Libellés

Affichage des articles dont le libellé est H CAIN. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est H CAIN. Afficher tous les articles

lundi 2 septembre 2024

LA PIÈCE DE THÉÂTRE "CHIQUITO, LE JOUEUR DE PELOTE" D'APRÈS PIERRE LOTI EN OCTOBRE 1909 (troisième et dernière partie)

 

LA PIÈCE DE THÉÂTRE "CHIQUITO" EN 1909.


Cette pièce de théâtre, en 4 actes, représente une scène de la vie basque.

A partir d'un livret d'Eugène Henri Cain et avec une musique de Jean Nouguès, cette pièce est représentée pour la première fois, à Paris, au Théâtre de l'Opéra-Comique, le 30 octobre 1909.



théâtre pays basque autrefois loti pelote chiquito
PIECE "CHIQUITO, LE JOUEUR DE PELOTE" 1909
M FRANCELL "CHIQUITO" ET MME MARGUERITE CARRE "PANTXIKA"



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Comoedia, le 31 octobre 1909, sous la plume de 

Georges Talmont :


"... Dans la salle commune de la ferme des Etchemendy, Cattalin et son vieux père préparent le repas du soir ; la fermière dont la cape noire au capuchon dissimulateur fait peur aux enfants du pays ignore qu'à la partie de pelote un drame effroyable s'est joué entre son fils Eshkerra et l'amoureux de sa fille, Chiquito.



C'est le calme reposant du soir. Par les fenêtres étroites striées de petits carreaux, la campagne s'étend poétiquement séduisante, sous les derniers rayons du soleil couchant. Des entrecroisements de poutres courent, à la mode au vieux temps, le long des murs blanchis à la chaux ; haute, large, la cheminée s'étage, imposante, sous le feston de calicot dont elle s'enorgueillit ; sur des planches scellées dans les murailles, les ustensiles de ménage étalent, en un bel ordonnancement, leurs cuivres éblouissants et leurs grès immaculés ; accrochées sous l'escalier de bois qui mène aux chambres, des salaisons s'alignent, et aussi un jambon fumé, et le quartier de lard et le traditionnel saucisson à l'ail ; des chapelets d'oignons courent le long des murs et aussi des guirlandes de piments rouges ; voici le fusil de l'aïeul qui guerroya contre l'Espagne et une "marine" que gagna, à la fête d'un village voisin, la jolie petite Pantchika.



Mais l'orage gronde dans la famille. Amour, amour, quand tu nous tiens, finis les calmes repos et les douces veillées du soir. Le bon oncle Etchemendy, pitoyable aux amoureux, tente, vainement, de fléchir le rigorisme de sa belle-sœur. Ah ! si son frère vivait ! Et il évoque le vieux proverbe :

Quand le coq chante 

La poule doit se taire 

Et rentrer droit au poulailler

Sans caqueter 

Cocorico

Kot, kot, kot, kot.

Et si la poule veut résister.

Se révolter 

Et caqueter, ,

Le cop doit se hérisser 

Et la faire rentrer

Au poulailler,

Car quand le cop chante

La poule doit se taire

Kot, kot, kot, kot

Cocorico.



La tourmente a passé... Pleurant son Chiquito dangereusement blessé par la balle que son frère a lancée de son "chistera" meurtrier, la petite Pantchika a voulu mourir et s'est jeté du haut de la falaise. Des pêcheurs l'ont recueillie qui, de leur barque, l'ont transportée jusqu'au couvent du Rosaire.



Par les vastes fenêtres entr'ouvertes qui découvrent à l'horizon les pentes feuillues des Pyrénées, une clarté éblouissante s'épand dans la salle de l'infirmerie où dans le grand lit à colonnades tout garni de blancs rideaux, repose la douce fiancée du beau pelotari. Les murailles, peintes en blanc, s'adornent de quelques images de piété. Sur l'autel de la Vierge de Saint-Jean-de-Luz, tout de velours habillée, des cierges brûlent, proche des fleurs rustiques en papier découpé. Au pied du lit, Chiquito, portant au front de violettes ecchymoses, souvenirs douloureux de la dramatique partie qu'il joua avec le frère de Pantchika, murmure des mots d'amour, des paroles d'espoir, qui illuminent le visage pâle de la petite malade. Il sort avec un affectueux : "A demain !" prometteur d'un riant avenir. Et, dans le crépuscule qui adoucit l'éclat lumineux du sanctuaire, les nonettes aux cornettes blanches s'agenouillent devant l'autel de la Vierge. Du lit où elle repose, Pantchika unit ses prières à celles des religieuses. Soudain, ses mains se crispent ; une angoisse apparaît sur son visage amaigri ; ses yeux se dilatent sous l'effroi qui les grandit ; un spasme la secoue toute entière, elle se dresse, haletante, et elle retombe inanimée...



théâtre pays basque autrefois loti pelote chiquito
LA MORT DE PANTCHIKA
PIECE DE THEÂTRE CHIQUITO, LE JOUEUR DE PELOTE


Par le vantail large ouvert, un dernier rayon de soleil vient se jouer dans l'or fauve des cheveux de la petite morte, tandis que la mère supérieure, qui veillait au chevet de la jeune fille, se tournant vers les nonnes recueillies devant l'autel de la Vierge, prononce doucement : "Mes filles, il faut prier pour la pauvre Pantchika !"



J'ai tenté de traduire tout le charme poétique qui se dégage des quatre décors au milieu desquels évolue l'anecdote imaginée par M. Henri Cain, ainsi que de la mise en scène de Chiquito telle que nous la présente, avec son habituelle maîtrise M. Albert Carré.




théâtre pays basque autrefois loti pelote chiquito
PHOTO D'ALBERT CARRE PAR NADAR
Par Archivio Storico Ricordi, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=92268130


M. Lucien Jusseaume qui brossa le premier décor, M. Bailly qui établit les trois autres d'après les toiles, les croquis et les esquisses que Jambon rapporta de son voyage au pays basque, ont très exactement traduit le caractère particulier des sites et des lieux où se déroulent les diverses péripéties de l'ouvrage d'Henri Cain et Jean Nouguès.



théâtre pays basque autrefois loti pelote chiquito
PHOTO DE MARCEL JAMBON
PAR L'ATELIER NADAR


M. Albert Carré, dans les moindres détails de la mise en scène, a merveilleusement exprimé la poésie intense des paysages, la saveur pittoresque des scènes et des danses particulières au pays que chanta, dans Ramuntcho, le père de Madame Chrysanthème. Et l'on conçoit aisément que le librettiste et le compositeur aient songé à dédier à Pierre Loti leur Chiquito, joueur de pelote



Je ne saurais trop dire l'art exquis avec lequel Mme Mariquita, au second acte, a révélé aux ignorants du pays basque, les danses curieuses des villages de la région de Saint-Jean-de-Luz ; le corps de ballet de l'Opéra-Comique, avec, à sa tête, Mlles Dugué, Richeaume, Pépita et Vuillaume, a exécuté, avec une furia très basquaise, l'"auresku" et le "fandango" ; puis, les quatre danseurs de Saint-Jean-de-Luz, venus, à cet effet, des régions pyrénéennes, Ramos, Baron, Diribarne et Josié, émerveillèrent par la vigueur et la précision de leur pas en dansant un "arinarin" endiablé.



théâtre pays basque autrefois loti pelote chiquito
MME MARIQUITA (ASSISE)
ET DANSEUSES DE BALLET



L'ouvrage de Jean Nouguès est d'ailleurs interprété, dans ses moindres rôles, avec un ensemble qui ne décèle aucune faiblesse. Ce résultat fait le plus grand honneur à M. Albert Carré et à ses excellents pensionnaires et aussi à M. Albert Wolf qui assuma la tâche délicate de diriger, du premier moment jusqu'au dernier jour, les études musicales de l'ouvrage.



théâtre pays basque autrefois loti pelote chiquito
COMPOSITEUR ET CHEF D'ORCHESTRE ALBERT WOLFF
Par Unattributed — Bibliothèque nationale de France, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=9443191



L'Amérique — dont il est souvent question dans son nouvel ouvrage — procura à M. Jean Nouguès quelques heures désagréables la saison dernière.



M. Albert Carre préparait alors son programme et réservait à Chiquito la première place. Mais les Américains faillirent tout gâter. N'allèrent-ils pas proposer à Mme Marguerite Carré de donner à New-York une longue série de représentations à de somptueuses conditions ? Mme Marguerite Carré quittant Paris, c'était Chiquito privé de sa principale interprète... et M. Jean Nouguès, ne pouvant supporter cette idée, allait demander la remise de sa pièce à une date ultérieure.



théâtre pays basque autrefois loti pelote chiquito
MARGUERITE CARRE
DANS COMOEDIA ILLUSTRE 20 MARS 1913



Chiquito est la première œuvre à Paris de M. Jean Nouguès — un jeune — et, pour aider au succès d'un jeune, Mme Marguerite Carré sacrifia l'Amérique et les avantages considérables que lui offrait le séjour à New-York.




théâtre pays basque autrefois loti pelote chiquito
COMPOSITEUR JEAN NOUGUES



C'est ainsi que M. Jean Nouguès conserva son interprète — et son tour de représentation. Il faut savoir gré à Mme Marguerite Carré de ce geste joli. Toutes nos cantatrices n'ont pas ce désintéressement."




 

Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

Plus de 5 900 autres articles vous attendent dans mon blog :

https://paysbasqueavant.blogspot.com/


N'hésitez pas à vous abonner à mon blog, à la page Facebook et à la chaîne YouTube, c'est gratuit !!!

vendredi 2 août 2024

LA PIÈCE DE THÉÂTRE "CHIQUITO, LE JOUEUR DE PELOTE" D'APRÈS PIERRE LOTI EN OCTOBRE 1909 (deuxième partie)

LA PIÈCE DE THÉÂTRE "CHIQUITO" EN 1909.


Cette pièce de théâtre, en 4 actes, représente une scène de la vie basque.

A partir d'un livret d'Eugène Henri Cain et avec une musique de Jean Nouguès, cette pièce est représentée pour la première fois, à Paris, au Théâtre de l'Opéra-Comique, le 30 octobre 1909.



théâtre pays basque autrefois loti pelote chiquito
PIECE "CHIQUITO, LE JOUEUR DE PELOTE" 1909
M FRANCELL "CHIQUITO" ET MME MARGUERITE CARRE "PANTXIKA"



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Comoedia, le 31 octobre 1909, sous la plume de Louis 

Schneider : 



"... La mise en scène et les décors.



Il est superflu de répéter qu'à l'Opéra-Comique une pièce est présentée dans des conditions exceptionnelles, chaque fois surprenantes. C'est là un lieu commun, un cliché devenu banal, élimé. Et l'on a épuisé sur ce sujet tout l'arsenal des épithètes flatteuses, toute la phrasologie laudative.



Chiquito ne se compose pas seulement de décors. M. Albert Carré a su imposer à cette œuvre une atmosphère. Ce n'est pas de la lumière qui est transportée sur la scène, c'est du soleil. Tous les tableaux successifs ont été étudiés sur place ; la vision en est transportée sur la scène avec une sincérité, avec une puissance d'évocation qui tiennent du prestige.



théâtre pays basque autrefois loti pelote chiquito
PHOTO D'ALBERT CARRE PAR NADAR
Par Archivio Storico Ricordi, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=92268130



Le premier décor est de M. Jusseaume. Ce n'est un bois "de théâtre" que cet aperçu de la forêt d'Olette ; c'est une clairière avec des herbes, c'est comme une fenêtre ouverte sur la montagne. Ce décor fait respirer au spectateur des senteurs agrestes ; et l'on voudrait errer à travers ces futaies odorantes en compagnie des deux petites chèvres blanches qui apparaissent presque au lever du rideau. Le bois laisse apercevoir un coteau où la végétation est plus âpre. Au tronc d'un chêne séculaire la piété des paysans basques a placé une Vierge dans une petite guérite. Il se dégage de tout cela un ensemble de poésie et de vérité qui sont d'une séduction très prenante.




théâtre pays basque autrefois loti pelote chiquito
VIERGE OLHETTE URRUGNE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Les autres décors, qui sont de feu Jambon et de M. Bailly, son gendre et successeur, laissent moins de place au rêve et sont des cadres d'un réalisme plus accentué.



théâtre pays basque autrefois loti pelote chiquito
PHOTO DE MARCEL JAMBON
PAR L'ATELIER NADAR



Le deuxième acte nous montre la place principale du village, un dimanche, avant la partie de pelote. Au fond et à droite, l'église regorge de monde et les fidèles ont été obligés de se tenir sous le porche. En face est le café d'Etchemendy (que le décor, je ne sais trop pourquoi, appelle "café Etchevery"), avec son rideau de fil écru pour garantir les clients des mouches. Au premier plan à droite on aperçoit le mur du fronton où tout à l'heure se jouera la tragique partie de pelote. Le village se profile avec des maisons que dore le soleil jusqu'au bois d'Olette.



Mais il n'y a pas que du décor dans cet acte-là : il y a des costumes du pays, d'une étonnante exactitude ; les bérets bleus et rouges, les pantalons blancs, les "taillols", cette large ceinture de couleur qui cambre la taille des jeunes gens comme un corset, tout cela paillette le paysage d'une bigarrure pittoresque. Les jeunes filles ont le mouchoir sur la tête, les vieilles ont la grande cape des béguines du Nord. Et dans un instant cette foule fera cercle autour de la "Aurescu" dont les couples gracieux évolueront sur la place.



théâtre pays basque autrefois loti pelote chiquito
DANSE AURRESKU
PAYS BASQUE D'ANTAN



Au troisième acte, c'est dans la ferme des Etchemendy, la salle commune avec sa haute cheminée, avec ses provisions de charcuterie appendues (cela c'est un effet de lard). Une fenêtre laisse pénétrer les derniers rayons du soleil ; et par la grille de bois la lumière entre, inondant le jardin, éclairant docilement cet intérieur rustique et familial. A la fin de l'acte, avec la nuit qui blêmit le paysage, c'est l'envahissement de la maison par la foule escortant le maire et les gendarmes qui viennent arrêter Eshkerra réfugié dans la chambre du haut.



Nous voici enfin dans le couvent. En une salle claire, blanchie à la chaux, repose sur un lit Pantchika. A gauche un autel en bois sculpté. Par la fenêtre on aperçoit la campagne et les montagnes estompées en une atmosphère vaporeuse. Puis le soleil se couche et rosit toute la scène ; c'est le dernier flamboiement du jour ; c'est la derrière lueur d'une existence qui s'éteint.


-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------


La Soirée (par Georges Talmont)



Le soir tombe sur le bois d'Olette... Le soleil à son déclin "rôtit" à l'horizon les pentes pyrénéennes... Dans la mélancolie de l'heure crépusculaire, un chevrier chemine, poussant ses bêtes devant lui, au son de sa gaïtea... Sous le couvert d'un grand chêne qui porte, à son tronc, une Vierge antique, Chiquito s'est étendu dans la verte fraîcheur des fougères. Il guette, le beau pelotari, celle qui, chaque soir, à cette heure, foule, de ses pieds menus, la mousse du chemin. Il tressaille soudain, au bruit des feuilles froissées. D'un bond, il se relève. Pantchika paraît à la crête du talus, souriante, si poétiquement blonde, si gracieuse, avec, dans ses bras jolis, une éblouissante gerbe de fleurs. Posant un doigt sur ses lèvres, à pas menus, elle va s'agenouiller devant le petit autel suspendu au flanc du gros chêne, jonche le-sol de sa moisson parfumée et murmure une courte prière. Derrière sa petite amie, Chiquito courbe la tête, retire doucement son béret et s'incline devant la Vierge... Puis ils se disent leurs espoirs et aussi leurs angoisses. Et la petite basquaise éclate en sanglots. Son frère, à la veillée, ne lui a-t-il point affirmé qu'il ne fallait pas croire en l'amour de Chiquito, que, grisé par ses succès dans tous frontons du pays, l'heureux pelotari se laisserait tenter par d'autres caresses... Mais Chiquito la rassure. Son cœur n'a point changé depuis qu'ils ont échangé le grand serment d'amour... C'était un soir de Mai... Il y avait, à l'auvent de sa porte, des roses et des chèvrefeuilles... Et ils parlent d'avenir, très doucement... S'il le faut, elle se révoltera contre le refus maternel... Et ils fuiront aux Amériques... Et, plus tard, riches à leur tour, ils reviendront au pays natal, et sur l'auvent de leur porte on lira :

Ave Maria !

Chiquito, du village d'Hasparren a bâti cette maison pour y vivre avec Pantchika, son épouse.



Mais l'heure passe... Pantchika rassénérée remonte, lentement, le talus et d'un geste joli appuie ses doigts sur ses lèvres, tandis que de la main Chiquito envoie à sa petite amie un adios passionné. Longtemps, le pelotari suit du regard la forme adorée qui s'éloigne... s'éloigne... disparaît... Alors, il ramasse sa veste restée dans les bruyères, la jette sur son épaule, et ramenant son béret sur ses yeux, il s'en va, souple et silencieux, par le sentier de mousse, tandis qu'au loin la gaïtea du chevrier chante encore, doucement, une chanson d'amour...



Le village, illuminé par les chauds rayons du soleil, a pris un air de fête... Ce ne sont que des rires et des cris joyeux... Du vieux porche de l'église les fidèles sortent, par flots pressés, au son de l'orgue et des cantiques... Les hommes s'en vont boire du cidre d'Espagne au cabaret tout proche, qui ouvre, derrière des platanes, un auvent prometteur au-dessus duquel un "linteau" porte en relief l'inscription : Café Etcheverry : les femmes, par la route ensoleillée, regagnent leurs maisons si blanches sous leur couche de chaux, si hautes d'étage, avec leurs grands balcons de bois ; les jeunes gens, le béret enfoncé sur les yeux, ont revêtu le pantalon de toile blanche maintenu par une large ceinture de laine et le "gerico" qui découvre largement la chemise de cotonnade ou le léger maillot de fil ; les jeunes filles portent la jupe courte, aux couleurs claires ; autour du chignon est enroulé le foulard de soie chatoyante ; un étroit fichu court autour de la nuque et enserre les tailles rondes ; les vieux, appuyés sur leur "maquila" évoquent les souvenirs du temps passé, parlent de "blaid" et de "rebot", content les parties fameuses que vit le vieux fronton dont les derniers gradins s'étagent sur la place.



Cependant, la "gaïtea" résonne et aussi le "tamborlllero". L'"Auresku" se forme tout aussitôt : les filles mi-courbées dansent en agitant leurs mouchoirs ; puis, c'est le tour du "fandango" et les jeunes gens entrent dans la danse ; l'un devant l'autre, sans s'enlacer, mais conservant toujours une égale distance, garçons et filles évoluent ; les bras tendus s'agitent dans l'air, s'élèvent et s'abaissent dans une cadence harmonieuse qui suit les oscillations des corps ; voici enfin l'"arin-arin", une sorte de quadrille que quatre gars musclés dansent éperdument, dans un mouvement qu'alentour l'on rythme d'un claquement sec des doigts semblable au bruit des castagnettes...



Mais l'heure arrive où les pelotari vont mesurer devant le vieux mur leur force et leur adresse. Les joueurs "gantent" le "chistera" que des lanières de cuir tiennent étroitement attachée à leur poignet vigoureux. Ils chaussent les espadrilles aux semelles de cordes, nouent autour de la cheville les rubans de couleurs, confient leur veste à leur petite amie, et comme le crieur fait entendre le cri traditionnel que longuement il psalmodie. "Hay ! hay!", ils rentrent dans le fronton dont le mur de fond bientôt se garnit, en grappes serrées, de petits Basques, pelotaris en herbe, qui se précipiteront pour se disputer l'honneur de ramasser les balles égarées."





A suivre...





Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

Plus de 6 300 autres articles vous attendent dans mon blog :

https://paysbasqueavant.blogspot.com/


N'hésitez pas à vous abonner à mon blog, à la page Facebook et à la chaîne YouTube, c'est gratuit !!!

mardi 2 juillet 2024

LA PIÈCE DE THÉÂTRE "CHIQUITO, LE JOUEUR DE PELOTE" D'APRÈS PIERRE LOTI EN OCTOBRE 1909 (première partie)

LA PIÈCE DE THÉÂTRE "CHIQUITO" EN 1909.


Cette pièce de théâtre, en 4 actes, représente une scène de la vie basque.

A partir d'un livret d'Eugène Henri Cain et avec une musique de Jean Nouguès, cette pièce est représentée pour la première fois, à Paris, au Théâtre de l'Opéra-Comique, le 30 octobre 1909.



théâtre pays basque autrefois loti pelote chiquito
PIECE "CHIQUITO, LE JOUEUR DE PELOTE" 1909
M FRANCELL "CHIQUITO" ET MME MARGUERITE CARRE "PANTXIKA"



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Comoedia, le 31 octobre 1909, sous la plume d'Henry 

Gauthier-Villars :



"Aimer ou haïr Chiquito ce n'est pas glorifier ou dénigrer un ouvrage de Jean Nouguès et Georges Cain, c'est admirer ou insulter une institution d'Etat. En soumettant leur œuvre à la discussion, les deux auteurs ont posé, sans le vouloir, la question préalable. Il ne s'agit pas de se demander si ces scènes de la vie basque contiennent de la psychologie, de la force dramatique et. de la littérature, il n'est pas question d'inventorier le contenu musical de cette partition, il faut simplement savoir si l'Opéra-Comique doit être ouvert ou fermé, si l'utilité d'un théâtre lyrique est démontrée ou si M. Carré doit être placé à la tête du Théâtre-Français après avoir clos pour toujours, les grilles de la Salle Favart.



Chiquito est, en effet, le spectacle musical le plus accompli qu'il soit possible d'imaginer, celui qui renferme toutes les qualités que peut souhaiter un directeur, un chanteur, un décorateur et un public. C'est le rajeunissement, d'après les formules les plus récentes, de l'ancien opéra-comique, c'est la présentation, réalisée avec une étonnante adresse, de tout ce que l'art lyrique offre de séductions aux contribuables de la troisième République.



Quel que soit votre secret instinct littéraire, vous ne sauriez nier la virtuosité et le tour de main de l'ami Georges Cain, champion du libretto. Les lignes inégales des poèmes qu'il présente aux compositeurs résument avec logique et clarté toute la passion, tout le pittoresque, toute la puissance théâtrale que peut fournir une anecdote convenablement choisie et méthodiquement traitée. Son dernier livret ne fait pas exception à la règle.



La jolie Pantchika aime le pelotari Chiquito, mais une mère impitoyable et un frère autoritaire lui ont choisi un époux plus fortuné. Ce frère, le brutal Eshkerra, emporté par la haine, vise à la tempe, au cours d'une partie de pelote, le pauvre soupirant et l'étend, mourant, à ses pieds. Réfugié chez sa mère, lionne toute prête à se jeter sur les ennemis de son "petit", le meurtrier est dénoncé par sa sœur indignée, et promptement écroué. Demeurée seule avec la malédiction maternelle, Pantchika n'a plus le courage de vivre. Elle se jette dans la mer (ou dans la Bidassoa), y contracte une bronchite mortelle, et vient expirer sur un petit lit blanc d'hôpital, chez les Sœurs du Rosaire, dans les bras du malheureux Chiquito qui vient de bénéficier d'une inutile résurrection. 



théâtre pays basque autrefois loti pelote chiquito
LA MORT DE PANTCHIKA
PIECE DE THEÂTRE CHIQUITO, LE JOUEUR DE PELOTE



Inutile d'ajouter que ce bref fait-divers s'orne de tous les éléments lyriques en usage et de tous les hors-d'œuvre attendus. Il y a un chevrier sympathique, suivi de "vraies" chèvres, qui ouvre et ferme poétiquement les actes par une chanson mélancolique et vaguement prophétique, entendue au loin dans les coulisses pyrénéennes ; les filles du village dansent la aureskù et le fandango et les garçons trépignent l'arin-arin ; l'âme religieuse du pays basque est indiquée, d'une touche légère, par une sortie de messe avec bouffées d'orgue sortant du porche entr'ouvert et contrepointant les discours musicaux des buveurs attablés sur la place ; nous sommes favorisés du brave paysan biarrot, au cœur loyal, bourru bienfaisant, fécond en proverbes et en chansonnettes moralisatrices, prédestinées aux "bis", et les irrésistibles sollicitations lacrymales que constituent un infortuné grand-père paralytique assistant impuissant à l'effondrement de son foyer et la froideur mystique d'une chapelle d'hospice où agonise une amoureuse, n'ont eu garde d'être oubliées par Henri Cain qui, je le répète, sait son métier mieux que personne.




théâtre pays basque autrefois loti pelote chiquito
DRAMATURGE ET LIBRETTISTE EUGENE HENRI CAIN



En vérité, voilà un excellent livret et tant que l'art lyrique n'aura pas été bouleversé de fond en comble par la bombe d'un génial nihiliste musical, il sera vain et illogique de "charrier" cette conception du théâtre qui, indéniablement, s'appuie sur le goût avoué du public et s'autorise de retentissants succès.



La partition échappe, elle aussi, à ces querelles d'école. Elle est ce qu'elle doit être, avec sincérité et franchise. Un confrère du compositeur — confrère peu suspect d'optimisme et de bienveillance native — vient de résumer ainsi son opinion sur Jean Nouguès : "Il connaît admirablement les planches. Sur ce terrain-là, bien que débutant, il est déjà passé maître. Il sait traiter vigoureusement une situation, ramener à propos un motif, déchaîner ou apaiser au bon moment les sonorités instrumentales. etc.". M. Bruneau dit vrai ; Nouguès sait tout cela et bien d'autres choses encore. Sans prendre parti dans l'ardente mêlée où nous voyons actuellement aux prises les musiciens contemporains, sans renier l'atavisme latin que lui impose un acte de naissance signé à Bordeaux, Jean Nouguès n'ignore rien des plus récentes conquêtes sonores. Il en use avec un tact qui lui conciliera la sympathie des "modérés" et avec une circonspection qui froissera les "socialistes unifiés" de l'appoggiature non résolue. Il sait qu'un auditoire parisien peut sans danger, en 1909, entendre certains néologismes, mais ce ne sont pour lui que des néologismes et il n'en abusera pas. Il possède cependant une science assez complète de l'argot moderniste dont on use aujourd'hui couramment dans la classe moyenne des compositeurs. Il attaque, sans préparation, par la neuvième, un ton éloigné, se balance complaisamment dans son prélude, de la tonalité de la bémol à celle de ré majeur, écrit l'accord parfait avec le choc "select" du sixième degré et du cinquième, parfume de violons-sourdine divisés les tendres silences du dialogue et sait ce qu'on peut attendre d'une pédale de cloche, de quelques tierces étouffées, ou d'un trémolo léger aux minutes de mortelle angoisse.



théâtre pays basque autrefois loti pelote chiquito
COMPOSITEUR D'OPERAS JEAN NOUGUES 
ATELIER NADAR VERS 1905


Notons également l'apparition d'un nouvel ingrédient lyrique de la plus charmante espèce. Après la mort de Mimi, la mort de Méiisande tend à faire école. Il est avéré qu'une mourante d'opéra-comique doit s'exprimer avec une harmonieuse puérilité, qu'en doit "ouvrir les fenêtres" et évoquer autour de son lit le symbolisme du soleil couchant et qu'on doit — avec violons-sourdine suraigus et larmes de harpes —, lui parler une langue spéciale, semée de "voyez-vous" de "si douçe, si jolie" et de "sois sage". Henri Cain et Nouguès ont attrapé cet effet merveilleusement : l'épisode de la fenêtre et les timides questions de l'oncle Vieuille, qui restera toujours un peu Arkel, réalisent une transposition savoureuse d'un tableau désormais classique.



Blasé, comme tous les post-wagnériens, sur les charmes du leit-motiv individuel et de ses combinaisons possibles, Nouguès adopte un procédé ingénieux et délicat pour donner l'unité nécessaire à son discours symphonique. Choisissant, dans l'inépuisable folk-lore basque, des thèmes populaires. ou simplement des fragments, des inflexions de thèmes populaires, il enveloppe certaines situations du retour intentionnel de ces atmosphères musicales. La chanson mineure du chevrier, mélancoliquement affectée par l'altération de son quatrième degré, prend l'importance d'un thème, grâce à ses rappels opportuns et ses transformations en valeurs diminuées à la "gaïtea" du chanteur. Ce sont des thèmes aussi, des thèmes discrètement conducteurs, les dessins mélodiques accompagnant les promesses nuptiales des deux fiancés, l'évocation des bois d'Olette et la brutalité d'Eshkerra ; ils ont des fonctions expressives nettement précisées dans le drame. Impossible d'éviter plus élégamment une mode surannée devenue trop difficile à porter.



Une orchestration très claire, peut-être un peu trop monochrome — que deviendriez-vous, mon cher Nouguès, si jamais éclatait une grève de harpistes et de violoncellistes? — soutient cette agréable série de paysages.



L'interprétation de Mme Marguerite Carré, Vieuille et Francell ne pouvait être que parfaite. La fraîcheur vocale de la Pantchika d'hier, la jeunesse vaillante de son pelotari et l'autorité bonhomme de l'oncle Etchemendy ont été un régal pour les amateurs de "compositions" nuancées. Silhouettes, psychologie des rôles, souci des détails, tout fut définitif. M. Jennotte dessine vigoureusement un farouche Eshkerra.




théâtre pays basque autrefois loti pelote chiquito
SOPRANO MARGUERITE CARRE
COMOEDIA ILLUSTRE 20 MARS 1913


théâtre pays basque autrefois loti pelote chiquito
PHOTO FELIX VIEUILLE 1905
ATELIER NADAR




théâtre pays basque autrefois loti pelote chiquito
PHOTO FERNAND FRANCELL
ATELIER NADAR




M. Vigneau crée un vieillard hallucinant au visage exsangue, toute la vie refugiée dans ses prunelles effarées, mastiquant péniblement de ses gencives usées un triste repas nocturne, dans une atmosphère de drame : C'est de la belle eau-forte ! Mlle Duverny rappelle la marâtre de Xavière, et tant d'autres ! Mlle Judith Lassalle prête à la Supérieure de l'Hôpital des yeux de courtisane lassée, qui sont une indication nettement anticléricale. 



Les quatre danseurs de St-Jean-de-Luz ont été fêtés par une salle enthousiaste : ils ne doivent pourtant pas nous rendre injustes envers les quelques montmartroises rendues, par le génie de Mariquita, plus souples, plus lascives et plus fougueuses que toutes les basquaises de Guethary.



P.-S. — Ayant dû jouer inopinément Lohengrin vendredi soir, à la place de Mlle Kayser, il fut impossible à Mlle Louise Grandjean de répéter avec l'orchestre Hasselmans l'Invocation au Soleil, page inédite de Léo Sachs, qui, malgré cette exécution périlleuse, remporta, salle Gaveau, le plus vif succès."



A suivre...




Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

Plus de 6 300 autres articles vous attendent dans mon blog :

https://paysbasqueavant.blogspot.com/


N'hésitez pas à vous abonner à mon blog, à la page Facebook et à la chaîne YouTube, c'est gratuit !!!