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jeudi 28 août 2025

LE FILM "GACHUCHA FILLE BASQUE" EN 1922 (sixième partie)

  

LE FILM "GACHUCHA FILLE BASQUE" EN 1922.


C'est un film muet, en noir et blanc, de 45 mn, réalisé en 1922 par Maurice Challiot et projeté pour la première fois le 9 février 1923.





pays basque autrefois cinéma gachucha
FILM GACHUCHA LA FILLE BASQUE 1922



Le scénariste de ce film est Charles Torquet.

La société de production est Natura Films.

Les principaux acteurs sont : Ninon Balzan, Hugues de Bagratide, Paulette Ray et Raoul Paoli.



Le synopsis de ce film est le suivant : Gachucha veut venger la mort de son frère, le contrebandier, qu'une dénonciation a envoyé en prison. Elle est fiancée à un honnête garçon, mais courtisée par un homme habile qui lui promet de livrer le mouchard s'il est choisi comme époux. Adroitement ce rival arrive à compromettre le fiancé de Gachucha...



Depuis 2017, je vous ai parlé de plusieurs films tournés au Pays Basque ou avec des histoires se 

passant au Pays Basque, tels que Euskadi (1936), l'Appel du stade (1941), la Robe Rouge (1933), 

Au Pays des Basques (1930), Emak Bakia (1925), le Pays basque espagnol (1931), Sinfonia Vasca 

(1936), El Mayorazgo de Basterretxe (1928), Im Lande Der Basken (1944), Odette (1928), Vicenta 

(1920), Le Mariage de Ramuntxo (1947), Gure Sor Lekua (1956), l'Athlète aux mains nues (1952), 

The Land of the Basques (1955), La Reine de Biarritz (1934), Haut-le-Vent ou Air Natal (1942),

Ramuntcho (1938), le film "Véronica" (1923) et le film "Gachucha fille basque" (1922).




Voici ce que rapporta au sujet du film "Gachucha fille basque" l'hebdomadaire Le Film Complet

le 6 mai 1923 :



"Gachucha par Jean Morlaix. — (Natura-Film).



pays basque autrefois cinéma gachucha
MLLE PAULETTE RAY GACHUCHA 


... Epris de liberté, lui aussi, avec l'amour-propre du marin qui ne veut pas subir la tyrannie du gabelou, ni celle du gendarme, il portait en lui un autre amour-propre plus aiguillonnant encore, celui de l'athlète qui ne peut consentir à être dominé. Il avait beau respecter la loi, on prétendait le contraindre et, cela, il ne pouvait le supporter. Il se défendit donc de toute son énergie. Ce fut un emmêlement de bras et de jambes qui semblait impossible à débrouiller.



Tout cela haletait, ahanait, se bourrait de coups. On entendait les chocs sourds, mêlés au froissement soyeux des respirations. Sous la première attaque, José-Miguel s'était trouvé terrassé. Quatre hommes d'un poids respectable pesaient sur lui de tout leur poids, en se cramponnant de toutes les forces. Par moment, sous une brusque détente du champion, tout le tas humain se soulevait d'un seul coup. Et puis, cela retombait et la bataille sourde, silencieuse, reprenait.



Une première fois, tous les assaillants se trouvèrent rejetés de quatre côtés différents, mais, s'il était brave, lui, ils étaient tenaces, eux.



— C'est égal, dit le plus grandes quatre, — un gaillard qui passait pour solide, parmi ses camarades, — il est pas facile à faire, celui-là. Ils nous ont envoyé sur Croquemitaine.



Les autres ne répondirent qu'en errant les dents. C'étaient de bons chiens de la société, bien décidés à faire tout leur devoir, quoi qu'il pût leur en coûter. Et lui, il n'était pas fort disposé o se laisser prendre.



Il était là, comme un cerf forcé qui regarde de tous côtés pour saisir un point faible, contre lequel foncer pour rompre le cercle d'assaillants qui l'entoure. Et puis, ils se rejetèrent tous quatre sur lui.



Le combat se prolongea longtemps, tant était grande la force de José. Il repoussait ceux qui l'empoignaient, s'en débarrassait successivement, mais ils revenaient sans cesse à l'assaut et il commençait à se demander s'il en viendrait à bout et s'ils n'allaient pas, tout à l'heure, l'emmener piteux et excédé. Il ne voulait frapper, sachant bien qu'un de ses coups de poing pouvait tuer et, quant à eux, sans doute émerveillés par l'indomptable énergie de cet homme, ils hésitaient à se servir de leurs armes, tant par générosité naturelle que parce qu'on leur recommande en général de prendre leur gibier vivant, autant que possible. En sorte que, des deux côtés, l'on ménagea l'adversaire, ce qui n'était pas pour raccourcir la lutte.



Enfin, José-Miguel, le temps d'un éclair, se trouva en dehors du cercle, ne subissant plus l'étreinte que du seul hercule des gabelous. Il était prompt à se retourner. D'un dernier et violent effort, il se débarrassa encore de celui-là et, tandis que les autres se relevaient, il prit sa course à travers la campagne.



Après un instant de surprise, les quatre limiers se jetèrent sur ses traces. Bien ménager de son souffle, l'athlète courait, les coudes au corps, mesurant ses foulées, veillant aux points où il posait les pieds. Le moindre faux pas pouvait le perdre. Il franchissait les barrières à la volée, allongeait son allure et se sentait, ainsi que disent les sportifs, "bien à son affaire". Les autres ne se décourageaient pas, mais il gagnait toujours un peu sur eux et l'espoir lui revenait de leur échapper.



Tout en courant, il réfléchissait que, s'il y parvenait, il n'avait plus qu'à quitter le pays dans la nuit même et passer à l'étranger, en Espagne. Après, on verrait. Il ne pensait même pas qu'il avait été trahi. Il estimait que les hommes de la douane, en tournée, avaient vu son bateau revenir imprudemment au soleil levé et que c'était la malchance qui les lui avait jetés sur le dos.



A ce moment, la poursuite ne se déroulait plus sur le bord de la mer. L'on avait gagné à l'intérieur des terres et il commençait à devenir plus aisé pour José de se défiler. Tout à coup, il se trouva sur le bord de la rivière, trop large et profonde à cet endroit pour être passée d'un saut ou bien à gué. Il entendait déjà au loin les cris de triomphe de ses poursuivants qui croyaient le tenir, car il n'aurait jamais le temps de remonter jusqu'au petit pont situé à une assez grande distance.



José-Miguel n'hésita pas. Il connaissait les lieux et les caprices de la rivière. Il piqua une tête, fila sous l'eau et n'en émergea qu'à quelques brasses de l'autre bord. Il fendait la rivière à beaux coups de bras réguliers. Au bord, il s'accrocha à un arbre, escalada la rive, vit du bois devant lui, et s'y enfonça, courant de nouveau de sa grande allure régulière nullement alourdie par ses vêtements mouillés. Quand les gabelous arrivèrent à la rivière, il y avait beau temps qu'il était disparu.



Il sortit du bois, traversa une prairie, et puis il vit devant lui un long mur qui n'en finissait pas et se prolongeait presque à perte de vue. José accéléra simplement l'allure. Parvenu à quelque deux mètres du mur, il s'enleva d'un coup de jarret d'une puissance inouïe.




Un spectateur qui se serait trouvé là l'aurait vu pour ainsi dire voler en l'air, filer comme une étoile dans une parabole magnifique, par-dessus le chaperon qui se trouvait bien à 1 m. 70 du sol.



Il retomba de l'autre côté, relativement tranquille pour un moment. Il était dans une cour de ferme. Il avisa un bâtiment divisé en deux parties, à la fois remise et étable pour les boeufs. Il entra précipitamment dans l'étable pour y reprendre haleine. Mais son repos ne devait être que de courte durée. Un instant plus tard, il entendit des voix. Ses poursuivants avaient senti qu'il ne pouvait être que dans cette ferme et, déjà, ils l'y cherchaient partout. Le coeur battant, il les entendit approcher de l'étable. Et puis, un bruit de porte charretière lui apprit qu'ils s'étaient introduits dans la remise et la fouillaient. Tout doucement, sans la faire grincer, il ouvrit la porte de l'étable, courut à un lourd char à boeufs qu'il saisit par le timon et, le manoeuvrant aussi aisément qu'une brouette, il l'amena devant la porte de l'étable, qu'il claquemura ainsi invinciblement. Les gabelous étaient pris. Au sortir de la ferme il vit un petit garçon qui s'amusait avec un chien.


— Si les gabelous te questionnent à mon sujet, dit-il, réponds que tu ne m'as pas vu.



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DIS AUX GABELOUS QUE TU NE M'AS PAS VU
FILM GACHUCHA LA FILLE BASQUE 1922





Enchanté d'être de connivence dans une affaire contre les gabelous, l'enfant promit volontiers.



Sa course le ramena vers la mer. Il contourna un village, arriva sur une jetée qui abritait un petit port et, n'y voyant point de bateaux, parut désappointé, bien qu'il eût dû professionnellement savoir qu'il en serait ainsi à cette heure de la marée. Alors, il hésita. Il ne savait plus très bien où il en était. Il respira, regarda derrière soi et reconnut qu'on ne devait plus le poursuivre. Sans doute, lorsqu'ils avaient pu sortir de la remise, les gabelous, ayant perdu la piste et ne pouvant la retrouver, avaient renoncé à la chasse. Maintenant, ils étaient en train de rentrer  bredouilles.



José n'était pas sauvé pour cela. On l'attendait chez lui. Ce n'était que reculer pour mieux sauter. Mais aussi, ne pas dire au revoir à Gachucha avant de s'enfuir ? Il promenait tristement son regard sur ces anses familières qu'il ne reverrait plus, quand un spectacle singulier arrêta sa vue. A quelque cinq cents mètres de lui, une femme, dont la tournure rappelait fort celle de sa fiancée, entrait à pas lents, tout habillée, dans la mer. La tête basse, elle avançait, avançait. Déjà elle avait de l'eau jusqu'aux épaules... Drôle de façon de se baigner !



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GACHUCHA ENTRE DANS LA MER
FILM GACHUCHA LA FILLE BASQUE 1922



Un nuage passa devant le soleil. Les reflets sur l'eau s'éteignirent et, à travers l'air devenu nettement transparent, l'oeil perçant du marin reconnut ou crut reconnaître Gachucha. Que faisait-elle ? Elle qui ne savait pas nager ! Quelle imprudence ! Puis, il n'eut plus le temps de réfléchir. Une impulsion irrésistible l'emporta. Il avait plongé et coupait l'eau de toute sa force et de toute sa vitesse.



Au vrai, Gachucha se noyait. Le résultat de ses réflexions était qu'après ce qu'elle avait fait, elle n'avait plus qu'à mourir. Froidement résolue, elle était entrée dans l'eau. Et voici qu'elle perdait pied, que la vague la balançait et qu'elle commençait à s'engloutir. L'instinct de la conservation, si puissant sur les êtres jeunes, se manifesta alors et elle se mit à se débattre.



Elle voulut crier : une gorgée amère lui emplit la bouche. Elle coulait. Mais, à quelque distance, fendant l'eau de ses bras puissants, José arrivait à temps. Encore deux brasses... Il dut plonger et la ramena à la surface avant qu'elle eût perdu conscience.



Au bord, il la porta dans ses bras jusqu'à un rocher où il l'assit, il n'eut que peu de soins à lui donner.. Tout de suite, elle revint à elle, le vit penché, poussa un cri et fondit en larmes. Il ne comprenait pas encore et, tendrement, l'interrogeait :



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JOSE PORTE GACHUCHA DANS SES BRAS
FILM GACHUCHA LA FILLE BASQUE 1922






— Mais... on dirait que tu as voulu te détruire, Gachucha. Es-tu folle ?



Elle secoua la tête et répéta la phrase qu'elle s'était dit à elle-même :


— Après ce que j'avais fait, je n'avais plus qu'à mourir !

— Quoi ? Quoi ? Qu'avais-tu fait ? demandait-il ardemment.

— Mendiaz m'avait dit que tu avais vendu Chico. Alors, j'ai aidé à te pousser dans un piège et, quand j'ai su ton innocence, j'ai voulu me punir.



Il eut un sursaut mais sourit aussitôt, plein d'indulgence pour la faiblesse des femmes :


— Mourir pour ça, Gachucha !



Et, souriant encore, il leva les épaules. Le sentiment de la situation lui revint :


— Tu es mouillée. Tu vas attraper du mal.



Il voulut la porter, mais, se sentant forte de nouveau, elle s'y refusa. De nouveau le soleil brillait, ardent, et elle s'y sécha convenablement ; puis ils partirent tous deux vers la ville, tandis qu'elle levait vers lui un regard d'admiration fervente, en disant :


— José, tu es aussi bon que tu es beau. Comment jamais te rendrai-je ta générosité, à toi qui devrais me détester !



Elle avait oublié Mendiaz, et lui, la poursuite des douaniers. Ils n'étaient plus qu'à leur mutuelle tendresse. Ils marchaient côte à côte, très heureux de se sentir encore plus attachés l'un à l'autre qu'avant la brève rafale qui les avait secoués. Par moments, Gachucha rompait le silence pour reprendre ses accusations contre elle-même et ses protestations de repentir et, la contemplant avec un sourire ravi, il lui disait bonnement :


— Laisse donc ça, Gachucha ; tu n'as rien fait de mal. Puisque tu me croyais sincèrement coupable, tu faisais bien d'agir comme tu as agi. C'était ton devoir de punir qui avait fait du mal à ton frère...



Il faisait quelques pas et ajoutait :


— Où tu as été un peu légère, c'est en me croyant coupable sans m'entendre. Tu n'aurais pas dû douter de moi...



Quelques pas encore, puis :

— ... mais je comprends bien : tu ne pouvais pas m'en parler. Si j'avais été coupable, cela m'aurait donné l'éveil et tout aurait été manqué... En somme, tu as agi comme il fallait agir. Tu as eu raison et.... et n'en parlons plus !

— Toi, pensait Gachucha, tu pourras te vanter d'avoir une femme qui t'aimera et qui ne doutera plus de toi. Après tout, c'est un mal pour un bien. Je n'aurai pas trop de toute ma vie pour payer la candeur de son amour à un homme pareil."



A suivre...





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lundi 28 juillet 2025

LE FILM "GACHUCHA FILLE BASQUE" EN 1922 (cinquième partie)

 

LE FILM "GACHUCHA FILLE BASQUE" EN 1922.


C'est un film muet, en noir et blanc, de 45 mn, réalisé en 1922 par Maurice Challiot et projeté pour la première fois le 9 février 1923.





pays basque autrefois cinéma gachucha
FILM GACHUCHA LA FILLE BASQUE 1922



Le scénariste de ce film est Charles Torquet.

La société de production est Natura Films.

Les principaux acteurs sont : Ninon Balzan, Hugues de Bagratide, Paulette Ray et Raoul Paoli.



Le synopsis de ce film est le suivant : Gachucha veut venger la mort de son frère, le contrebandier, qu'une dénonciation a envoyé en prison. Elle est fiancée à un honnête garçon, mais courtisée par un homme habile qui lui promet de livrer le mouchard s'il est choisi comme époux. Adroitement ce rival arrive à compromettre le fiancé de Gachucha...



Depuis 2017, je vous ai parlé de plusieurs films tournés au Pays Basque ou avec des histoires se 

passant au Pays Basque, tels que Euskadi (1936), l'Appel du stade (1941), la Robe Rouge (1933), 

Au Pays des Basques (1930), Emak Bakia (1925), le Pays basque espagnol (1931), Sinfonia Vasca 

(1936), El Mayorazgo de Basterretxe (1928), Im Lande Der Basken (1944), Odette (1928), Vicenta 

(1920), Le Mariage de Ramuntxo (1947), Gure Sor Lekua (1956), l'Athlète aux mains nues (1952), 

The Land of the Basques (1955), La Reine de Biarritz (1934), Haut-le-Vent ou Air Natal (1942),

Ramuntcho (1938), le film "Véronica" (1923) et le film "Gachucha fille basque" (1922).




Voici ce que rapporta au sujet du film "Gachucha fille basque" l'hebdomadaire Le Film Complet

le 6 mai 1923 :



"Gachucha par Jean Morlaix. — (Natura-Film).



... Mendiaz n'était pas au fronton. Il avait des occupations infiniment plus importantes et plus grosses de conséquences. Il avait gagné une partie déserte de la plage, il s'absorbait dans une besogne des plus singulières.



Avec des ciseaux, il découpait, dans un journal qu'il avait apporté, des caractères d'imprimerie, et il les collait soigneusement, à mesure, sur une feuille de papier blanc. Ce travail délicat lui donnait beaucoup de mal et, tout en le faisant, il suait et geignait. Ses doigts maladroits de toucheurs de boeufs s'y prêtaient mal et, n'eût été la récompense qu'il en attendait, il est probable qu'il y eût renoncé.



Quand ce fut fini, il regarda son oeuvre avec une grimace de satisfaction. 

Cela formait une lettre on ne peut plus anonyme, un chef d'oeuvre du genre. Cette façon de procéder d'une canaille était bien dans le caractère de cette race d'honnêtes gens. Le Basque est extrêmement méfiant et évite toujours avec grande attention de se compromettre. La lettre disait :

"Demain, le pêcheur José-Miguel reviendra de Fontarabie avec un ballot de contrebande. A bon entendeur..."



Il relut de près, s'approuva d'un affreux sourire. Si José-Miguel allait à Fontarabie — et, poussé par son amour pour Gachucha, il irait — son affaire était claire.



pays basque autrefois cinéma gachucha
HEBDOMADAIRE LE FILM COMPLET 6 MAI 1923
FILM GACHUCHA LA FILLE BASQUE 1922


Ces messieurs les gabelous, pensait-il, le cueilleront proprement et le mettront à l'ombre le temps que j'arrange mes petites affaires. J'ai quelques économies et, une fois marié à mon goût, rien ne m'empêchera de quitter le pays et, au besoin, d'émigrer pour aller faire fortune chez les Américains du Sud. Il faudrait qu'il allonge joliment le bras pour me prendre dans ses grosses pattes à sa sortie de prison !



Il avait plié le papier. Il le mit sous enveloppe et, quelques instants plus tard, il mettait la lettre dans la boîte de la douane. Il avait bien regardé autour de lui pour s'assurer de n'être pas vu. Mais la lettre accusatrice n'était pas au fond de la boîte qu'il voyait Mme Loris assise près de lui. Elle était arrivée sans bruit et s'était assise pour faire une étude. Elle l'avait vu.



Mendiaz éprouva une impression désagréable. On n'aime jamais à être vu en train de commettre une vilenie. Avoir pris tant de bonnes précautions pour se faire surprendre ainsi !... Mais, à la réflexion, il décida que cela n'avait aucune importance.


— Ce que je fais ne peut guère l'intéresser et ce n'est pas un sujet de conversation pour elle. A peine si elle me connaît ! Et puis, elle ne sait pas ce qu'il y a dans la lettre.



Au surplus, toujours prudent, il fila en se faisant le plus petit possible. Pourtant Mme Loris avait bien remarqué le personnage et, une fois de plus, elle se demandait où son attention avait été déjà attirée sur cette face sombre, creusée de plis. Cette petite scène banale d'un homme qui met une lettre dans une boîte lui rappelait quelque chose, elle ne savait trop quoi... Et soudain, quand l'homme eut disparu, elle se souvint des circonstances de leur première rencontre :


— Mais oui. C'était une nuit, au clair de lune, ici même ! Je passais pour rentrer chez moi et j'ai vu ce même homme faire exactement le même geste. Nous nous sommes croisés et j'ai été frappée par l'expression sournoise et méchante de sa physionomie... C'est étrange que Gachucha fréquente un pareil bonhomme, si différent d'elle et de son grand José !



Elle se mit à réfléchir aux curieuses coïncidences qui émaillent la vie. Puis, comme l'événement n'avait en soi nulle portée, à ce qu'elle croyait, elle l'oublia tout aussitôt et, s'installant, elle commença l'étude qu'elle était venue faire.



pays basque autrefois cinéma gachucha
HEBDOMADAIRE LE FILM COMPLET 6 MAI 1923
FILM GACHUCHA LA FILLE BASQUE 1922


La partie de pelote s'achevait, défaite glorieuse de José-Miguel par l'imbattable Chiquito. Mais le pêcheur avait été magnifique et les cris, les applaudissements qui le saluaient, lui prouvaient bien l'affection et l'admiration dans lesquelles le tenaient ses compatriotes.

 

A la sortie du fronton, il retrouva Gachucha qui l'attendait. Il s'étonna de l'air de fatigue qui couvrait le charmant visage. Il s'informa, très inquiet, tout comme l'avait fait la mère : 

— Tu es malade ?

— Mais non.

— Tu as l'air joliment fatigué. Tu travailles trop.

— Mais non. Un peu de migraine.


A ce moment, il se souvint. Son visage prit une expression d'ennui :


— Allons, dit-il, puisque tu le veux, il faut que j'aille à mon bateau. Il sera bientôt temps de partir pour Fontarabie.

— Eh bien ! va, dit-elle. Dépêche-toi...


Il lui jeta un léger baiser, du bout de sa main terrible. Elle le suivait du regard. Elle fut sur le point de le rappeler, mais elle se maîtrisa :

— Non, non, pensa-t-elle. Il faut !



Il marchait vers sa perte. Le bateau fut bientôt prêt. Sans l'aide de personne, il le mit à l'eau, embarqua, saisit les avirons dans ses mains robustes, sans aucun enthousiasme. C'était pour Gachucha, pourtant. Dorée par le soleil couchant, la barque diminua aux yeux de la jeune fille qui s'était avancée sur une pointe de rocher et qui eut le triste courage de lui faire de la main un "au revoir" sans sincérité, auquel il répondit de tout son coeur.




pays basque autrefois cinéma gachucha
HEBDOMADAIRE LE FILM COMPLET 6 MAI 1923
FILM GACHUCHA LA FILLE BASQUE 1922



Quand elle s'en retourna, elle se dirigea vers la campagne, en chancelant. Sans s'en douter, elle passa auprès de Mendiaz. A plat ventre sur la côte, il guettait avec un sourire le départ de ce rival qu'il haïssait :


— Cette fois, ça y est, murmura-t-il, il est fichu !


De la main, il dessina un petit signe amical et, souriant :


— Bon voyage, dit-il, José-Miguel !



Le bateau avait tourné. Désormais, il s'éloignait à contre-jour, point noir sur le miroir calme de la mer immense. Fontarabie dormait au loin, blanche, au fond de son golfe.



... José-Miguel était arrivé à Fontarabie après un court trajet favorisé par le vent et, aussitôt son bateau amarré, il s'était rendu chez Joroba. Il se présentait, car on ne l'y avait jamais vu, sauf le jour qu'il était venu demander Chico, et son passage rapide n'avait pas autrement marqué.


— José-Miguel ? demandait Joroba d'un air soupçonneux. Connais pas.

— Mais je vous suis envoyé par Etchegoyen, de Saint-Jean-de-Luz, pour le ballot.




pays basque autrefois cinéma gachucha
HEBDOMADAIRE LE FILM COMPLET 6 MAI 1923
FILM GACHUCHA LA FILLE BASQUE 1922

Et, plus bas, il avait ajouté :


Il n'y a plus de Pyrénées.

— Ah ! bon, répondait Joroba en hochant une tête méditative.



Mais, malgré le mot de passe correctement donné, il ne paraissait pas en confiance. Il regardait son visiteur à la dérobée, comme pour lire sur son visage une trahison possible. Après un instant de réflexion, il dit :

— C'est bon. On n'a pas l'habitude de vous voir ici, n'est-ce pas ? Attendez un moment ; je reviens.



Un peu surpris de cet accueil et de voir qu'on ne le priait même pas d'entrer pour se rafraîchir, José avait donc attendu à la porte. Il s'était assis sur un banc qui se trouvait tout près de celle-ci et, à peine Joroba avait-il disparu à l'intérieur de la maison, qu'un murmure de conversations à mi-voix s'était fait entendre, au cours duquel il avait plusieurs fois surpris le nom de Mendiaz.


— Oui, oui, pensait José, Mendiaz est des leurs et moi, ils sentent bien que je n'en suis pas. S'ils me connaissaient mieux, ils ne se méfieraient pas, bien qu'ils aient raison de ne pas me croire sympathique à leur cause. Ah ! si ce n'était pour Gachucha ! Mais il faut que je la prévienne : quand nous serons mariés, elle ne sera pas la femme d'un contrebandier. Même si elle a le vice du pays, elle me le sacrifiera bien. Tout de même, qui aurait cru cela d'elle ?



pays basque autrefois cinéma gachucha
HEBDOMADAIRE LE FILM COMPLET 6 MAI 1923
FILM GACHUCHA LA FILLE BASQUE 1922


Là-dessus, Joroba ressortait avec un gros ballot qu'il avait peine à traîner.


— Tenez, dit-il à José-Miguel. Seulement, vous savez, c'est lourd.

— Si lourd que ça ? répondait le pêcheur en empoignant le pesant colis comme une plume et en se le jetant sur l'épaule aussi aisément que si c'eût été une écharpe de femme.

— Mâtin ! murmura Joroba avec admiration devant ce tour de force.


Et il compléta son idée par un sifflement prolongé qui, chez beaucoup de peuples, signifie l'admiration poussé au plus haut point.


— Ca va, conclut José un peu froidement. Au revoir, alors.

— Alors, au revoir, répondit Joroba sur le même ton.



Et voyant Joroba lui cligner de l'oeil malicieusement, il crut bien faire en clignant de l'oeil pareillement. Il était reparti, léger, à peine gêné par le fardeau. Bientôt, il retrouvait son bateau et, fort retardé par le vent contraire, en même temps que très faible, il avait piqué sur Saint-Jean-de-Luz.



Il lui avait fallu courir des bordées toute la nuit, à contre-vent. Le soleil était déjà levé quand il approchait de la côte française. Il regarda attentivement et ne vit rien de suspect. Il alla donc s'échouer sur le sable, débarqua son ballot, tira son bateau au sec sans l'aide de personne, reprit le lourd paquet et se mit en marche vers l'intérieur. Le gros de l'aventure ne faisait que commencer.



José-Miguel traversa la grève, quitta le sable et monta sur les terres. Pour cela, il lui fallait passer auprès d'un groupe de rochers. Il venait à peine de le dépasser. Soudain, il se trouve dans la position du sanglier coiffé par une meute. Quatre hommes, assez semblables à ceux qu'il avait renseignés naguère, peu avant l'arrestation de Chico, venaient de sortir de derrière les rochers et, d'un seul élan, s'étaient jetés sur lui.

— Je suis pris, pensa-t-il avec une profonde douleur. C'est bien fait pour moi ; je n'avais qu'à ne pas y aller. Tire-toi de là, maintenant !"



A suivre...





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samedi 28 juin 2025

LE FILM "GACHUCHA FILLE BASQUE" EN 1922 (quatrième partie)

  

LE FILM "GACHUCHA FILLE BASQUE" EN 1922.


C'est un film muet, en noir et blanc, de 45 mn, réalisé en 1922 par Maurice Challiot et projeté pour la première fois le 9 février 1923.





pays basque autrefois cinéma gachucha
FILM GACHUCHA LA FILLE BASQUE 1922



Le scénariste de ce film est Charles Torquet.

La société de production est Natura Films.

Les principaux acteurs sont : Ninon Balzan, Hugues de Bagratide, Paulette Ray et Raoul Paoli.



Le synopsis de ce film est le suivant : Gachucha veut venger la mort de son frère, le contrebandier, qu'une dénonciation a envoyé en prison. Elle est fiancée à un honnête garçon, mais courtisée par un homme habile qui lui promet de livrer le mouchard s'il est choisi comme époux. Adroitement ce rival arrive à compromettre le fiancé de Gachucha...



Depuis 2017, je vous ai parlé de plusieurs films tournés au Pays Basque ou avec des histoires se 

passant au Pays Basque, tels que Euskadi (1936), l'Appel du stade (1941), la Robe Rouge (1933), 

Au Pays des Basques (1930), Emak Bakia (1925), le Pays basque espagnol (1931), Sinfonia Vasca 

(1936), El Mayorazgo de Basterretxe (1928), Im Lande Der Basken (1944), Odette (1928), Vicenta 

(1920), Le Mariage de Ramuntxo (1947), Gure Sor Lekua (1956), l'Athlète aux mains nues (1952), 

The Land of the Basques (1955), La Reine de Biarritz (1934), Haut-le-Vent ou Air Natal (1942),

Ramuntcho (1938), le film "Véronica" (1923) et le film "Gachucha fille basque" (1922).




Voici ce que rapporta au sujet du film "Gachucha fille basque" l'hebdomadaire Le Film Complet

le 6 mai 1923 :



"Gachucha par Jean Morlaix. — (Natura-Film).



... Mme Irigoyen s'alarmait de l'état de fièvre alternant avec des périodes de prostration où elle voyait sa fille. Elle la questionnait tendrement :

Qu'as-tu, ma Gachucha ? Es-tu malade ?

— Non, maman, répondait Gachucha d'un ton lassé. Ce n'est rien ; c'est un petit moment ; ça passera.

— Est-ce que José-Miguel ?... Il me semble qu'il y a au moins deux jours qu'on ne l'a pas vu... Vous vous êtes disputés ?

Je t'en prie, maman, laisse-moi. Je t'assure que tout va très bien.



pays basque autrefois cinéma gachucha
MLLE PAULETTE RAY GACHUCHA 

Pour rien au monde, elle ne se serait confiée à sa mère, de peur de renouveler les souffrances de la brave femme, de rouvrir les blessures qui n'étaient qu'à peine fermées. Mais Mme Irigoyen ne se décourageait pas.


 Je vois bien que tu n'es pas dans ton état normal. Aussi, tu travailles trop. Une jeunesse a besoin de s'amuser. C'est dimanche aujourd'hui. Sais-tu ce que je ferais, si j'étais à ta place ? J'irais voir le fandango au kiosque de la musique.


— Danser, maman ? Y penses-tu ?

— Bien sûr, je ne te dis pas de danser après nos deuils. Mais regarder, ce n'est pas danser, et se distraire un peu quand on a ton âge, ce n'est pas un péché.


Et la bonne mère insistait tant que Gachucha finissait par consentir.




pays basque autrefois cinéma gachucha
HEBDOMADAIRE LE FILM COMPLET 6 MAI 1923
FILM GACHUCHA LA FILLE BASQUE 1922

Elle venait de partir quand Mendiaz se présenta. Désireux de s'assurer une alliée, il affectait toujours envers la vieille femme une politesse exagérée et des attentions qui la flattaient. Elle l'accueillait donc volontiers et disait du toucheur de boeufs qu'il était plaisant et bien honnête. Il salua cérémonieusement :


— Bonjour, madame Irigoyen. J'aurais voulu parler à Mlle Gachucha.


La mère ne put que remarquer qu'il avait déjà de vraies manières de fiancé. Elle ne savait rien de ce qui s'était passé entre sa fille et ce garçon, mais les femmes lisent si bien dans les hommes !


— Ma fille vient de partir pour le fandango.

— Alors, je vous demande pardon, dit Mendiaz d'un air affairé, mais il faut que je coure après elle. C'est urgent. A bientôt, madame Irigoyen.


Il salua encore, et s'encourut sans avoir dit à la mère quelle affaire si urgente l'appelait près de la fille. A peu de distance, il rattrapait Gachucha qui n'avançait que d'une allure assez lasse. Il l'appela :


— Mademoiselle Gachucha !


Elle voûta l'épaule comme quand on s'attend à y recevoir une charge pénible et se retourna. Les yeux de Mendiaz brillaient et une sorte de frénésie animait ses traits tourmentés et mobiles. Sans autre entrée en matière, il dit :


— Je sais comment faire !




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HEBDOMADAIRE LE FILM COMPLET 6 MAI 1923
FILM GACHUCHA LA FILLE BASQUE 1922

A son tour, elle eut une flamme dans les yeux.


Il l'entraîna à l'écart. Elle ne résista pas. Elle ne se préoccupait plus de faire jaser. Tous deux s'assirent et il commença :


— Voilà : il faut avant tout que vous feigniez de vous remettre avec José et qu'il vous croie bien sincère.


Sursautant, elle se récria :


— Tromper !

— Bien sûr, tromper ! Comment a-t-il fait, lui, quand il s'est agi de vendre Chico ?

— Oui, je sais. Mais c'est bien dur.

— Une fois qu'il sera en confiance, dites-lui que vous vous intéressez à une affaire de contrebande...

— Mais il sait bien que je suis, comme lui, ennemie de la contrebande. C'est le vice des gens d'ici. C'est ça qui a coûté la vie à Chico.

— Si vous avez une objection à me présenter à chaque indication que je vous donne, autant renoncer tout de suite. Allons voir danser.

— Non, non. Je ferai tout ce qu'il faudra.

— Il faut donc, sans exciter ses soupçons, le persuader d'aller chercher chez Joroba, à Fontarabie, un ballot qui est tout prêt pour Etchegoyen. Il n'a que cela à faire. On l'attendra à son débarquement pour l'en débarrasser. Voilà tout.


Quelle que fut la justesse de cette action, Gachucha reculait instinctivement devant ces procédés perfides qui lui répugnaient. Elle hésitait. Mendiaz commençait à s'inquiéter. Et si elle ne voulait pas, maintenant ? Il se fit éloquent, toucha la corde qu'il fallait en lui faisant revoir cette mort de Chico dont la seule imagination la soulevait toute.


— Vous avez raison, dit-elle. Je ferai ce qu'il faudra.

— Je n'ai pas besoin de vous dire comment vous y prendre. Une femme sait toujours cela d'instinct, dit-il avec un vilain sourire...


Il prit un temps, puis il ajouta :


— Et quand il sera pris, nous nous fiancerons ?

— Nous nous fiancerons, dit-elle lentement et avec effort.

— C'est promis ?

— C'est juré !




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HEBDOMADAIRE LE FILM COMPLET 6 MAI 1923
FILM GACHUCHA LA FILLE BASQUE 1922

Il voulut l'embrasser, mais elle l'arrêta :


— Attendez ; pas encore !


Ils s'en allèrent au fandango. C'est la danse nationale basque. Vive, trépidante et gracieuse, un peu étrange aussi, elle est difficile à bien danser et l'on admire ceux qui s'y distinguent au rythme précipité et sautillant de la musique. Malheureusement, bien qu'on le danse encore dans tous les bals publics du pays, la tradition commence à s'en perdre. Déjà l'on remplace souvent par un orchestre plein de cuivre les musiciens qui soufflent dans leur sorte de flageolet, dont ils bouchent et débouchent les trous de la main gauche tandis que, de la main droite, ils battent drôlement un tambourin au moyen d'une petite baguette recourbée. Au fandango, elle n'eut pas de peine à retrouver José-Miguel qui dominait la foule de la tête. L'air navré du champion l'émut un instant, mais elle réagit et, bien décidée à mener jusqu'au bout sa terrible besogne, elle marcha à lui en traversant les groupes animés des danseurs. Il l'avait aperçue tout de suite et il se demanda ce qui allait se passer.


Avec une joie immense, il vit qu'elle le couvrait d'un regard bienveillant et elle lui dit en souriant :


— José, pardonne-moi mon méchant caprice.

— Pardonner ! s'écria-t-il bonnement. Il n'en est même pas besoin, mais dis-moi ce qui t'a pris.

— Eh bien, je ne sais pas ce que j'ai eu, mais ce que tu m'as dit m'a fait passer un vilain soupçon... J'ai réfléchi. C'est passé.

— Mais bien passé ? Tu n'as pas d'arrière-pensée ?

— Non, non. C'est fini.


Malgré tout, il ne la sentait pas bien franche. Pour les natures honnêtes et loyales, il est difficile de dissimuler. Mais il l'aimait tant, sa Gachucha, qu'il préféra ne pas la chicaner encore. Il murmura :

Ah ! j’aime mieux ça !... Je le savais bien, que tu ne pourrais pas longtemps me croire coupable.


Il la regardait avec bonheur, sans pouvoir abandonner la petite main qu’il avait prise, qu’il avait retrouvée.



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HEBDOMADAIRE LE FILM COMPLET 6 MAI 1923
FILM GACHUCHA LA FILLE BASQUE 1922

Mais elle reprit :

 Écoute, j’ai quelque chose à te demander.

— Tout ce que tu voudras. Qu’est-ce que c’est ?


Elle regarda autour d’elle, craignit d’être entendue et l'entraîna à l'écart, tandis qu'il la suivait docilement, mais avec surprise. Non loin de là, Mendiaz les surveillait, content de voir que l'affaire marchait. A distance de la foule qui entourait les danseurs, elle prit son ton le plus câlin, Dalila pour le bon motif, à ce qu'elle croyait :


Mon José, je sais que tu désapprouves la contrebande, mais, pour moi, tu risquerais bien une expédition ?


Cette fois, il ne put contenir son étonnement. Décidément, on lui avait changé sa Gachucha, il dit seulement :

— Toi ?

— Veux-tu, oui ou non ?


Elle avait pris un air dur et ses yeux noirs se faisaient menaçants. C'était plus que José n'en pouvait supporter. Il capitula tout aussitôt :


 Je ferai tout ce que tu voudras, mais tu me surprends bien, tu sais.


Les petites femmes mènent les hercules par le bout du nez. Tandis que José ne pouvait revenir de sa surprise, elle lui raconta toute l'histoire imaginée par le génie de Mendiaz, et de l'air d'une femme qui dit que c'est à prendre ou à laisser. Il ne laissa pas. Il accepta, mécontent de soi, au fond, mais sans objection.


De loi, Mendiaz vit sa grosse tête qui hochait affirmativement. Ca y était ! Il s'éloigna vivement du fandango et disparut sans avoir été remarqué par personne. Cependant, Gachucha donnait à José toutes les instructions qu'elle avait reçue du toucheur de boeufs. Mais, en elle, quelque chose grinçait et elle ne savait pas trop si elle devait être contente ou désolée. Si persuadée qu'elle fût de son devoir de punir le meurtrier de Chico, elle ne se sentait plus nette. Elle avait trompé ; elle trompait. Cet homme était un misérable, certes, mais il avait confiance en elle !


Malgré la commission infiniment désagréable dont il s'était chargé, José était si heureux de n'être plus fâché avec Gachucha qu'il avait retrouvé son équilibre et sa liberté d'esprit. Tout à coup, il s'écria :

— Ah ! mais, c'est qu'ils m'attendent, au fronton, pour la pelote ! Et moi qui allais oublier !


Ils se hâtèrent vers le fronton. Les joueurs étaient déjà sur le terrain, élégants et sveltes, avec leurs petits bérets, la chemise, les espadrilles et le pantalon blancs, la ceinture rouge ou bleue, la main armée, au bout d'un gant, de la longue chistera recourbée, en osier, qui sert à rattraper au vol la petite balle dure pour la renvoyer contre le fronton, avec une force plus que triplée. On l'acclama :


— José-Miguel ! José-Miguel !... Allons vite, lambin !


Il courut se préparer et revint vivement, tandis que, peu fière d'elle-même, malgré tout, Gachucha prenait place parmi les assistants. La partie commença. Les joueurs bondissaient, rattrapaient la balle, fouettaient le bras avec force. Un claquement annonçait que la pelote avait rebondi contre le mur. Des formes blanches accouraient, sautaient dans des attitudes magnifiques, cueillaient la pelote, la lançaient de nouveau...


L'illustre Chiquito de Cambo, champion mondial, qu'on a vu jouer à ce jeu superbe et charmant dans tous les coins du monde où les Basques voyageurs ont établi des colonies. Chiquito avait accordé son concours. Des acclamations enthousiastes saluaient ses exploits, comme ceux de José-Miguel, champion local qui s'égalait presque à son fameux adversaire. Il avait même des partisans qui le préféraient à Chiquito et affirmaient que son style était plus pur."



A suivre...



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