CARTES POSTALES , PHOTOS ET VIDEOS ANCIENNES DU PAYS BASQUE. Entre 1800 et 1980 environ.
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jeudi 28 août 2025
lundi 28 juillet 2025
LE FILM "GACHUCHA FILLE BASQUE" EN 1922 (cinquième partie)
LE FILM "GACHUCHA FILLE BASQUE" EN 1922.
C'est un film muet, en noir et blanc, de 45 mn, réalisé en 1922 par Maurice Challiot et projeté pour la première fois le 9 février 1923.
Le scénariste de ce film est Charles Torquet.
La société de production est Natura Films.
Les principaux acteurs sont : Ninon Balzan, Hugues de Bagratide, Paulette Ray et Raoul Paoli.
Le synopsis de ce film est le suivant : Gachucha veut venger la mort de son frère, le contrebandier, qu'une dénonciation a envoyé en prison. Elle est fiancée à un honnête garçon, mais courtisée par un homme habile qui lui promet de livrer le mouchard s'il est choisi comme époux. Adroitement ce rival arrive à compromettre le fiancé de Gachucha...
Depuis 2017, je vous ai parlé de plusieurs films tournés au Pays Basque ou avec des histoires se
passant au Pays Basque, tels que Euskadi (1936), l'Appel du stade (1941), la Robe Rouge (1933),
Au Pays des Basques (1930), Emak Bakia (1925), le Pays basque espagnol (1931), Sinfonia Vasca
(1936), El Mayorazgo de Basterretxe (1928), Im Lande Der Basken (1944), Odette (1928), Vicenta
(1920), Le Mariage de Ramuntxo (1947), Gure Sor Lekua (1956), l'Athlète aux mains nues (1952),
The Land of the Basques (1955), La Reine de Biarritz (1934), Haut-le-Vent ou Air Natal (1942),
Ramuntcho (1938), le film "Véronica" (1923) et le film "Gachucha fille basque" (1922).
Voici ce que rapporta au sujet du film "Gachucha fille basque" l'hebdomadaire Le Film Complet,
le 6 mai 1923 :
"Gachucha par Jean Morlaix. — (Natura-Film).
... Mendiaz n'était pas au fronton. Il avait des occupations infiniment plus importantes et plus grosses de conséquences. Il avait gagné une partie déserte de la plage, il s'absorbait dans une besogne des plus singulières.
Avec des ciseaux, il découpait, dans un journal qu'il avait apporté, des caractères d'imprimerie, et il les collait soigneusement, à mesure, sur une feuille de papier blanc. Ce travail délicat lui donnait beaucoup de mal et, tout en le faisant, il suait et geignait. Ses doigts maladroits de toucheurs de boeufs s'y prêtaient mal et, n'eût été la récompense qu'il en attendait, il est probable qu'il y eût renoncé.
Quand ce fut fini, il regarda son oeuvre avec une grimace de satisfaction.
Cela formait une lettre on ne peut plus anonyme, un chef d'oeuvre du genre. Cette façon de procéder d'une canaille était bien dans le caractère de cette race d'honnêtes gens. Le Basque est extrêmement méfiant et évite toujours avec grande attention de se compromettre. La lettre disait :
"Demain, le pêcheur José-Miguel reviendra de Fontarabie avec un ballot de contrebande. A bon entendeur..."
Il relut de près, s'approuva d'un affreux sourire. Si José-Miguel allait à Fontarabie — et, poussé par son amour pour Gachucha, il irait — son affaire était claire.
Ces messieurs les gabelous, pensait-il, le cueilleront proprement et le mettront à l'ombre le temps que j'arrange mes petites affaires. J'ai quelques économies et, une fois marié à mon goût, rien ne m'empêchera de quitter le pays et, au besoin, d'émigrer pour aller faire fortune chez les Américains du Sud. Il faudrait qu'il allonge joliment le bras pour me prendre dans ses grosses pattes à sa sortie de prison !
Il avait plié le papier. Il le mit sous enveloppe et, quelques instants plus tard, il mettait la lettre dans la boîte de la douane. Il avait bien regardé autour de lui pour s'assurer de n'être pas vu. Mais la lettre accusatrice n'était pas au fond de la boîte qu'il voyait Mme Loris assise près de lui. Elle était arrivée sans bruit et s'était assise pour faire une étude. Elle l'avait vu.
Mendiaz éprouva une impression désagréable. On n'aime jamais à être vu en train de commettre une vilenie. Avoir pris tant de bonnes précautions pour se faire surprendre ainsi !... Mais, à la réflexion, il décida que cela n'avait aucune importance.
— Ce que je fais ne peut guère l'intéresser et ce n'est pas un sujet de conversation pour elle. A peine si elle me connaît ! Et puis, elle ne sait pas ce qu'il y a dans la lettre.
Au surplus, toujours prudent, il fila en se faisant le plus petit possible. Pourtant Mme Loris avait bien remarqué le personnage et, une fois de plus, elle se demandait où son attention avait été déjà attirée sur cette face sombre, creusée de plis. Cette petite scène banale d'un homme qui met une lettre dans une boîte lui rappelait quelque chose, elle ne savait trop quoi... Et soudain, quand l'homme eut disparu, elle se souvint des circonstances de leur première rencontre :
— Mais oui. C'était une nuit, au clair de lune, ici même ! Je passais pour rentrer chez moi et j'ai vu ce même homme faire exactement le même geste. Nous nous sommes croisés et j'ai été frappée par l'expression sournoise et méchante de sa physionomie... C'est étrange que Gachucha fréquente un pareil bonhomme, si différent d'elle et de son grand José !
Elle se mit à réfléchir aux curieuses coïncidences qui émaillent la vie. Puis, comme l'événement n'avait en soi nulle portée, à ce qu'elle croyait, elle l'oublia tout aussitôt et, s'installant, elle commença l'étude qu'elle était venue faire.
La partie de pelote s'achevait, défaite glorieuse de José-Miguel par l'imbattable Chiquito. Mais le pêcheur avait été magnifique et les cris, les applaudissements qui le saluaient, lui prouvaient bien l'affection et l'admiration dans lesquelles le tenaient ses compatriotes.
A la sortie du fronton, il retrouva Gachucha qui l'attendait. Il s'étonna de l'air de fatigue qui couvrait le charmant visage. Il s'informa, très inquiet, tout comme l'avait fait la mère :
— Tu es malade ?
— Mais non.
— Tu as l'air joliment fatigué. Tu travailles trop.
— Mais non. Un peu de migraine.
A ce moment, il se souvint. Son visage prit une expression d'ennui :
— Allons, dit-il, puisque tu le veux, il faut que j'aille à mon bateau. Il sera bientôt temps de partir pour Fontarabie.
— Eh bien ! va, dit-elle. Dépêche-toi...
Il lui jeta un léger baiser, du bout de sa main terrible. Elle le suivait du regard. Elle fut sur le point de le rappeler, mais elle se maîtrisa :
— Non, non, pensa-t-elle. Il faut !
Il marchait vers sa perte. Le bateau fut bientôt prêt. Sans l'aide de personne, il le mit à l'eau, embarqua, saisit les avirons dans ses mains robustes, sans aucun enthousiasme. C'était pour Gachucha, pourtant. Dorée par le soleil couchant, la barque diminua aux yeux de la jeune fille qui s'était avancée sur une pointe de rocher et qui eut le triste courage de lui faire de la main un "au revoir" sans sincérité, auquel il répondit de tout son coeur.
Quand elle s'en retourna, elle se dirigea vers la campagne, en chancelant. Sans s'en douter, elle passa auprès de Mendiaz. A plat ventre sur la côte, il guettait avec un sourire le départ de ce rival qu'il haïssait :
— Cette fois, ça y est, murmura-t-il, il est fichu !
De la main, il dessina un petit signe amical et, souriant :
— Bon voyage, dit-il, José-Miguel !
Le bateau avait tourné. Désormais, il s'éloignait à contre-jour, point noir sur le miroir calme de la mer immense. Fontarabie dormait au loin, blanche, au fond de son golfe.
... José-Miguel était arrivé à Fontarabie après un court trajet favorisé par le vent et, aussitôt son bateau amarré, il s'était rendu chez Joroba. Il se présentait, car on ne l'y avait jamais vu, sauf le jour qu'il était venu demander Chico, et son passage rapide n'avait pas autrement marqué.
— José-Miguel ? demandait Joroba d'un air soupçonneux. Connais pas.
— Mais je vous suis envoyé par Etchegoyen, de Saint-Jean-de-Luz, pour le ballot.
Et, plus bas, il avait ajouté :
— Il n'y a plus de Pyrénées.
— Ah ! bon, répondait Joroba en hochant une tête méditative.
Mais, malgré le mot de passe correctement donné, il ne paraissait pas en confiance. Il regardait son visiteur à la dérobée, comme pour lire sur son visage une trahison possible. Après un instant de réflexion, il dit :
— C'est bon. On n'a pas l'habitude de vous voir ici, n'est-ce pas ? Attendez un moment ; je reviens.
Un peu surpris de cet accueil et de voir qu'on ne le priait même pas d'entrer pour se rafraîchir, José avait donc attendu à la porte. Il s'était assis sur un banc qui se trouvait tout près de celle-ci et, à peine Joroba avait-il disparu à l'intérieur de la maison, qu'un murmure de conversations à mi-voix s'était fait entendre, au cours duquel il avait plusieurs fois surpris le nom de Mendiaz.
— Oui, oui, pensait José, Mendiaz est des leurs et moi, ils sentent bien que je n'en suis pas. S'ils me connaissaient mieux, ils ne se méfieraient pas, bien qu'ils aient raison de ne pas me croire sympathique à leur cause. Ah ! si ce n'était pour Gachucha ! Mais il faut que je la prévienne : quand nous serons mariés, elle ne sera pas la femme d'un contrebandier. Même si elle a le vice du pays, elle me le sacrifiera bien. Tout de même, qui aurait cru cela d'elle ?
Là-dessus, Joroba ressortait avec un gros ballot qu'il avait peine à traîner.
— Tenez, dit-il à José-Miguel. Seulement, vous savez, c'est lourd.
— Si lourd que ça ? répondait le pêcheur en empoignant le pesant colis comme une plume et en se le jetant sur l'épaule aussi aisément que si c'eût été une écharpe de femme.
— Mâtin ! murmura Joroba avec admiration devant ce tour de force.
Et il compléta son idée par un sifflement prolongé qui, chez beaucoup de peuples, signifie l'admiration poussé au plus haut point.
— Ca va, conclut José un peu froidement. Au revoir, alors.
— Alors, au revoir, répondit Joroba sur le même ton.
Et voyant Joroba lui cligner de l'oeil malicieusement, il crut bien faire en clignant de l'oeil pareillement. Il était reparti, léger, à peine gêné par le fardeau. Bientôt, il retrouvait son bateau et, fort retardé par le vent contraire, en même temps que très faible, il avait piqué sur Saint-Jean-de-Luz.
Il lui avait fallu courir des bordées toute la nuit, à contre-vent. Le soleil était déjà levé quand il approchait de la côte française. Il regarda attentivement et ne vit rien de suspect. Il alla donc s'échouer sur le sable, débarqua son ballot, tira son bateau au sec sans l'aide de personne, reprit le lourd paquet et se mit en marche vers l'intérieur. Le gros de l'aventure ne faisait que commencer.
José-Miguel traversa la grève, quitta le sable et monta sur les terres. Pour cela, il lui fallait passer auprès d'un groupe de rochers. Il venait à peine de le dépasser. Soudain, il se trouve dans la position du sanglier coiffé par une meute. Quatre hommes, assez semblables à ceux qu'il avait renseignés naguère, peu avant l'arrestation de Chico, venaient de sortir de derrière les rochers et, d'un seul élan, s'étaient jetés sur lui.
— Je suis pris, pensa-t-il avec une profonde douleur. C'est bien fait pour moi ; je n'avais qu'à ne pas y aller. Tire-toi de là, maintenant !"
A suivre...
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samedi 28 juin 2025
LE FILM "GACHUCHA FILLE BASQUE" EN 1922 (quatrième partie)
LE FILM "GACHUCHA FILLE BASQUE" EN 1922.
C'est un film muet, en noir et blanc, de 45 mn, réalisé en 1922 par Maurice Challiot et projeté pour la première fois le 9 février 1923.
Le scénariste de ce film est Charles Torquet.
La société de production est Natura Films.
Les principaux acteurs sont : Ninon Balzan, Hugues de Bagratide, Paulette Ray et Raoul Paoli.
Le synopsis de ce film est le suivant : Gachucha veut venger la mort de son frère, le contrebandier, qu'une dénonciation a envoyé en prison. Elle est fiancée à un honnête garçon, mais courtisée par un homme habile qui lui promet de livrer le mouchard s'il est choisi comme époux. Adroitement ce rival arrive à compromettre le fiancé de Gachucha...
Depuis 2017, je vous ai parlé de plusieurs films tournés au Pays Basque ou avec des histoires se
passant au Pays Basque, tels que Euskadi (1936), l'Appel du stade (1941), la Robe Rouge (1933),
Au Pays des Basques (1930), Emak Bakia (1925), le Pays basque espagnol (1931), Sinfonia Vasca
(1936), El Mayorazgo de Basterretxe (1928), Im Lande Der Basken (1944), Odette (1928), Vicenta
(1920), Le Mariage de Ramuntxo (1947), Gure Sor Lekua (1956), l'Athlète aux mains nues (1952),
The Land of the Basques (1955), La Reine de Biarritz (1934), Haut-le-Vent ou Air Natal (1942),
Ramuntcho (1938), le film "Véronica" (1923) et le film "Gachucha fille basque" (1922).
Voici ce que rapporta au sujet du film "Gachucha fille basque" l'hebdomadaire Le Film Complet,
le 6 mai 1923 :
"Gachucha par Jean Morlaix. — (Natura-Film).
... Mme Irigoyen s'alarmait de l'état de fièvre alternant avec des périodes de prostration où elle voyait sa fille. Elle la questionnait tendrement :
— Qu'as-tu, ma Gachucha ? Es-tu malade ?
— Non, maman, répondait Gachucha d'un ton lassé. Ce n'est rien ; c'est un petit moment ; ça passera.
— Est-ce que José-Miguel ?... Il me semble qu'il y a au moins deux jours qu'on ne l'a pas vu... Vous vous êtes disputés ?
— Je t'en prie, maman, laisse-moi. Je t'assure que tout va très bien.
Pour rien au monde, elle ne se serait confiée à sa mère, de peur de renouveler les souffrances de la brave femme, de rouvrir les blessures qui n'étaient qu'à peine fermées. Mais Mme Irigoyen ne se décourageait pas.
— Je vois bien que tu n'es pas dans ton état normal. Aussi, tu travailles trop. Une jeunesse a besoin de s'amuser. C'est dimanche aujourd'hui. Sais-tu ce que je ferais, si j'étais à ta place ? J'irais voir le fandango au kiosque de la musique.
— Danser, maman ? Y penses-tu ?
— Bien sûr, je ne te dis pas de danser après nos deuils. Mais regarder, ce n'est pas danser, et se distraire un peu quand on a ton âge, ce n'est pas un péché.
Et la bonne mère insistait tant que Gachucha finissait par consentir.
Elle venait de partir quand Mendiaz se présenta. Désireux de s'assurer une alliée, il affectait toujours envers la vieille femme une politesse exagérée et des attentions qui la flattaient. Elle l'accueillait donc volontiers et disait du toucheur de boeufs qu'il était plaisant et bien honnête. Il salua cérémonieusement :
— Bonjour, madame Irigoyen. J'aurais voulu parler à Mlle Gachucha.
La mère ne put que remarquer qu'il avait déjà de vraies manières de fiancé. Elle ne savait rien de ce qui s'était passé entre sa fille et ce garçon, mais les femmes lisent si bien dans les hommes !
— Ma fille vient de partir pour le fandango.
— Alors, je vous demande pardon, dit Mendiaz d'un air affairé, mais il faut que je coure après elle. C'est urgent. A bientôt, madame Irigoyen.
Il salua encore, et s'encourut sans avoir dit à la mère quelle affaire si urgente l'appelait près de la fille. A peu de distance, il rattrapait Gachucha qui n'avançait que d'une allure assez lasse. Il l'appela :
— Mademoiselle Gachucha !
Elle voûta l'épaule comme quand on s'attend à y recevoir une charge pénible et se retourna. Les yeux de Mendiaz brillaient et une sorte de frénésie animait ses traits tourmentés et mobiles. Sans autre entrée en matière, il dit :
— Je sais comment faire !
A son tour, elle eut une flamme dans les yeux.
Il l'entraîna à l'écart. Elle ne résista pas. Elle ne se préoccupait plus de faire jaser. Tous deux s'assirent et il commença :
— Voilà : il faut avant tout que vous feigniez de vous remettre avec José et qu'il vous croie bien sincère.
Sursautant, elle se récria :
— Tromper !
— Bien sûr, tromper ! Comment a-t-il fait, lui, quand il s'est agi de vendre Chico ?
— Oui, je sais. Mais c'est bien dur.
— Une fois qu'il sera en confiance, dites-lui que vous vous intéressez à une affaire de contrebande...
— Mais il sait bien que je suis, comme lui, ennemie de la contrebande. C'est le vice des gens d'ici. C'est ça qui a coûté la vie à Chico.
— Si vous avez une objection à me présenter à chaque indication que je vous donne, autant renoncer tout de suite. Allons voir danser.
— Non, non. Je ferai tout ce qu'il faudra.
— Il faut donc, sans exciter ses soupçons, le persuader d'aller chercher chez Joroba, à Fontarabie, un ballot qui est tout prêt pour Etchegoyen. Il n'a que cela à faire. On l'attendra à son débarquement pour l'en débarrasser. Voilà tout.
Quelle que fut la justesse de cette action, Gachucha reculait instinctivement devant ces procédés perfides qui lui répugnaient. Elle hésitait. Mendiaz commençait à s'inquiéter. Et si elle ne voulait pas, maintenant ? Il se fit éloquent, toucha la corde qu'il fallait en lui faisant revoir cette mort de Chico dont la seule imagination la soulevait toute.
— Vous avez raison, dit-elle. Je ferai ce qu'il faudra.
— Je n'ai pas besoin de vous dire comment vous y prendre. Une femme sait toujours cela d'instinct, dit-il avec un vilain sourire...
Il prit un temps, puis il ajouta :
— Et quand il sera pris, nous nous fiancerons ?
— Nous nous fiancerons, dit-elle lentement et avec effort.
— C'est promis ?
— C'est juré !
Il voulut l'embrasser, mais elle l'arrêta :
— Attendez ; pas encore !
Ils s'en allèrent au fandango. C'est la danse nationale basque. Vive, trépidante et gracieuse, un peu étrange aussi, elle est difficile à bien danser et l'on admire ceux qui s'y distinguent au rythme précipité et sautillant de la musique. Malheureusement, bien qu'on le danse encore dans tous les bals publics du pays, la tradition commence à s'en perdre. Déjà l'on remplace souvent par un orchestre plein de cuivre les musiciens qui soufflent dans leur sorte de flageolet, dont ils bouchent et débouchent les trous de la main gauche tandis que, de la main droite, ils battent drôlement un tambourin au moyen d'une petite baguette recourbée. Au fandango, elle n'eut pas de peine à retrouver José-Miguel qui dominait la foule de la tête. L'air navré du champion l'émut un instant, mais elle réagit et, bien décidée à mener jusqu'au bout sa terrible besogne, elle marcha à lui en traversant les groupes animés des danseurs. Il l'avait aperçue tout de suite et il se demanda ce qui allait se passer.
Avec une joie immense, il vit qu'elle le couvrait d'un regard bienveillant et elle lui dit en souriant :
— José, pardonne-moi mon méchant caprice.
— Pardonner ! s'écria-t-il bonnement. Il n'en est même pas besoin, mais dis-moi ce qui t'a pris.
— Eh bien, je ne sais pas ce que j'ai eu, mais ce que tu m'as dit m'a fait passer un vilain soupçon... J'ai réfléchi. C'est passé.
— Mais bien passé ? Tu n'as pas d'arrière-pensée ?
— Non, non. C'est fini.
Malgré tout, il ne la sentait pas bien franche. Pour les natures honnêtes et loyales, il est difficile de dissimuler. Mais il l'aimait tant, sa Gachucha, qu'il préféra ne pas la chicaner encore. Il murmura :
— Ah ! j’aime mieux ça !... Je le savais bien, que tu ne pourrais pas longtemps me croire coupable.
Il la regardait avec bonheur, sans pouvoir abandonner la petite main qu’il avait prise, qu’il avait retrouvée.
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HEBDOMADAIRE LE FILM COMPLET 6 MAI 1923 FILM GACHUCHA LA FILLE BASQUE 1922 |
Mais elle reprit :
— Écoute, j’ai quelque chose à te demander.
— Tout ce que tu voudras. Qu’est-ce que c’est ?
Elle regarda autour d’elle, craignit d’être entendue et l'entraîna à l'écart, tandis qu'il la suivait docilement, mais avec surprise. Non loin de là, Mendiaz les surveillait, content de voir que l'affaire marchait. A distance de la foule qui entourait les danseurs, elle prit son ton le plus câlin, Dalila pour le bon motif, à ce qu'elle croyait :
— Mon José, je sais que tu désapprouves la contrebande, mais, pour moi, tu risquerais bien une expédition ?
Cette fois, il ne put contenir son étonnement. Décidément, on lui avait changé sa Gachucha, il dit seulement :
— Toi ?
— Veux-tu, oui ou non ?
Elle avait pris un air dur et ses yeux noirs se faisaient menaçants. C'était plus que José n'en pouvait supporter. Il capitula tout aussitôt :
— Je ferai tout ce que tu voudras, mais tu me surprends bien, tu sais.
Les petites femmes mènent les hercules par le bout du nez. Tandis que José ne pouvait revenir de sa surprise, elle lui raconta toute l'histoire imaginée par le génie de Mendiaz, et de l'air d'une femme qui dit que c'est à prendre ou à laisser. Il ne laissa pas. Il accepta, mécontent de soi, au fond, mais sans objection.
De loi, Mendiaz vit sa grosse tête qui hochait affirmativement. Ca y était ! Il s'éloigna vivement du fandango et disparut sans avoir été remarqué par personne. Cependant, Gachucha donnait à José toutes les instructions qu'elle avait reçue du toucheur de boeufs. Mais, en elle, quelque chose grinçait et elle ne savait pas trop si elle devait être contente ou désolée. Si persuadée qu'elle fût de son devoir de punir le meurtrier de Chico, elle ne se sentait plus nette. Elle avait trompé ; elle trompait. Cet homme était un misérable, certes, mais il avait confiance en elle !
Malgré la commission infiniment désagréable dont il s'était chargé, José était si heureux de n'être plus fâché avec Gachucha qu'il avait retrouvé son équilibre et sa liberté d'esprit. Tout à coup, il s'écria :
— Ah ! mais, c'est qu'ils m'attendent, au fronton, pour la pelote ! Et moi qui allais oublier !
Ils se hâtèrent vers le fronton. Les joueurs étaient déjà sur le terrain, élégants et sveltes, avec leurs petits bérets, la chemise, les espadrilles et le pantalon blancs, la ceinture rouge ou bleue, la main armée, au bout d'un gant, de la longue chistera recourbée, en osier, qui sert à rattraper au vol la petite balle dure pour la renvoyer contre le fronton, avec une force plus que triplée. On l'acclama :
— José-Miguel ! José-Miguel !... Allons vite, lambin !
Il courut se préparer et revint vivement, tandis que, peu fière d'elle-même, malgré tout, Gachucha prenait place parmi les assistants. La partie commença. Les joueurs bondissaient, rattrapaient la balle, fouettaient le bras avec force. Un claquement annonçait que la pelote avait rebondi contre le mur. Des formes blanches accouraient, sautaient dans des attitudes magnifiques, cueillaient la pelote, la lançaient de nouveau...
L'illustre Chiquito de Cambo, champion mondial, qu'on a vu jouer à ce jeu superbe et charmant dans tous les coins du monde où les Basques voyageurs ont établi des colonies. Chiquito avait accordé son concours. Des acclamations enthousiastes saluaient ses exploits, comme ceux de José-Miguel, champion local qui s'égalait presque à son fameux adversaire. Il avait même des partisans qui le préféraient à Chiquito et affirmaient que son style était plus pur."
A suivre...
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