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mercredi 17 septembre 2025

UN CHARIVARI À SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT EN BASSE-NAVARRE AU PAYS BASQUE EN 1832 (deuxième partie)

 

UN CHARIVARI À SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT EN 1832.


Les charivaris ont existé en Europe et dans de très nombreuses régions de France, dont le Pays Basque.



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CHARIVARI
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le bulletin de la Société des Sciences, Arts & Lettres de Bayonne

le 1er janvier 1937 :



"Un Charivari, qui finit mal, en 1832, à Saint-Jean-Pied-de-Port.



... Hélas ! cette fermeture des cabarets n'eut pas beaucoup plus d'effet que la menace de tout à l'heure. Les échos de voix traversaient les fenêtres des tavernes soi-disant fermées ; et les braves gens se plaignaient que ces échos leur portent des bribes de chansons "obscènes, injurieuses, provocatrices et scandaleuses".



Il fallut interdire d'une façon plus absolue les rassemblements de jour et de nuit ayant pour but de donner un charivari et cela "en quelque temps et sous prétexte que ce soit".



Ces charivaris bouleversaient tellement la ville que la municipalité ne se contente pas de les interdire ; elle vise même les gens qui, par leur "attitude curieuse ou bienveillante paraîtraient les encourager". L'avis ajoute : "les personnes étrangères au rassemblement sont invitées à ne pas stationner à l'endroit où le charivari aurait lieu."



L'importance de ces mascarades et la lutte vive que soutenait contre eux la mairie m'ont paru si étranges, que j'ai cru intéressant de chercher — et heureusement de trouver — quelle en était la raison.



Tout le monde sait à quelle occasion avaient lieu les charivaris. Ils n'étaient, en temps ordinaire, qu'une plaisanterie bruyante et burlesque qui tournait en dérision les mariages mal assortis, ou plus simplement les remariages de veufs et de veuves. Beaucoup de bruit, de l'ironie, des chansons... tout cela n'était pas bien méchant, seulement très désagréable pour les intéressés.



Aussi ces derniers allaient-ils prudemment se marier en Espagne afin d'éviter la grotesque cérémonie. L'église de Valcarlos abritait le plus souvent ces couples craintifs ou de mauvaise humeur. Il fallait bien ensuite, en France, régulariser cette union. Mais ceci se passait à l'ombre et à des heures que le public ne connaissait pas. Si bien que les faiseurs de charivari en étaient souvent pour leurs frais.



Mais s'ils tenaient vraiment à se moquer des pauvres mariés, ils organisaient leur mascarade un autre jour que celui du mariage et les conjoints n'échappaient pas à leur triste sort, surtout s'ils étaient, au moins l'un d'eux "étrangers".



A cette époque, pour que ces charivaris revinssent avec une insistance telle que la municipalité dût intervenir à plusieurs reprises, il fallait que l'opinion publique crût avoir à châtier un fait grave.



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CHARIVARI A UHART-CIZE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici l'histoire que j'ai trouvée : authentique, puisqu'elle s'inscrit sur les registres de l'état-civil. Le 18 Avril 1831, un mariage avait lieu à Saint-Jean : celui d'un béarnais, Pierre Rancez, venu des environs d'Orthez. Il était cordonnier ; il faudra nous rappeler ce fait. Il avait épousé la dame Marie Martiren, journalière. Or, celle-ci était veuve. Une veuve qui se remarie, voilà déjà un prétexte à charivari, surtout si elle épouse un étranger, et un béarnais par surcroît. La haine, ou le mépris de Saint-Jean pour les Béarnais dura des siècles ; je ne suis pas très sûre qu'ils soient tout à fait éteints !



Enfin, ce jeune marié de 28 ans était cordonnier, le hasard que nous expliquerons plus loin voudra que ce fait soit grave.



Marie Martiren était veuve de François Dangosse, garçon tailleur d'habits. Celui-ci mourut le 22 Janvier 1830 dans la petite maison de Saladan, rue d'Espagne, après onze mois de mariage. Son père, artisan lui-même, lui survécut.



Mais la situation se complique. Marie Martiren, la veuve remariée, habitait avec sa mère. Or, celle-ci, Marie Goyeneche, était elle-même veuve et remariée à un certain Raymond Lahargon, mort aussi. Trois maris décédés dans cette maison, et deux veuves remariées ! Voilà, avouons-le, plus qu'il n'en faut pour un charivari !



Cependant, quelqu'étrange que soit ce concours de circonstances, s'il faisait naître l'idée de charivaris tenaces et répétés, il n'impliquait pas la rage et la haine que nous devinons à travers les lignes des vieux textes. Et c'est ici que la cordonnerie intervient.



Nous avons vu que le nouveau marié béarnais, l'arrivant dans la maison aux trois maris morts, celui qui bravait ainsi l'opinion publique, et, semble-t-il, le respect dû aux pauvres disparus, était cordonnier. Un ami de la vieille veuve Lahargon qui signe sur les actes : Pierre Harispuru, est aussi cordonnier.



Or, les cordonniers avaient mauvaise presse à Saint-Jean : pourquoi donc ? Les cordonniers avaient-ils toujours eu la tête chaude en Navarre ? On le croirait à lire les anciens papiers. Dès 1572, nous trouvons dans les arrêtés du royaume de Navarre des "ordenanzas de zapateros". Le texte en fut imprimé à Estella, par Adrian de Anvers.



Plus près de l'époque qui nous occupe, les cordonniers firent grand bruit en pays de Cize.



Lorsque le roi Louis XIV nomma le 4 Juin 1685 Pierre Charron directeur de la saline d'Aincille, il y eut une émeute à Saint-Jean-le-Vieux. Or, les deux meneurs étaient deux cordonniers, un de Lecumberry et l'autre d'Ahaxe, le plus enragé, qui se nommait Johannes de Recalde et que l'on appelait communément Simon.



C'est lui, qui, secondé par le soldat Lafleur, poursuivait partout, le poignard en mains, les employés de la gabelle royale.



La répression de cette émeute fut cruelle. Le cordonnier Simon (quelle terrible prophétie quand on songe à la future prison du Temple !) fut jugé le plus coupable, d'abord par le commissaire Bordenave, puis par l'intendant du Roi. Il fut condamné à la question ordinaire et extraordinaire, à la pénitence publique et enfin à être pendu et étranglé sur la place du village.



Je ne sais lequel de ces deux supplices précéda l'autre, mais la sentence fut appliquée immédiatement. Le pauvre cordonnier dont nous connaissions la punition, passait-il par là à cette heure, et secoua-t-il la tête à la vue de ces pieds déchaussés s'agitant au-dessus de la terre, alors que les siens ne la devaient jamais quitter que dans la vallée de Josaphat, à la fin des temps.



Quoi qu'il en soit, Simon mourut, mais quelque temps après, les salines d'Aincille revinrent à leurs vrais possesseurs, les habitants du pays de Cize. Furent-ils reconnaissants à la mémoire de Simon ? Y eut-il, au contraire, toujours lutte entre les cordonniers et le reste de la population ?



Croyons-le volontiers en écoutant cette nouvelle histoire. Les esprits, disions-nous tout à l'heure, étaient terriblement surexcités à Saint-Jean durant les années 1831 et 1832 ; nous avons entendu des cris, des disputes, rencontré des rassemblements, déploré des assassinats. 1832 n'amena aucun apaisement. Voici venir le Carnaval et sa liberté de paroles et d'actions, grâce à laquelle les actes désordonnés vont être rendus plus faciles. La Mairie ne peut pourtant pas, en temps de Carnaval, interdire tout rassemblement et fermer les cabarets. La jeunesse veut s'amuser. Les garçons décident de donner un bal dans la salle communale. Mais ils veulent en exclure les "cordonniers". Et pour plusieurs raisons. L'un d'eux, nous l'avons vu, est béarnais ; il est remarié à une veuve. La Mairie paraît l'avoir soutenu en empêchant les petits charivaris que nous avons signalés et qui amusaient jusqu'alors sans trop de méchanceté. De plus, les cordonniers ont mauvais caractère. Ils sont très orgueilleux depuis que, en 1815, deux d'entre eux ont été nommés "chefs des pompiers de la ville".



Donc, pas de cordonniers dans ce bal."




A suivre...









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