, iduri gachtagina,

Sarako Pineten gana Larralde Madalena.

"Zerk habilka, enuchenta, gure legez trufatzen?"

— Berraraino naiz izatu frailetan kofesatzen."



Pinetek zuen anaia Donibane hirian,

Hura zen han buruzagi tribunale gorrian ;

Hari dio berehala Madalena igortzen,

Otso gaitzaren ahora bildotcha du bidaltzen.



Saratik Donibanera, soldaduek burlaka

Badabilkate gaichoa chizpa-zurekin joka.

"Oihu egin zan, ergela : Biba nazionea."

Madalenak aldiz beti : "Bib'erlisionea."



Zaluki zuen Pinetek hauzi hori churitu

Lephoa moztuz hiltzera neskatcha kondenatu ;

Bainan hortaz Madalena ez batere tantitu :

Bihotza garbi duena zerk behar du izitu?



Phestara bezala doha guillotinari buruz,

Bertze guziak nigarrez, hura gozoki kantuz ;

Begiak zerura beha, dio : Salve Regina,

Bidera dohakon deituz Martiren Erregina.



Madalena Saratarra, igan zare zerura,

Egia betikoaren betikotz gozatzera :

Dezagun zurekin ikas egiaren maitatzen,

Denetan, zer nahi gerta, gezurretik beiratzen.


(Etudes historiques, 1894, p. 560 ; Les Paroisses, I, 1895, p. 299). Avec traduction française.



Cette pièce était signée : Baigurako bi artzain, deux bergers de Baïgura, pseudonyme choisi pour la circonstance par les deux curés voisins de cette montagne : Mgr Diharassarry, curé d'Ossès et M. Daguerre, curé d'Irissarry.



Chose digne de remarque : Mgr Diharassarry était originaire de Sare, né en 1848. Sa version de l'arrestation, du jugement et de l'exécution de Madeleine Larralde, corrobore dans les plus petits détails le texte de Duvoisin et de Haristoy. Il ajoute cette précision, que Madeleine avait 15 ans.



Mon grand-père, né à Sare en 1809, 15 ans à peine après les événements de 1794, mon père, né aussi à Sare en 1836, par conséquent 42 ans après l'exécution de Madeleine, partageaient en tous points, le sentiment exprimé par Mgr Diharassarry à ce sujet, parce qu'ils n'avaient jamais entendu raconter différemment cette sinistre exécution.




pays basque autrefois révolution histoire
LIVRE MELANGES DE BIBLIOGRAPHIE ET D'HISTOIRE LOCALE
DE L'ABBE V. DUBARAT


A son tour, M. Dubarat, (dans ses Mélanges de Bibliographie et d'Histoire locale, V., 1902, p. 322), nous donne, sur Madeleine Larralde, les lignes suivantes :


"La tradition rapporte qu'une pauvre fille de Sare, nommée Madeleine Larralde, ayant été recevoir les sacrements au couvent des Capucins de Véra, en Espagne, fut surprise par les troupes du général Pinet. Traduite devant un tribunal militaire, elle avoua naïvement ce qu'elle venait de faire, fut condamnée à mort et exécutée. M. Duvoisin précise ainsi les faits dans la Vie de M. Daguerre, p. 479 : "Un rapport est adressé à Pinet aîné à St-Sébastien, et celui-ci prend, le 10 fructidor an II (24 août 1794) un arrêté d'après lequel elle serait traduite devant le tribunal militaire de Chauvin-Dragon (St-Jean-de-Luz). Madeleine Larralde comparut devant ses juges avec un noble courage, refusa de sauver sa vie au prix d'un mensonge et marcha à la mort en invoquant Dieu et en chantant le Salve Regina en l'honneur de la Reine du Ciel."


Notre collaborateur, M. Haristoy, continue M. Dubarat, donne encore quelques détails. Il dit Madeleine fille de Michel, le charpentier, surnommé Belcha, et de Gratianne de Luc. Elle naquit dans la maison Larrondo-Zahar, eut plusieurs frères et soeurs, dont les noms sont cités dans le travail de notre ami. Il ajoute qu'après l'exécution, le bourreau prit la tête en s'écriant : Vive la Nation ! Il remarque encore que Marie Harotzanea, de Sare, fut arrêtée à Irun et livrée elle aussi au même tribunal. On ignore son sort ; "mais ne peut-on pas croire qu'elle ait subi le même supplice ?" (P. Haristoy. Les Paroisses du Pays Basque, I, 244.)


Le souvenir de Madeleine Larralde, ajoute M. Dubarat, est resté tout rayonnant d'innocence et d'héroïsme ; et, en 1894, le sujet mis au concours a été sa fin tragique. La douce martyre a été célébrée en beaux vers basques.


Précisément à cette époque, j'ai entendu émettre les doutes les plus graves sur l'existence et le supplice de Madeleine Larralde. Malgré les précisions données par M. Duvoisin et par M. Haristoy, on ne trouvait pas comme pour d'autres infortunés, des actes publics constatant la condamnation et la mort. On prétendait même que la guillotine n'avait pu être portée à St-Jean-de-Luz à la fin de 1794.

guillotine terreur pays basque révolution française labourd
GUILLOTINE SOUS LA TERREUR


Nous venons aujourd'hui faire connaître un document, un peu laconique sans doute, mais qui tranche définitivement la question de la condamnation et de la mort de Madeleine Larralde.


Le Bureau d'enregistrement de St-Jean-de-Luz vient de verser aux Archives départementales un registre ainsi indiqué : "N° 3 des domaines. Sommier des biens des père et mère des émigrés ou condamnés à mort ou mis hors de la loy et enfin déportés. Commencé le 1 vendémiaire an III, fini le 1 vendémiaire an VIII". On y trouve les mentions suivantes :


"Biens de "Jn Gorostarsou, ci-devant juge de paix d'Espelette, mis à mort par jugement de la Commission extraordinaire séant à Bayonne.


J.-S. Lahetjuzan, natif de Sare, officier au 1er bataillon des chasseurs basques, condamné à mort par jugement rendu par le tribunal militaire du premier arrondissement de l'armée des Pyrénées occidentales.



pays basque autrefois révolution histoire
THEÂTRE DES OPERATIONS
ARMEE DES PYRENEES OCCIDENTALES
DE 1793 A 1795


Enfin, plus loin, nous lisons la mention suivante :


"Chapitre 3e, Madelaine Larralde, fille de Larralde Chaharria, tisserand de profession, demeurant dans la commune de Sare, condamnée à mort par jugement du tribunal militaire du 1er arrondissement de l'armée des Pirennées occidentales en date du 3e jour des sans culottides, an 2e."


"En note : "Pour connoître les biens de lad. Larralde a lesés (?) j'ay écrite (sic) à la municipalité de S. Pée, dont la cy devant commune de Sare dépend, le 10 frimaire."


"A la page suivante : "Chapitre 1er. Marie Harotsenne fille de la maison de Bordacheria, sans profession, habitante de Sare, condamnée à la déportation par jugement du tribunal militaire du 1er arrondissement de l'armée des Pirennées occidentales, en datte du 3e jour des sans culottides, an 2e de la République française une et indivisible." En note : "Le receveur ne connoissant aucun bien appartenant à lad. Hortsanne, il a écrite (sic) à la municipalité de S. Pée, le 10 frimaire, pour connoître ses biens".


"De ces derniers textes, déclare M. Dubarat, il résulte que Madeleine Larralde et Marie Harotsenna ont été condamnées par le tribunal militaire, la première à la peine de mort, la seconde à la déportation, le 19 Septembre 1794. Ce jugement, rendu après la chute de Robespierre, aurait de quoi nous étonner, si nous ne savions que les tribunaux militaires furent alors aussi implacables que pendant la Terreur. Nous en pourrions citer de nombreux exemples.


"Madeleine Larralde fut sans doute la dernière victime de la Révolution parmi nous. Elle tomba, probablement fusillée, sous les balles fratricides, de soldats qui n'étaient pas des bourreaux. Il doit exister, quelque part, aux Archives du ministère de la guerre peut-être, une copie du jugement et des motifs qui menèrent à la mort une enfant de 16 ans".


Cette dernière phrase de M. Dubarat, l'avouerai-je, me laissa rêveur. Après l'avoir lue et relue à diverses reprises, l'idée me vint d'établir dare dare un résumé de tous les documents qu'on vient de lire et de le faire parvenir, sans délai, à la Section historique du Ministère de la guerre.


Je demandais, comme conclusion, communication du décret d'arrestation pris par Pinet aîné à St-Sébastien le 10 fructidor an II (27 Août 1794) contre les deux victimes, de leur jugement de condamnation et, pour Madeleine Larralde, du procès-verbal de son interrogatoire et de son exécution."



A suivre...










Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

Plus de 6 500 autres articles vous attendent dans mon blog :

https://paysbasqueavant.blogspot.com/


N'hésitez pas à vous abonner à mon blog, à la page Facebook et à la chaîne YouTube, c'est gratuit !!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire