DEUX VICTIMES DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE À SARE EN 1794.
La Révolution française a fait disparaître les institutions particulières du Pays Basque Nord.
Voici ce que rapporta à ce sujet le bulletin de la Société des Sciences, Lettres & Arts de Bayonne, en octobre 1936 :
"Deux victimes de la Révolution à Sare.
... Vicaire et secrétaire de l'abbé Haristoy, à l'époque où M. le Curé de Ciboure donnait le bon à tirer au 1er tome de ses Paroisses du Pays Basque, je me rappelle fort bien lui avoir entendu dire qu'il avait, pendant plusieurs jours, procédé à une enquête personnelle à Sare, qui aboutit à la confirmation rigoureuse du récit du chanoine Duvoisin sur Madeleine Larralde.
L'écho des mêmes traditions, tour à tour exalté et mis en doute pendant longtemps, devait se retrouver fidèlement bientôt après au concours de poésie des fêtes d'Abbadie, dont parle M. Haristoy.
Voici la pièce en vers couronnée qui fut chantée au jeu de paume de Saint-Jean-de-Luz en 1894.
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AFFICHE GRANDES FÊTES INTERNATIONALES SAINT-JEAN-DE-LUZ 1892 www.archives-abbadia.fr |
Sarako Martira, Madalena Larralde
hamabortz urtheko neskatcha
Duela ehun bat urthe, goibel zagon Frantzia,
Herraustera zaramaten jende Cristau guzia
Eskual herrian arrotzak hari ziren gogotik ;
Bainan Eskualduna tieso... hemen ikus frogatik.
Berratik eta Sarara, Madalena Larralde,
Belchareneko alaba, heldu da etche alde ;
Lizuniako errekan jadanik da sartua.
Uso churi, uso gazte, doi doia lumatua.
Pineten soldadu tzarrak, kukuturik sasian,
Belatch usoz gosetuak, erne daude guardian,
Madalena gaichoari zaiko betan oldartzen,
Beren aztapar zorrotzez lau aldetarik lotzen.
— "Espainiako lurretan, diote neskatchari,
"Zeren ondotik habilan, dena den aithor guri."
— "Kofesatzen naiz izatu Berako komentuan.
"Jainkoa gabe gozorik ez baitut nik munduan."
— "Neskatcha dohakabea, ichil zan aithor hori ;
"Chahu haiz heltzen bazaio Pinet jeneralari.
"Hoin gaztedanik hiltzea damu zaikun osoki :
"Erran hor hindabilala norbeit nahiz ikusi."
— "Gezurra litake hori ; ez da haizu gezurrik ;
"Hilik ere, erranen dut hala dena garbirik.
"Berran kofesatua naiz, horra zer den egia ;
"Ez dut horren aithortzeko aphalduren begia."
Loturik badaramate, iduri gachtagina,
Sarako Pineten gana Larralde Madalena.
"Zerk habilka, enuchenta, gure legez trufatzen?"
— Berraraino naiz izatu frailetan kofesatzen."
Pinetek zuen anaia Donibane hirian,
Hura zen han buruzagi tribunale gorrian ;
Hari dio berehala Madalena igortzen,
Otso gaitzaren ahora bildotcha du bidaltzen.
Saratik Donibanera, soldaduek burlaka
Badabilkate gaichoa chizpa-zurekin joka.
"Oihu egin zan, ergela : Biba nazionea."
Madalenak aldiz beti : "Bib'erlisionea."
Zaluki zuen Pinetek hauzi hori churitu
Lephoa moztuz hiltzera neskatcha kondenatu ;
Bainan hortaz Madalena ez batere tantitu :
Bihotza garbi duena zerk behar du izitu?
Phestara bezala doha guillotinari buruz,
Bertze guziak nigarrez, hura gozoki kantuz ;
Begiak zerura beha, dio : Salve Regina,
Bidera dohakon deituz Martiren Erregina.
Madalena Saratarra, igan zare zerura,
Egia betikoaren betikotz gozatzera :
Dezagun zurekin ikas egiaren maitatzen,
Denetan, zer nahi gerta, gezurretik beiratzen.
(Etudes historiques, 1894, p. 560 ; Les Paroisses, I, 1895, p. 299). Avec traduction française.
Cette pièce était signée : Baigurako bi artzain, deux bergers de Baïgura, pseudonyme choisi pour la circonstance par les deux curés voisins de cette montagne : Mgr Diharassarry, curé d'Ossès et M. Daguerre, curé d'Irissarry.
Chose digne de remarque : Mgr Diharassarry était originaire de Sare, né en 1848. Sa version de l'arrestation, du jugement et de l'exécution de Madeleine Larralde, corrobore dans les plus petits détails le texte de Duvoisin et de Haristoy. Il ajoute cette précision, que Madeleine avait 15 ans.
Mon grand-père, né à Sare en 1809, 15 ans à peine après les événements de 1794, mon père, né aussi à Sare en 1836, par conséquent 42 ans après l'exécution de Madeleine, partageaient en tous points, le sentiment exprimé par Mgr Diharassarry à ce sujet, parce qu'ils n'avaient jamais entendu raconter différemment cette sinistre exécution.
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LIVRE MELANGES DE BIBLIOGRAPHIE ET D'HISTOIRE LOCALE DE L'ABBE V. DUBARAT |
A son tour, M. Dubarat, (dans ses Mélanges de Bibliographie et d'Histoire locale, V., 1902, p. 322), nous donne, sur Madeleine Larralde, les lignes suivantes :
"La tradition rapporte qu'une pauvre fille de Sare, nommée Madeleine Larralde, ayant été recevoir les sacrements au couvent des Capucins de Véra, en Espagne, fut surprise par les troupes du général Pinet. Traduite devant un tribunal militaire, elle avoua naïvement ce qu'elle venait de faire, fut condamnée à mort et exécutée. M. Duvoisin précise ainsi les faits dans la Vie de M. Daguerre, p. 479 : "Un rapport est adressé à Pinet aîné à St-Sébastien, et celui-ci prend, le 10 fructidor an II (24 août 1794) un arrêté d'après lequel elle serait traduite devant le tribunal militaire de Chauvin-Dragon (St-Jean-de-Luz). Madeleine Larralde comparut devant ses juges avec un noble courage, refusa de sauver sa vie au prix d'un mensonge et marcha à la mort en invoquant Dieu et en chantant le Salve Regina en l'honneur de la Reine du Ciel."
Notre collaborateur, M. Haristoy, continue M. Dubarat, donne encore quelques détails. Il dit Madeleine fille de Michel, le charpentier, surnommé Belcha, et de Gratianne de Luc. Elle naquit dans la maison Larrondo-Zahar, eut plusieurs frères et soeurs, dont les noms sont cités dans le travail de notre ami. Il ajoute qu'après l'exécution, le bourreau prit la tête en s'écriant : Vive la Nation ! Il remarque encore que Marie Harotzanea, de Sare, fut arrêtée à Irun et livrée elle aussi au même tribunal. On ignore son sort ; "mais ne peut-on pas croire qu'elle ait subi le même supplice ?" (P. Haristoy. Les Paroisses du Pays Basque, I, 244.)
Le souvenir de Madeleine Larralde, ajoute M. Dubarat, est resté tout rayonnant d'innocence et d'héroïsme ; et, en 1894, le sujet mis au concours a été sa fin tragique. La douce martyre a été célébrée en beaux vers basques.
Précisément à cette époque, j'ai entendu émettre les doutes les plus graves sur l'existence et le supplice de Madeleine Larralde. Malgré les précisions données par M. Duvoisin et par M. Haristoy, on ne trouvait pas comme pour d'autres infortunés, des actes publics constatant la condamnation et la mort. On prétendait même que la guillotine n'avait pu être portée à St-Jean-de-Luz à la fin de 1794.
Nous venons aujourd'hui faire connaître un document, un peu laconique sans doute, mais qui tranche définitivement la question de la condamnation et de la mort de Madeleine Larralde.
Le Bureau d'enregistrement de St-Jean-de-Luz vient de verser aux Archives départementales un registre ainsi indiqué : "N° 3 des domaines. Sommier des biens des père et mère des émigrés ou condamnés à mort ou mis hors de la loy et enfin déportés. Commencé le 1 vendémiaire an III, fini le 1 vendémiaire an VIII". On y trouve les mentions suivantes :
"Biens de "Jn Gorostarsou, ci-devant juge de paix d'Espelette, mis à mort par jugement de la Commission extraordinaire séant à Bayonne.
J.-S. Lahetjuzan, natif de Sare, officier au 1er bataillon des chasseurs basques, condamné à mort par jugement rendu par le tribunal militaire du premier arrondissement de l'armée des Pyrénées occidentales.
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THEÂTRE DES OPERATIONS ARMEE DES PYRENEES OCCIDENTALES DE 1793 A 1795 |
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