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dimanche 26 février 2023

DES RECETTES DE CUISINE BASQUE EN 1931

DES RECETTES DE CUISINE BASQUE EN 1931.


Dans les séries d'articles que je publie, j'aime particulièrement tous les articles concernant les recettes de cuisine, eu égard aux modifications de consommation aujourd'hui.


MORUE A LA BISCAYENNE




Après ma série de recettes de cuisine Basque de 1958 où je vous ai proposé 46 recettes 

les 12/12/20166/01/20179/02/20177/03/20174/04/20179/05/201711/06/201711/07/2017,  

10/08/201711/09/2017,  1/11/201727/12/201728/02/201829/03/201815/06/2018,  

12/09/01830/10/201819/01/201926/02/201901/04/20196/06/201915/08/2019 et 18/02/2020

ainsi que des recettes de cuisine, trouvées dans le journal Le Soleil, en 1903, et des recettes de 

cuisine publiées en 1930, voici aujourd'hui des recettes de cuisine parues dans la revue 

hebdomadaire La Côte basque : revue illustrée de l'Euzkalerria, le 29 mars et le 12 avril 1931 :



"La page gastronomique.


La Morue : ses apprêts.

Procédé général.



Quel que soit le mode de préparation culinaire, la morue doit être parfaitement dessalée ; pour cela, on la met à tremper, au moins 24 heures à l’avance, dans de l’eau fraiche, en ayant soin de renouveler l’eau plusieurs fois ou, ce qui est préférable, de la faire dessaler à l’eau courante.



Mettre ensuite la morue divisée en gros morceaux carrés de 8 centimètres environ dans une casserole recouverte d’eau froide aromatisée de thym, laurier et de poivre concassé, la soumettre à l’ébullition pendant quelques minutes en ayant soin d’enlever l’écume qui monte à la surface, la retirer hors du feu et la laisser pocher ainsi pendant 20 minutes. Cette cuisson sert de base à beaucoup de préparations culinaires.



La morue s’accommode en général soit au beurre soit à l’huile, mais dans beaucoup de préparations l’huile d’olive est préférable et je dirai même qu’elle a plusieurs avantages sur le beurre.


N.-B. — Dans les diverses recettes que je vais vous soumettre je n’indiquerai pas le sel mais il reste bien entendu qu’il faudrait en ajouter si par cas la morue était par trop dessalée, c’est à la personne qui exécute la recette de se rendre compte, en goûtant et d’assaisonner suivant le degré de salaison.



RECETTE DE LA MORUE



Cuisine Régionale.


Morue à la Basquaise.



La morue étant dessalée, la détailler en morceaux carrés, passer chaque morceau dans la farine et les cuire normalement à la poêle avec de l’huile.



A part, cuire à l’huile des oignons émincés et quelques piments rouges auxquels on aura retiré les graines et qui seront coupés en grosse Julienne, lorsque les oignons commencent à blondir, ajouter quelques tomates pelées, égrenées et concassées, une gousse d’ail écrasée, persil haché et une demi-feuille de laurier, laisser cuire cette sauce pendant un quart d’heure. Dresser les morceaux de morue dans un plat en terre creux, les recouvrir de cette sauce et laisser mijoter pendant 10 minutes. Servir dans le plat même.



MORUE A LA BISCAÏNA



Beignets de morue.


Pocher 500 grammes de morue ; l'effeuiller en ayant soin de bien retirer les arêtes, la mettre dans une casserole et lui ajouter 2 décilitres de sauce béchamel bouillante et lier le tout avec trois jaunes d’œufs. Verser cette composition sur un plat beurré, l'étaler et la laisser refroidir. Former des boules de la grosseur d’un œuf de pigeon ; les aplatir légèrement, les tremper dans de la pâte à frire et les frire à l'huile, les égoutter sur un linge, les dresser sur papier dentelle entourés de persil frit. Servir en même temps une bonne sauce tomate.


BEIGNETS DE COEUR DE MORUE 



N.-B. — On peut dans cette composition de Beignets ajouter soit des champignons, des truffes, des cèpes, ciboule et persil hachés, etc., etc...



Morue aux pommes de terre.


Pocher de la morue bien dessalée, l’effeuiller et bien retirer les arêtes, la mettre dans une casserole avec une cuillerée de beurre, un peu de poivre et quelques pommes de terre venant d'être cuites à l’eau et coupées en rondelles.

Mouiller à hauteur avec du lait bouillant et un peu de crème si possible, faire bouillir 8 à 10 minutes et mettre à gratiner au four dans un plat en terre creux, servir tel que.


MORUE AUX POMMES DE TERRE ET OIGNONS


Le Jambon de Bayonne.


JAMBON DE BAYONNE



Le Jambon de Bayonne constitue dans le Pays Basque et dans les Landes une ressource précieuse, il tient dans notre région, je dirai même dans toute la France, une des toutes premières places dans l’estime des gourmets, car il est vraiment d’une délicatesse incomparable. Le jambon est la partie la plus saine du porc et sa qualité hygiénique dépend toujours de sa provenance et du choix qu’en fait le saleur ; c’est un aliment absolument sain, recommandé par la plupart des médecins, je sais bien que tout le monde n’est pas d’accord sur les propriétés hygiéniques du jambon puisque le Levitique et le Coran défendent l’usage de la chair de porc, mais il ne faut pas oublier que c’est seulement pour l’Orient que les législateurs l’ont déclarée impure parce que les porcs dans ces contrées sont très souvent atteints de "Ladrerie".


La salaison, c’est-à-dire l’apprêt du jambon, joue un rôle tout aussi important sur la qualité que l'espèce même du porc. Beaucoup de charcutiers ne prennent pas la peine de donner à cette opération tous les soins nécessaires ; il y en a même qui se servent d’appareils ou pompes pour introduire la saumure dans l’intérieur des chairs, près des os, de manière à l’infiltrer dans les tissus ; par ce procédé on arrive à livrer au commerce des jambons dans un délai de 3 mois alors qu’il faudrait, d’après les vrais principes, au moins 6 à 8 mois ; c'est pourquoi il devient très difficile de trouver des jambons ayant été bien traités.


C'est dans nos campagnes basques que l'on rencontre surtout les meilleurs jambons parce que nos paysannes apportent les soins voulus pour exécuter ce travail, car pour obtenir un succès parfait dans cette salaison, on ne doit procéder : 1° que 24 heures après l’abattage ; 2° choisir des jambons exempts de meurtrissures et provenant d’animaux sains et surtout reposés; 3° n’exécuter cette salaison que de fin octobre à fin mars.


Voici la marche à suivre : dans un récipient mettez du gros sel additionné d’un peu de vinaigre et de quelques gousses d'ail écrasées ; avec ce mélange, frottez vigoureusement le jambon, principalement du côté de la couenne de façon à bien faire pénétrer le sel ; ensuite, déposez votre jambon à plat, la couenne en dessous, dans un saloir ou une caisse dont le fond sera garni d’une couche de sarments ; recouvrez bien la chair du jambon avec le restant du mélange, couvrez le saloir ou la caisse et laissez ainsi pendant 40 à 50 jours dans un endroit frais. Ce délai écoulé, sortez le jambon du saloir, pendez-le au plafond pour le faire sécher lentement dans un endroit aéré et à température régulière.

A l’approche des premières chaleurs il est nécessaire de recouvrir le jambon du côté de la chair d’une couche de piments du pays que l’on fait sécher au four et que l’on réduit en poudre, ou bien alors d'une couche de cendres de bois tamisée et mélangée avec un peu d'eau de vie. Cet enrobage garantit le jambon contre la moisissure et les attaques des insectes ; on peut également l’envelopper d’une mousseline de façon à ce que l’air puisse pénétrer au travers.

Le jambon doit être suspendu dans un endroit aéré et un peu obscur et ce n’est qu’au bout de 8 à 10 mois qu’il arrive à acquérir cette fermeté, ce goût aromatique et cette délicatesse qui en ont fait la réputation.



CHAERCUTERIE BASQUAISE BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Au Pays Basque, la tradition veut que chacun, même le plus pauvre, mange l’omelette au jambon, c’est une coutume qui soi-disant assure le bonheur toute l’année.

Le jambon se mange cru et cuit, mais si on le désire cuit il est préférable de ne pas le faire trop cuire, car trop de cuisson le rend désagréable.



Escalope de Veau Bayonnaise.


cuisine basque autrefois escalope bayonne
ESCALOPE DE VEAU PANEE DU LABOURD
PAYS BASQUE D'ANTAN


L’escalope de veau se prend de préférence dans le filet, contre-filet ou la noix de veau. Après l’avoir bien aplatie pour la rendre assez mince, assaisonnez-la de sel et poivre, passez à la farine et faites sauter au beurre dans un plat à sauter. Dès que votre escalope est cuite, retirez-la et dans cette cuisson faites sauter deux tranches très minces de jambon de Bayonne, retirez-les et toujours dans la même cuisson faites mijoter pendant quelques minutes deux tomates épluchées, épépinées et coupées en gros dés. Au moment de servir, mettez d’abord une tranche de jambon sur votre plat, l’escalope dessus ; l’autre tranche de jambon par dessus l’escalope et versez votre sauce sur le tout en y ajoutant un peu de persil haché."


(Source : Morue aux pommes de terre et aux oignons - Recette Ptitchef)




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mercredi 29 juin 2022

LOUIS LÉGASSE DE BASSUSSARRY EN LABOURD AU PAYS BASQUE ET LES PÊCHEURS DE MORUE À SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON EN 1904

LOUIS LÉGASSE ET SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON EN 1904.


Louis Légasse, né à Bassussarry en 1870 et mort à Paris en mars 1939, est armateur et propriétaire d'une trentaine de morutiers à Saint-Pierre-et-Miquelon, Fécamp et Passages (Guipuscoa), et le fondateur la Compagnie générale de Grande Pêche - La Morue Française.




histoire emigration terre-neuve
SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON 1904




Voici ce que rapporta à ce sujet le journal L'Action, le 28 décembre 1904, sous la plume de 

Châteauneuf :



"Les prolétaires de la mer. La faillite d'une colonie.

Les pêcheurs de morue à Saint-Pierre et Miquelon.

Une lettre de M. Légasse à M. Doumergue. — Justes plaintes. - Interview de M Légasse. — La situation sociale des pêcheurs— Les fatalités des deux derniers hivers. - Campagnes de pêche désastreuses. — Le Gouvernement doit intervenir. — Solidarité nécessaire.



Dans le volumineux courrier quotidien qui apporte à l'Action, tous les matins, les revendications du prolétariat, nous avons trouvé, le jour de Noël, la touchante lettre ci-dessous :



Paris, le 23 décembre 1901. Louis Légasse, délégué des Îles Saint-Pierre et Miquelon, au Conseil supérieur des Colonies. 

A Monsieur le ministre des Colonies, Paris. 



Monsieur le Ministre, 



Le courrier de Saint-Pierre et Miquelon, que je viens de recevoir par le paquebot La Lorraine, me confirme les désolantes nouvelles dont j'ai déjà eu l'honneur et le devoir de vous entretenir.


histoire emigration messageries transatlantique
PAQUEBOT TRANSATLANTIQUE LA LORRAINE 1900



La population de notre colonie de l'Amérique du Nord est plongée dans la plus cruelle détresse, à la suite des années stériles de pêche de 1903-1904.



Ces rudes marins qui gardent la tradition de l'énergie de notre race là-bas, sur une côte inhospitalière, sur ce dernier vestige de notre riche domaine Nord-Américain, sont, déjà depuis quelque temps, dépourvus des choses les plus nécessaires à l'existence, dans un des pays les plus froids du monde : de pain et de charbon.



Or, vous savez, Monsieur le ministre, que la période la plus rude, la plus glaciale est celle de "Janvier à Mars". Les deux derniers hivers, que j'y ai passés (1901-1902 et 1902-1903) ont été particulièrement rigoureux : le thermomètre a accusé, à plusieurs reprises, plus de 30° au-dessous de zéro. L'hiver 1903-1904 est tout aussi rigoureux que les deux précédents.



J'ai l'honneur de faire appel, Monsieur le Ministre, à votre esprit de bienveillante pitié pour que vous demandiez au gouvernement de venir en aide à cette population si digne d’intérêt. Ces marins, ces ouvriers, ces travailleurs de la mer, après avoir lutté avec l'énergie qui leur est coutumière pour subvenir aux besoins immédiats de leur pauvre existence, sont vaincus aujourd'hui et à bout de ressources. La mer, marâtre, moins généreuse que la terre qui récompense ceux qui ont la constance de lui demander le pain quotidien, leur a refusé obstinément, pendant deux années de suite, une parcelle des richesses qu'elle roule dans ses flots et sans laquelle ils ne peuvent vivre. Ce n'est pas leur faute, et ce n'est pas leur faute, non plus, d’avoir lutté courageusement, comme ils savent le faire, qu'ils en sont réduits à la dernière extrémité.



Permettez-moi donc, Monsieur le ministre, de compter sur votre haute et particulière bienveillance pour que, dans un délai aussi rapproché que possible, des secours effectifs soient envoyés à ces braves gens, nombreux, qui défaillent, là-bas, de froid et de faim ; la colonie pauvre elle-même, étant hors d'état de leur venir en aide.



Avec mes plus vifs remerciements, je vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de mon respectueux dévouement.

Louis Légasse.




pays basque autrefois armateur labourd terre-neuve
ARMATEUR LOUIS LEGASSE



Interview de M. Légasse.



Dès le reçu de celte lettre, nous avons tenu à interviewer nous-même le délégué des îles Saint-Pierre-et-Miquelon, M. Légasse, qui est venu spécialement à Paris pour défendre les intérêts de ses élus, et obtenir les réformes nécessaires à l’organisation sérieusement démocratique de la pêche française dans les eaux de l’Amérique du Nord, ainsi qu'à l’administration de cet archipel, laquelle laissait beaucoup à désirer.



M. Légasse est âgé de trente-quatre ans. Nul mieux que lui n’était désigné pour prendre en mains la cause prolétarienne. Il est, en effet, lui-même fils et petit-fils de pêcheurs, arrière-petit-fils de marins, et, par les deuils de toute sa famille aussi bien que par le labeur de toute une vie, il est passionnément attaché à la cause des pêcheurs de Terre-Neuve. Son père, qui commandait la goélette la Jeune-Française, a péri en mer, à la tête de son équipage, sur les bancs de Terre-Neuve. Devenu lui-même armateur, et aimé de tous les matelots et ouvriers de Saint-Pierre-et-Miquelon, M. Louis Légasse vient d'être réélu, pour la troisième fois, délégué au Conseil supérieur des colonies par la population maritime et ouvrière de Terre-Neuve.



Voici ce que nous a déclaré M. Légasse :


Le prolétariat maritime.

"La lettre que je viens décrire à M. Doumergue est motivée amplement par ce fait que, depuis deux ans, les intempéries de l'hiver nord-américain ont dépassé tout ce que les pêcheurs avaient connu depuis de nombreuses années.


Le froid, qui est en moyenne de—10 degrés, est descendu jusqu'à — 35° en 1902 et en 1903. Il ne diminuera certainement pas cette année, si nous en jugeons par le douloureux courrier que je viens de recevoir.


Or, le froid est, pour nos compatriotes de Terre-Neuve, l'ennemi plus redoutable que l’Anglais ! L’hiver commence en octobre, à Saint-Pierre, el ne finit qu’en avril.


Si, du moins, la pêche était bonne, il y aurait du foin et du charbon dans les familles si nombreuses de nos braves pêcheurs, et l'on pourrait "parer au grain".



histoire emigration terre-neuve pêche morue
PÊCHE A LA MORUE
SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON DECEMBRE 1903



Mauvaises pêches.


Hélas ! la pêche est quasi nulle depuis deux années.


A peine si le petit pêcheur-côtier, embarqué sur son wary, a pu arracher à la mer, dans toute sa saison, quelques quintaux de morue (de quinze à vingt en moyenne).


Or, que vaut le quintal ? La morue sèche des "petits pêcheurs" a été vendue en moyenne 28 fr. 50 le quintal de 50 kilos. Cela fait, pour une campagne de pêche : 28 fr. 50 X 20 = 570 fr.


Concevez-vous cela ? Cinq-cent-soixante-dix francs, pour douze mois et pour deux chefs de famille ! Sans compter les frais d'armement du wary, etc., etc.


C’est la misère la plus noire pour le travail le plus ingrat. 



histoire emigration terre-neuve tempête
APRES UNE TEMPÊTE DE NEIGE
SAINT-PIERRE-DE-MIQUELON 1904



La vie des "petits pêcheurs".


En effet, vous, hommes des villes, représentez-vous, dans un pays sombre et sombre et glacé, des  Français comme vous, se levant toutes les nuits à trois heures avant l'aube, gagnant le large parmi les brouillards et la grosse mer, avec un morceau de pain noir et de beurre, un peu de tord-boyau ou de bière dans leur touque de grès pour ... ne rien pêcher jusqu'à deux heures après-midi en risquant continuellement leur vie et leur santé.


Voyez ces hommes, exténués de faim luttant pour leur vie et celle de leurs enfants qui les attendent dans leurs maisons ou cabanes de bois, espérant toujours une "bonne marée », et ne rapportant rien ou presque rien au logis !



Pas de "boëtte" ! 


A quoi donc attribuer l’insuccès des pauvres pêcheurs ?


L'an dernier, déjà, l'Action a signalé la détresse des sardiniers de Douarnenez et de toute la côte bretonne !


La cause est toujours la même, ici et là. C'est l’absence de l'appât qui cause l'absence de la récolte.


La "boëtte" manque. 


Qu’est-ce que la "boëtte ?"


 Vous le savez, la "boëtte" est l'appât dont se servent les pêcheurs pour attirer la morue au bout de leurs hameçons.


Cet appât se compose : 

1° du hareng au printemps (avril-mai) ;

2° Du caplan de mai à juin ;

3° de l'encornet (boëtte préférée par la morue) de juin à novembre.

4° Du bulot ou bigorneau, coquillage pêché sur les lieux mêmes ; 

5° du lançon et de la moule, abondante à Miquelon, mais utilisable seulement par le pêcheur-côtier.


Or, l'absence de la "boëtte" a plusieurs causes très différentes, les unes diplomatiques, les autres climatériques.



Le "bait-bill". 


Le gouvernement anglais de Terre-Neuve, avait fait une loi d’exception contre les pêcheurs français dont il craignait la concurrence. Il empêchait ainsi l'achat du hareng et du caplan nécessaires à la "boëtte".


Le nouveau traité franco-anglais ne nous a pas avantagés à ce point de vue. Au contraire !


Cédant nos droits sur le French Shore, nous n'avons pas su obtenir le retrait du bait-bill.


C'est une faute, et une grosse faute.


histoire emigration terre-neuve
BAIE DU FRENCH-SHORE
TERRE-NEUVE 1907



Le climat.


Restait l'encornet et le bigorneau


Le bigorneau, coquillage connu de tous les amis de nos côtes, a diminué parce qu'on l'exploite sur une trop grande échelle.


Quant à l’encornet, cette espèce de poulpe, préféré par la morue, se plaisait dans les eaux non glacées qui contournaient l'archipel et les bancs terre-neuvas. Depuis deux ans principalement, les hivers excessivement vigoureux semblent avoir congelé le Gulf-Stream lui-même.


Je ne vous en donnerai qu'une preuve, accessible à tous :


L’hiver dernier, notre vapeur postal, le Pro Patria, commandant Lafourcade, spécialement éperonné pour naviguer dans les glaces, y est resté 17 jours au lieu de 60 heures, durée normale des traversées, emprisonné qu’il gisait dans les glaces !


Le résultat, c'est que l'encornet ayant disparu, toute boëtte fait défaut, et. partant, plus de pêche de morue possible.


C’est la ruine des pêcheurs et la faillite de la colonie. 



Le péril de l’armement.


— Mais alors, demandons-nous à M. Légasse, ce ne sont pas seulement nos amis les "petits pêcheurs", ce sont aussi les armateurs qui sont atteints ?


— Certes ! L’armement à la grande pêche traverse une crise épouvantable. Les ruines commerciales s’accumulent. Il est temps d'aviser.



Les frigorifiques.


— Que comptez-vous donc faire ? 


— Puisque l'accord franco-anglais exclut le retrait du bail-bill, il n'y a plus qu'une façon de se procurer la "boëtte".


C'est l'établissement d’appareils frigorifiques conservateurs de la "boëtte", qui peut seule sauver la situation.


En effet, les frigorifiques pourraient conserver le hareng pêché dans la Manche et la mer du Nord, offrir ainsi un débouché aux campagnes fructueuses de la Normandie et du Pas-de-Calais et servir à tous les armements métropolitains de Fécamp, Dieppe, Granville, Saint-Malo, Cancale, Bayonne, etc. 


Les frigorifiques pourraient encore être utilisés à Saint-Pierre-et-Miquelon, où la boëtte, venue du French Shore des îles la Madeleine, et de Sydney (Cap-Breton) ou pêchée par nous-mêmes dans les eaux internationales de la côte Sud. serait conservée dans des appareils spéciaux à la disposition de tous les pêcheurs.



Concours nécessaire de la République


Mais ici, les difficultés financières apparaissent. Le concours du Gouvernement de la République nous devient indispensable, et d'ailleurs il nous est promis. L'armement de la Grande Pêche n'a plus, comme je viens de vous l'expliquer, les ressources suffisantes pour faire face aux dépenses inévitables.



Secours immédiats au prolétariat


Mais tout cela est de l'avenir... Pour le présent, le prolétariat maritime n’a ni pain ni charbon.


Saint-Pierre est couvert de glace. Il faut aviser d'urgence. Le Gouvernement de M. Combes, si dévoué au peuple, ne peut pas refuser d'intervenir... 



homme politique france president conseil ministres
COMBES EMILE
PRESIDENT CONSEIL MINISTRES
DE JUIN 1902 A JANVIER 1905 


Ma lettre, déclare M. Légasse, a précisément pour but d’obtenir l’aide du Gouvernement après un vote du Parlement.


Il y a le précédent des pêcheurs de Douarnenez qui. l'an dernier, ont obtenu les secours nécessaires. 


Au tour de Terre-Neuve, maintenant ! 


Il y a là des pêcheurs bretons, basques, normands, tous fils du prolétariat français, qui attendent de la République Sociale le concours auquel leur labeur acharné et leur dévouement républicain leur donnent droit.


Cinq cent mille francs au moins sont indispensables pour atténuer les effroyables effets d'une fatalité supérieure aux efforts humains.


Ces cinq cent mille francs, qui seront mis à la disposition du gouverneur de Saint-Pierre, seront, par ses soins, équitablement répartis, soit en nature, soit en espèces, entre tous les marins et tous les ouvriers prolétaires de l’archipel, qui m'ont délégué au Conseil supérieur des Colonies.


Je serai là pour m’assurer que l’œuvre aura été menée à bien dans l’intérêt de tous, et j’espère qu’avec le concours de tous les républicains du Parlement et de la Presse, j'obtiendrai pleine et entière satisfaction.



Conclusion.


En nous quittant, M. Louis Légasse nous remet un exemplaire de son ouvrage sur la Situation et l'Avenir économiques des îles Saint-Pierre et Miquelon, où se trouvent développées toutes les réformes que nous venons simplement d’esquisser aujourd'hui.


L'Action, qui s’est déjà, l'an dernier, préoccupée avec succès de la misère des pêcheurs de sardines dans la baie de Douarnenez aura incessamment l'occasion de revenir sur cette dramatique situation de Terre-Neuve, et fera tout pour obtenir les sanctions nécessaires."




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vendredi 23 avril 2021

LES BASQUES À SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON AUTREFOIS (deuxième et dernière partie)

 

LES BASQUES À SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON.


C'est sur un territoire de 242 km2,  composée de deux îles principales : Saint Pierre et Miquelon, à vingt kilomètres du Canada avec Terre-Neuve, et ses célèbres bancs de morue que s'est constituée cette huitième province Basque, non officielle.



pays basque avant
ARMOIRIES ST PIERRE ET MIQUELON


Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Ce Soir, le 22 mai 1938, sous la plume de Louis Parrot :



"...Pendant tout le 19e siècle, Saint-Pierre fut le rendez-vous des pêcheurs de morue. Centre de ravitaillement des marins français des grands bancs, Saint-Pierre était aussi un entrepôt ; on venait y décharger le poisson que de longs courriers transportaient ensuite à Bordeaux.



Hélas ! un jour, on vit venir de l'Est de grands trois-mâts et des chalutiers à vapeur. Ils emportaient assez d'approvisionnement pour s'abstenir de faire escale à Saint-Pierre. Avaient-ils besoin de charbon ? Ils allaient à Sydney, en Nouvelle-Ecosse. Les relâches à Saint-Pierre se firent plus rares. Les gros bateaux oublièrent que toute une colonie allait se trouver à peu près sans ressources. La pêche locale, poursuivie avec des moyens réduits, devint de plus en plus difficile : les bancs de morues se déplaçaient et remontaient vers le Nord. Les industries annexes ne pouvaient plus concurrencer leurs rivales canadiennes ou terre-neuvoises.



déclin saint pierre et miquelon
LE GRAND COLOMBIER 1938



Et lentement le déclin de la pêcherie amena son inexorable conséquence : la population décrut ; de 6 000 habitants, elle tomba à 4 000. On s'exilait. Des petits groupes de Saint-Pierrais vinrent se fixer à New-York et à Montréal. Les fabriques de doris fermèrent leurs portes et, pour comble de malheur, le poisson déserta les abords de l'île.



Les gangsters du rhum.



Mais la providence des insulaires sans travail et des marins inoccupés veillait : elle intervint en faveur de Saint-Pierre sous une forme inattendue. Un jour, on décréta en Amérique que l'usage de l'alcool était interdit. Le temps de l'Amérique sèche commençait ; celui de la misère de notre colonie prenait fin.



Les rum-runners. Ce furent les vrais sauveurs de l'archipel dont ils transformèrent les moindres logis en réserve clandestine. Pendant plusieurs années, Saint-Pierre fut le véritable entrepôt de l'alcool destiné, aux multiples organismes de la contrebande américaine. 


bateau canada prohibition
RUM-RUNNER


Les chalutiers avaient disparu et les trois-mâts ne venaient plus à Saint-Pierre que par accident, mais à leur place on vit accoster sur les quais depuis longtemps déserts des bateaux plus rapides, mieux équipés, non plus pour la pêche cette fois, mais pour le trafic des spiritueux. Les rum-runners avaient trouvé dans ce territoire français un lieu idéal pour y entreposer leur marchandise avant de la répartir aux divers ports américains.



Les barillets de rhum avaient pris la place des cargaisons de morue. Source d'énormes profits dont devaient bénéficier autant les Saint-Pierrais que l'administration de la colonie. Les bootleggers, non seulement venaient se ravitailler à Saint-Pierre et dépenser largement les dollars si facilement gagnés, mais les douanes prélevaient des droits fort élevés sur toutes les liqueurs entreposées. Malgré la concurrence forcenée que lui faisaient Cuba et la Jamaïque pour qui les gangsters du rhum constituaient une clientèle idéale, Saint-Pierre-et-Miquelon s'enrichit rapidement.



A trente francs de droits par caisse de douze bouteilles d'eau-de-vie, calculez ce qu'encaissa la colonie qui dut faire construire de nouveaux entrepôts devant l'importance croissante du trafic.



Cette époque bienheureuse marque la renaissance de la colonie. On fit des réparations urgentes aux maisons que l'on aménagea contre le froid. L'administration mit plus de vingt millions de côté. Elle fit draguer le port, construire des jetées, élever des entrepôts et de nouveaux magasins.



Puis, un jour, tout s'écroula : la loi sur l'interdiction de la consommation de l'alcool était abrogée.



Lorsque les Saint-Pierrais déposèrent à bord du dernier rum-runner leur dernière bouteille de spiritueux, ils se retrouvèrent dans une situation encore plus pénible qu'auparavant : depuis plusieurs années, on ne fabriquait plus de bateaux. Et d'ailleurs, même s'ils avaient voulu reprendre leur ancien métier, les pécheurs de Saint-Pierre se fussent heurtés à un nouvel obstacle : le contingentement avait été ordonné entre temps. Il fallait réduire le chiffre de la pêche à la morue.



Que pouvait-on faire pour donner à la colonie les ressources indispensables ? On ne trouva rien tout d'abord et, en attendant mieux, on inscrivit Saint-Pierre-et-Miquelon sur les listes de chômage.



député bretagne
MICHEL GEISTDOERFER 
DEPUTE DES CÔTES-DU-NORD


M. Michel Geistdoerfer reprend ici la parole :



— L'équilibre budgétaire dans lequel se maintenait avant-guerre la colonie était assuré par deux activités : la grande pêche en goélette au large de Terre-Neuve et la pêche côtière, dans des pinasses.



"Aujourd'hui la métropole est obligée de rétablir cet équilibre en donnant dix millions de francs par an pour empêcher les Saint-Pierrais de mourir de faim, mais si l'on tient compte que 80 des denrées de première nécessité que doivent se procurer les habitants sont achetés aux Etats-Unis, on devine que la situation n'est guère brillante, dans ce pays où le coût de la vie est à peu près le double de celui que l'on connaît en France."



"Aimez-vous la crème d'oursin ?"



"Pour remédier à cet état de choses, trois projets ont été élaborés : ils portent sur les possibilités de l'archipel : pêche, industries annexes et, depuis peu, aviation.



En même temps, que l'on essaie de redonner à la pêche loin des îles un nouvel essor, nous fomentons la reprise des industries annexes. La pêche aux harengs que l'on avait délaissée pendant longtemps va recommencer à alimenter l'industrie de la farine de poisson.



Une nouvelle industrie est en pleine voie de formation : celle de la crème d'oursin. Un Saint-Pierrais, le docteur Lebolloc, a mis au point un procédé nouveau de conservation de la "pâte d'oursin". La crème d'oursin a fait depuis quelque temps son apparition dans les meilleurs restaurants new-yorkais où, assure-t-on dans les milieux astronomiques de la capitale américaine, elle ferait bientôt une sérieuse concurrence au caviar. 



Les pouvoirs publics encouragent également la. renaissance de l'élevage du renard argenté. J'ai visité dans l'île Saint-Pierre deux ranches actuellement en pleine prospérité. De l'avis des connaisseurs, le renard argenté de Saint-Pierre est plus beau que les plus beaux spécimens canadiens.


renard argenté saint pierre et miquelon
RENARD ARGENTE
ST-PIERRE ET MIQUELON


Ce qu'il importe enfin de créer, c'est une atmosphère de sympathie à ces îles qu'une légende néfaste a toujours peintes arides et inhospitalières. Par la mélancolie de son ciel, ses vallées, ses sites pittoresques, Langlade rappelle la Bretagne. Pendant les trois mois de la belle saison, son climat est celui de la côte française et l'on s'y baigne en plein été."



Et puis, a-t-on songé que la France a envisagé la construction à New-York, pour l'Exposition Internationale de 1939, d'un village français ? Ne pourrait-on suggérer d'en construire une annexe à Langlade, terre française ? Un mouvement de curiosité pour notre archipel peut susciter l'organisation de croisières et faire connaître nos îles à de nombreux visiteurs qui trouveraient là, non pas des vestiges, mais une tradition admirablement conservée.



Mais ce qui doit donner à Saint-Pierre une importance énorme et une prospérité durable, c'est l'aviation commerciale.



St-Pierre-Et-Miquelon base idéale.



Vingt-cinq millions de francs. Telle est la somme qu'il faudrait envisager pour faire de Saint-Pierre une base aéronautique de premier ordre. Il y a quinze jours à peine que ce projet était déposé à la commission.



Contrairement à ce qu'a répandu une opinion mal informée, Saint-Pierre réunit toutes les conditions géographiques et météorologiques pour être une base idéale, bien supérieure à celle de Terre-Neuve.



— Au mois de juin dernier, poursuit M. Geistdoerfer, nous avons déjà posé, à Saint-Pierre et dans le Nord de Miquelon, des bouées qui permettent aux grands hydravions de s'amarrer. Actuellement, les ministères intéressés étudient l'équipement complet de notre archipel au point de vue aéronautique.



"Des essais ont déjà été faits : ceux du Clipper III américain et du Caledonia anglais qui ont fait quatre voyages avec succès l'été dernier par la ligne du Nord.



Pour la France, des essais devaient être tentés par le Lieutenant-de-Vaisseau-Paris. Vous savez les circonstances qui les ont fait remettre à une date ultérieure. Mais le Parlement a voté des crédits pour le matériel qui nous permettra de ne pas nous laisser distancer. Quant à la supériorité de Saint-Pierre sur les autres bases voisines, notamment sur Botwood, il nous suffit de savoir que, depuis deux siècles, jamais les environs de notre archipel n'ont été pris dans les glaces, alors que les bases de Terre-Neuve et du Canada le sont plusieurs mois par an.


hydravion terre neyve
HYDRAVION LIEUTENANT-DE-VAISSEAU-PARIS



Ce n'est donc pas du déclin de notre archipel américain qu'il faut parler, c'est de sa toute prochaine résurrection."



(Source : http://smallstatebighistory.com/growing-spindrift-narragansett-bay-1930s-world-war-ii/ et http://grandcolombier.com/category/article-presse/)




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mardi 23 mars 2021

LES BASQUES À SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON AUTREFOIS (première partie)

LES BASQUES À SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON.


C'est sur un territoire de 242 km2,  composée de deux îles principales : Saint Pierre et Miquelon, à vingt kilomètres du Canada avec Terre-Neuve, et ses célèbres bancs de morue que s'est constituée cette huitième province Basque, non officielle.



pays basque avant emigration terre neuve
ARMOIRIES ST PIERRE ET MIQUELON


Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Ce Soir, le 22 mai 1938, sous la plume de Louis Parrot :



"Une colonie française allait mourir.



La vieille et glorieuse escale des morutiers aux côtes d'Amérique.



Saint-Pierre et Miquelon seront sauvées si l'on veut bien en faire des bases pour l'aviation maritime...et si la crème d'oursin supplante le caviar sur la table des gourmets.



Dinan, 21 mai (par téléphone).



— Pour les marins normands et bretons, pour les pêcheurs basques qui s'en furent, dès les débuts du XVIe siècle, à la conquête de nouveaux continents, de l'autre côté de l'Océan, la capitale de la France n'était pas Paris. C'était Brest, Saint-Malo, Coutances...



Les terres qu'ils découvrirent et sur lesquelles ils se fixèrent portent aujourd'hui encore des noms semblables à ceux des rivages de France. Dans cet immense empire de la brume et des glaces, on parlait autrefois d'une ville mystérieuse, Brest, chef-lieu de la Nouvelle-France, capitale bretonne du Labrador où vivaient, vers 1600, quelques milliers de pêcheurs et de marchands.



Le Bulletin des Iles de la Madeleine, publié à Cap-aux-Meules en langue française à l'usage de sept à huit mille Madelinots, parle parfois de ces anciennes capitales des îles franco-américaines.



Depuis longtemps, la vraie capitale des possessions françaises du Nord de l'Amérique n'est plus Québec ou Montréal, c'est aujourd'hui Dinan.



On s'étonnerait de ce que la vieille ville d'Anne de Bretagne, cette curieuse cité bretonne aux rues tortueuses, aux vieilles églises, aux remparts dressés sur l'admirable vallée de la France, ait quelque lien avec ces îles lointaines, si l'on ne savait que leur "administrateur spirituel" n'est autre que le maire de la ville, M. Michel Geistdoerfer. Député des Côtes-du-Nord et président de la commission de la Marine marchande à la Chambre, M. Geistdoerfer représente également Saint-Pierre-et-Miquelon au Conseil supérieur de la France d'outre-mer, dont il est le vice-président. Dinan qu'il administre depuis des années doit à cet homme débordant d'activité la création de maintes œuvres sociales et d'un splendide aéroport. Demain, notre colonie américaine lui devra peut-être sa résurrection.


député bretagne
MICHEL GEISTDOERFER 
DEPUTE DES CÔTES-DU-NORD



Sant-Pierre-et-Miquelon ! Souvenirs d'école...



Pour l'enfant amoureux de cartes et d'estampes, ces deux noms n'évoquent rien d'autre que deux minuscules points noirs sur la planisphère et deux mots soulignés d'un trait rouge pour indiquer qu'il s'agit bien des colonies françaises.



S'il veut des renseignements plus complets, les dictionnaires lui apprendront que ces colonies ont une superficie de 2 800 hectares, que quatre mille âmes y vivent dans une situation fort précaire et que, tout compte fait, il ne s'agit là que d'îlots perdus.


emigration basque terre neuve
CARTE DE TERRE-NEUVE


Ilots perdus ? Seraient-ils perdus pour la France ? On croirait que ces deux îles, ces deux fragments de notre territoire national se sont tellement éloignés de la côte française, qu'ils ont disparu un jour dans les brumes et que nous les avons définitivement perdus de vue. Mais regardez la carte. Les côtes déchiquetées de Terre-Neuve, de ce continent glacé qui pèse de tout son poids sur elles, ressemblent tellement aux côtes de Bretagne qu'elles en ont pris jusqu'aux noms : baie des Trépassés, cap Frehel, Belle-Ile...



Sans doute, Saint-Pierre-et-Miquelon devaient appartenir au même archipel que Belle-Ile et qu'Ouessant. Ce n'est pas de leur faute si elles ont eu l'imprudence de dériver si loin, s'il faut un bon mois pour toucher l'archipel, après être descendu au Canada, s'être embarqué pour Terre-Neuve, avoir parcouru 600 kilomètres en chemin de fer et pris à Saint-Johnes la chaloupe à vapeur qui vous met, deux heures plus tard, à la hauteur de l'Isle-aux-Chiens, copie minuscule et parente pauvre de l'île Saint-Pierre. Ce n'est pas de leur faute, non plus, si les pouvoirs publics ont oublié qu'elles sont une de nos plus anciennes colonies, depuis plus longtemps françaises que certaines de nos provinces les plus françaises.



Et puis, des bruits ont couru.



On a dit, on a publié que devant l'impossibilité où la France se trouvait de faire vivre la colonie, on allait déporter, rapatrier — si l'on ose dire — ces quatre mille Français, descendants des Basques, des Normands et des Bretons qui la colonisèrent voici bientôt trois siècles. Des esprits malveillants, ou intéressés, ont laissé entendre, voici déjà trois ans, que la France avait demandé an Canada de lui concéder une enclave pour y établir les Saint-Pierrais. Certains autres ont prétendu que la population serait, sons peu, invitée à se rendre sur d'"autres terres de colonisation".



Ce serait mal connaître la France que de lui prêter d'aussi ridicules intentions. A l'heure où une véritable "course aux îles" met aux prises les pays d'Occident, pour qui la possession du moindre rocher représente la possibilité d'un relais aérien, d'une escale, la France abandonnerait Saint-Pierre, "désaffecterait" ces îles et donnerait ainsi raison à ceux qui lui dénient toute qualité de puissance colonisatrice?



Il ne peut en être question. 



— Au contraire, m'apprend M. Michel Geistdoerfer que je rencontre ce matin devant cette chambre des métiers de Dinan qu'il a fondée, nous allons sauver notre colonie de la déchéance qui la guette. On a trop ignoré, en France, quelle était la situation économique de nos deux îles, les seuls restes de notre empire d'Amérique du Nord. Ruine, misère, chômage.. tous les malheurs sont venus à la fois. Mais, nous allons y remédier d'urgence. Tenez, voici le programme sur lequel nous nous sommes arrêtés et qui devra être exécuté sans retard.



emigration basque breton normand
DRAPEAU DE ST PIERRE ET MIQUELON



Le Quai des Brumes.



— Où est-elle, monsieur, nous disait un Saint-Pierrais, l'époque où l'on buvait du champagne à même les tonneaux ! C'est bien fini maintenant. Tout ça c'est de l'histoire ancienne...



De fait, la colonie a une histoire; cela vaut dire qu'elle a connu des jours malheureux, des heures funestes mêlées à des heures glorieuses, des années sombres et des moments de prospérité. Mais ces derniers ont été toujours les plus courts... Depuis plus de 250 ans que nous appartient l'archipel, la chronique saint-pierraise ne compte plus les catastrophes économiques et les infortunes militaires : nos amis les Anglais y firent de fréquentes incursions et, à plusieurs reprises, de longs séjours.



En 1793, leur flotte s'empara de Saint-Pierre. Toutes les maisons furent détruites : dans la crainte qu'elles ne fussent rapidement reconstruites, on emporta les matériaux et cet arbre de la Liberté que les sans-culottes saint-pierrais venaient de planter devant la maison commune, un beau sapin qu'ils étaient allés chercher à Terre-Neuve, car il n'y avait pas d'arbres à Saint-Pierre.


emigration basque terre neuve
CARTE ST PIERRE 1793


Mille cinq cents habitants furent déportés à Halifax. Trois familles seulement demeurèrent dans l'île. Mais, en 1815, la colonie redevint française et les habitants reparurent sur des goélettes toutes neuves et rebâtirent Saint-Pierre et Langlade."



A suivre...




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jeudi 25 février 2021

LA PÊCHE À LA BALEINE ET À LA MORUE PAR LES BASQUES EN 1837 (deuxième et dernière partie)

 

LA PÊCHE À LA MORUE ET À LA BALEINE EN 1837.


Les Basques ont pratiqué pendant des siècles la pêche à la morue et la pêche à la baleine.



pêche baleine morue
BALEINIER RUBENS LE HAVRE 1837


Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Le Moniteur Industriel, le 17 août 1837 :



"De la pêche de la baleine et de la morue.



...Pêche de la Morue. 


— Cette pêche est trop connue pour que nous puissions entrer dans de grands détails à ce sujet ; personne n’ignore les bénéfices qu’elle procure à ceux qui s’en occupent et que cette pêche modeste fut l’élément de la prospérité et de la puissance de la Hollande. 



Il y a la petite et la grande pêche. 



La grande pêche se fait sur les côtes de l’île de Terre-neuve et aux îles de St-Pierre et de Miquelon. C’est la que l’on prépare la morue sèche, ainsi désignée, parce qu’elle est salée et séchée dans des établissements temporaires établis sur les côtes pour lui faire subir cette préparation. Cette morue va ordinairement approvisionner nos colonies et les contrées catholiques du midi de l’Europe.



economie pêche morue baleine
TRANCHAGE DE LA MORUE
ST PIERRE ET MIQUELON



La petite pêche se fait sur le banc de Terre-Neuve dans le golfe St-Laurent, au Dogger’s ban, sur la côte d’Islande. L’on y pêche la morue verte ; c’est celle qui, après avoir été salée, est chargée en grenier. 



economie pêche morue baleine
UNE BELLE MORUE
TERRE-NEUVE



Il y a des navires de toute espèce employés à cette pêche. Il y en a de 80 à 200 tonneaux et de 20 à 100 hommes d’équipage. Les Anglais et les Malouins ont des bâtiments de 600 tonneaux et de 200 hommes.



Il est de la plus grande importance que les capitaines employés au grand-banc aient une connaissance parfaite des bas-fonds des bancs de sable de ces parages, afin qu’ils puissent choisir ceux qui sont les plus poissonneux. Les capitaines qui possèdent ces connaissances pratiques reviennent toujours avec des cargaisons complètes, tandis que les autres n’en ont souvent que la moitié.



Les morues arrivent à des époques fixes et on dirait que les glaces du pôle sont un réservoir intarissable où la Providence tient en dépôt ces colonnes immenses de poissons qui apparaissent périodiquement à la surface des mers pour servir à la subsistance de l'homme. Les morues, très  nombreuses dans le nord, deviennent de plus rares en se rapprochant du midi ; il y en a sur les côtes de France beaucoup plus que sur celles d’Espagne et de Portugal et elles sont très rares dans la Méditerranée.



La Restauration accorda à la pêche de la morue comme à celle de la baleine des encouragements sagement prodigués. Il fut alloué 50 fr. par voyage à chaque homme et 24 a 10 fr. par quintal métrique de morue exporté aux colonies ou à d’autres destinations.



Ces mesures ont eu pour résultat d’assurer l'état prospère et progressif de cette pêche qui, en 1836, employait plus de 450 navires. Les armements se font en première ligne par St-Malo et Dunkerque, et après ces ports viennent ceux de Granville, St-Valery, Le Havre et Nantes.



economie pêche morue baleine
PESAGE DE LA MORUE FECAMP



Les détails dans lesquels nous venons d’entrer ont eu pour objet de rappeler la haute importance que l'on a dans tous les temps attachée aux grandes pèches maritimes et les efforts des nations commerçantes pour s’emparer de cette grande industrie ou pour la conserver En 1738, la guerre qui éclata entre l’Angleterre d’une part et la Hollande et ses alliés de l’autre, eut pour cause unique la possession des pêcheries du Labrador et du Groenland. En 1792 les pêcheurs anglais ayant pénétré jusqu’à Nootka-Sund, les Espagnols alarmés coururent aux armes et si l’attention de l'Europe n'eut été absorbée par les préludes du grand drame de notre révolution, la guerre eût éclaté.



Nous ayons voulu aussi constater par des faits et des comparaisons la situation relative de la France et des puissances qui courent la même carrière, la distance où elle est de ses émules dans la lice quelle elle parcourt. Nous avons voulu aussi frapper les esprits du patriotique intérêt qui s'attache à une industrie qui semble en quelque sorte agrandir le territoire en fertilisant les eaux qui l’entourent ; car on peut dire avec vérité que la pêche est à la mer ce que l'agriculture est à la terre : elle la rend productive ; elle enrichit des contrées pauvres ; elle forme une pépinière de matelots endurcis, courageux, infatigables ; elle est enfin une des sources les plus abondantes de la subsistance des peuples.



La compagnie de pêche formée par MM. Hérout et Peynaud est une grande pensée ; nous avons examiné avec une scrupuleuse attention le mécanisme de cette entreprise et nous déclarons avec une profonde conviction que nous n'en connaissons pas dont les résultats financiers puissent offrir des avantages plus positifs ; et, en même temps, qu’il n’y en a aucune qui se recommande, à de plus justes titres, à la sollicitude de tous les hommes qui ont un peu à cœur la prospérité du pays.



L'on est surtout frappé de la prudence qui caractérise l’ensemble et les détails de cette entreprise. On voit que les fondateurs ne sont pas de ces enthousiastes rêveurs qui courent après des chimères, il est facile de reconnaître des hommes pratiques, calmes et réfléchis, qui ont étudié à froid toutes les nécessités de leur plan avant de le proposer, et leur langage simple et modeste ne ressemble guère, il faut l’avouer, à celui de ces brillants et pompeux programmes d’entreprises qui viennent si souvent nous éblouir de leur éclat et de celui de leur chute.



Il n’existe pas en France une compagnie générale de pêche et pourtant aucun pays n’offre des circonstances plus favorables à sa formation, à cause de la facilité et de l’étendue des débouchés.



Les auteurs du projet exposent d’une manière fort claire les principes de l’association qu’ils proposent. Voici comment ils s’expliquent à cet égard :


"Les armements pour la pêche de la baleine et de la morue se font en général aujourd’hui par des armateurs des villes maritimes, et cependant ces expéditions donnent ordinairement des bénéfices d’autant plus considérables et plus certains, que les armements se font sur une plus grande échelle ; car, dans ce dernier cas, les chances se trouvent réparties sur un plus grand nombre de navires, et un sinistre qui aurait ruiné une petite expédition ne porte qu’une légère atteinte à une opération d'une certaine importance.



Cette considération a déterminé en grande partie notre entreprise. Nous avons pensé que la division des chances de perte et de gain ne se trouvait nulle part mieux établie que dans une grande compagnie ; et comme l’expérience prouve que la multiplicité des risques et la division des chances sont les conditions les plus favorables pour la réalisation de grands bénéfices, une association de l'ordre de celle que nous créons doit par conséquent posséder des éléments qui ne sont point à la disposition des simples armateurs. Les opérations prises en masse offriront une certitude de succès qui est fondée sur une longue série de voyages distincts, et qui pris en totalité présentent des bénéfices considérables, avec cette circonstance que plusieurs de ces voyages auraient ruiné les armateurs, précisément parce qu'ils avaient confié leur fortune à un seul navire."



En 1816, à la reprise des armements pour la pêche de la baleine, le Havre donna l'exemple, Nantes suivit immédiatement et Bordeaux un peu plus tard. Les deux tiers des armements se font maintenant au Havre et cette ville est, en France, le centre de celle industrie. Si ses premiers essais ne furent pas toujours heureux, ce fut parce que les armement étaient faits d’une manière trop dispendieuse et que l'on manquait de capitaines expérimentés, conséquence nécessaire de la suspension de notre navigation maritime depuis 25 ans ;  ainsi un seul de ces voyages malheureux suffisait pour amener une liquidation onéreuse, le découragement et l’abandon.



Une compagnie n’aurait point été exposée à ces inconvénients ; elle ne se serait pas rebutée d'un premier échec, elle n’en aurait point été accablée ; elle aurait montré plus de persévérance et un voyage malheureux aurait été compensé par d’autres plus heureux.



II faut également placer au nombre des avantages d'une compagnie celui de posséder des navires avec leurs apparaux et ustensiles qu'elle ne vend point à la fin de la campagne, qu’elle conserve et entretient, ce matériel restant disponible pour de nouveaux voyages, les frais de réarmement deviennent à peu près nuls.



Les primes seraient aussi un élément des succès, puisqu'elles sont assez fortes pour avoir déterminé des armements dans la seule expectative d'en recueillir les bénéfices. Mais la compagnie doit surtout se confier à la bonne combinaison de ses opérations, les primes devant cesser en 1842, à moins cependant qu’elles ne soient de nouveau prolongées. En Angleterre elles on été abolies en 1824 ; mais la pêche anglaise était alors assez robuste pour se passer de cet appui ; la pêche française sera-t-elle en 1842 dans les mêmes conditions ? c'est ce qu’il serait difficile de prévoir.



La compagnie excitera l’émulation par des distributions de prix annuels aux officiers et aux hommes qui se seront le plus distingués. Elle placera sur chaque navire au moins quatre élèves de 14 a 16 ans, qui seront entretenus, instruits à terre comme à la mer jusqu'à l'âge de 21 ans, de manière à pouvoir devenir officiers au terme de leur engagement.



Depuis dix ou douze ans les expéditions du Havre pour la pêche de la baleine ont été constamment heureuses. Les voyages qui n'ont pas réussi doivent être considérés comme des exceptions, la règle est le succès. 



Sur 109 voyages exécutés au Havre pour la pêche de la Baleine jusque à la fin de janvier 1836, dix opérations seulement ont été mauvaises ; le résultat de ces armements a donné une moyenne de 1 645 barils d'huile par navire, et en prenant ce chiffre pour base d'évaluation des opérations de la compagnie de pèche on trouve qu'après avoir payé un intérêt de 5 % à ses actionnaires, elle donnera un bénéfice de 30 %, et si les retours étaient égaux a ceux des baleiniers bien armés du Havre, le bénéfice s'élèverait a 50 %.



Une maison bien connue, du Havre, propriétaire de 7 à 8 baleiniers, a gagné des sommes énormes ; d autres maisons ont 4, 5 et 6 baleiniers chacune, quelques uns de ces navires ont donné jusque à 120 % de bénéfice, d’autres 60 à 70 %, si ce n’est un seul qui n'a presque rien rapporté parce qu'il était commandé par un capitaine sans expérience.



Ce sera donc sur le bon choix des capitaines et des équipages que reposera le succès de cette entreprise. C’est ce motif qui a déterminé la mesure de ne faire des armements et de n’employer les capitaux que successivement.



L’on a établi à l'appui de la combinaison de cette entreprise des calculs dont nous nous bornons à donner les résultats :


1° D'après les prospectus d’armement pour la pêche de la morue au Banc de Terre-Neuve, d'un navire de 200 tonneaux opération basée sur quantité d’armements faits par une maison d’Honfleur ; depuis 1816, il résulte que les bénéfices seraient d'un peu plus de 18%.


2° D’après un compte simulé d’armement pour la pêche de la Baleine, d'un navire de 400 à 450 tonneaux, le résultat serait :

Pour une pêche entière de 300 barils, bénéfice 150 320 fr.

Pour une demi-pêche 150 barils , bénéfice 83 270 fr.


3° D'après des calculs établis sur le produit approximatif de la pêche de quatre navires baleiniers, en l’évaluant 1 645 barils d'huile pour chacun à 75 fr. par chaque voyage, le bénéfice net sera pour les quatre, de 304 710 fr.


4° Depuis le 1er février 1836 jusqu’au 31 juillet passé, il est entré dans le port du Havre 17 baleiniers...


Ces 17 navires, qui ont rapporté ensemble 29 755 barils d’huile donnent une moyenne de 1 750 barils pour chacun. Nos calculs  d’autre part sont basés sur une moyenne de 1 645 barils par navire.


5° Les navires baleiniers entrés depuis trois semaines au Havre, de retour de leur pêche, ont rapporté 36 000 barils d’huile."...



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