UNE CHASSE ORIGINALE ET UNE HISTOIRE DE SORCIERS AU PAYS BASQUE EN 1899
UNE CHASSE ORIGINALE ET UNE HISTOIRE DE SORCIERS EN 1899.
Les villages d'Etchalar et de Sare, des deux côtés de la frontière, possèdent, depuis très longtemps, une des plus belles, sinon la plus fameuse chasse aux pantières (filets verticaux) des cols Pyrénéens.
CAPTURE VOL PALOMBES SARE 1900
PAYS BASQUE D'ANTAN
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien La Gironde, le 31 octobre 1899 :
Lorsque le vent souffle du sud, à cette époque de l'année, et, raréfiant l'air, accourcit la distance des choses en augmentant l'apparence de leur volume, les habitants de Véra et d'Etchalar abandonnent subitement leurs demeures ou le champ qu'ils travaillent, munis de grands filets, de cordages, de trompes sonores et d'appareils innommés. Ils vont, remontant les vallées, vers les trouées et les cols de la montagne, organiser les fameuses chasses aux palombes, si étranges dans leur installation, et si extraordinaires dans leurs résultats.
VUE DES PALOMBIERES D'ETCHALAR NAVARRE D'ANTAN
Les palombières d'Etchalar sont situées à une courte distance de la ligne de démarcation imaginaire qui sépare la France de l'Espagne, au pied du Sayberry, dont les assises rocheuses sont sinueusement contournées par les eaux rapides de l'Ibarra. Quelques cahutes délabrées, vite réparées, servent d'abri traditionnel aux chasseurs, non loin d'une venta abondamment pourvue, refuge de tous les soirs, aimablement hospitalière et d'un confort relatif.
La chasse est des plus curieuses. Elle a lieu dans la trouée, garnie de chaque côté d'arbres disposés pour cet objet. Entre deux de ces arbres est suspendu un immense filet, à l'aide de poulies facilitant sa chute et son relèvement. En avant, aux aspérités de la vallée, des chasseurs sont apostés dans des espèces de cabanes. Ce sont les guetteurs chargés d'annoncer de loin l'approche des palombes, d'agiter des banderoles sur les flancs de leur vol afin de les guider plus sûrement vers le fatal engin.
La nuée s'avance avec une rapidité vertigineuse, venant du nord ; effarée, elle se resserre, se presse, au bruit assourdissant des guetteurs sonnant dans leurs conques. Alors, du sommet d'un des arbres voisins du filet, une raquette ayant la forme d'un oiseau de proie est lancée vigoureusement au-dessus du vol, qui s'abaisse effrayé et va donner en masse dans les mailles du piège, dont les cordes sont aussitôt lâchées et qui s'abat lourdement sur les captives. Très peu en réchappent. De bons fusils arrêtent les fuyardes.
LANCEUR DE PALETAS ETCHALAR NAVARRE D'ANTAN
Quelquefois les vols sont considérables ; le plus souvent on n'en prend que deux ou trois douzaines à la fois ; mais il y eut des journées mémorables où cent douzaines furent facilement capturées.
Il existe plusieurs postes dans la contrée. La palombière de Sare, qui précède celle d'Etchalar, est célèbre parmi les chasseurs. Elle donne, dans les bonnes années, de beaux revenus à ses propriétaires et son installation est parfaite.
PARTAGE DES PALOMBES SARE PAYS BASQUE D'ANTAN
Les veillées de la venta sont des plus intéressantes. A la suite du repas copieux, dans le menu duquel ont figuré les savoureuses truites du Sari-Erreca et le lièvre parfumé pris sur la lisière de l'Ohian-Beltza (Forêt Noire), largement arrosé d'excellents vins de Caparosso et de Puente la Reyna, les chasseurs se rapprochent de l'âtre où flambent en pétillant, de gros rondins de hêtre, supportés par d'énormes landiers à la forme bizarre, entaillés de capricieuses arabesques. On parle des émotions de la journée des prévisions pour le lendemain et surtout l'on évoque les souvenirs du passé : la guerre, la chasse, la contrebande et le jeu de paume fournissent d'intarissables sujets de causerie.
Parfois aussi d'autres sujets sont abordés avec une extrême prudence. Les sièges se rapprochent pour raconter certaines rencontres nocturnes, des visions troublantes, des transformations incroyables de tels et tels, que l'on soupçonne d'être inféodés dans la pratique du surnaturel, par des complicités diaboliques.
On les a vus, la nuit, passer rapides dans l'ombre noire, se heurtent à la cime des grands arbres, dans de folles chevauchées.
Il y a des siècles que l'herbe ne pousse plus sur le plateau de la petite Rhune, où, assure-t-on, se réunissent dans les plus effrayant conciliabules tous les sorciers et les sorcières du Labourd, les gnomes et les farfadets du Baztan, les gyromanciens de Roncal, les agotac d'Espelette et les cascarotac de Ciboure.
LES KASCAROTS DE ST JEAN DE LUZ ET CIBOURE PAYS BASQUE D'ANTAN
Aujourd'hui on les fuit en se signant, lorsqu'on les rencontre, afin de combattre leurs maléfices. Autrefois on les envoyait aux bûchers, après d'horribles tortures dans lesquelles on leur arrachait par la douleur, tous les aveux dont on avait besoin pour légitimer leur supplice. Le Parlement de Bordeaux eut à s'occuper en 1576 d'un célèbre procès de sorcellerie qui occasionna les plus tristes désordres. Un millier de malheureux, dont sept prêtres du pays, furent déférés à la justice, sous l'impulsion du grand-inquisiteur de Pampelune et du prieur de Urdax, qui avaient pu exercer leur influence sur le faible Henri III, par l'intermédiaire des jésuites. Tous furent livrés aux bûchers, et voici un des fragments de l'accusation portée contre ces infortunés par Pierre de Lancre, conseiller au Parlement de Bordeaux, qui s'occupa particulièrement des sorcières, le président d'Espaignet s'étant réservé l'instruction contre les sorciers (Archives de la Gironde) :
LIVRE DE PIERRE DE LANCRE
"Enfin, dit P. de Lancre, ces personnes sont légères et mouvantes de corps et d'esprit, promptes et hastées en toutes leurs actions, ayant tousiours un pied en l'air, et comme on dist, la teste près du bonnet.
Et vont volontiers la nuict comme les chahuans, ayment les veillées et la dance, aussy bien de nuict que de jour et non la dance reposée et grave, ains découpée et turbulente. Celle qui plus leur tourmente le corps et la plus pénible, leur semble la plus noble et la plus séante. Et dancent avec le même tambourin que accoutument dancer au sabbat, témoin l'aveugle de Siboro (Ciboure) que plusieur nous ont dict avoir vue au sabbat.
SORCIERES AU SABBAT PAYS BASQUE D'ANTAN
C'est un païs de pommes ; elles ne mangent que pommes, ne boivent, que jus de pommes qui est occasion qu'elles mordent si souvent à ceste pomme de transgression qui fist outrepasser le commandement de Dieu et franchir la prohibition à nostre premier père...
Les paysans du Labourd et leurs voisins du Baztan ont toujours conservé un fonds de crédulité à l'endroit de la sorcellerie. Ils en parlent volontiers, ainsi que je l'ai dit, dans leurs veillées ; mais c'est toujours avec une sorte de crainte, en tenant le plus souvent dans la main un fétiche religieux quelconque, de Bétharan ou de Lourdes."
Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.
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