EN 1900, TOUS LES SPECTACLES DE PLEIN AIR ATTIRENT DES FOULES CONSIDÉRABLES.
C'est le cas du fameux funambule D'Jelmako, le "funambule indien".
D'JELMAKO FUNAMBULE INDIEN BIARRITZ 1900 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Celui-ci, à deux reprises, traversa le Port vieux à Biarritz, sur un filin, à 37 mètres au-dessus
du vide.
Le nom "funambule" procède du latin "fuis" (la corde) et " ambulare" (se promener) et a
désigné les premiers "danseurs de corde".
Les Grecs, eux, les appelaient des " schénobates" (le grec "schoinos" désignerait une corde de
jonc).
Térence, Horace, Juvénal les évoquent dans leurs récits.
C'est l'empereur Marc-Aurèle (121-180 apr. J.-C.) qui, assistant à la chute de l'un d'entre eux,
aurait exigé que désormais ils soient dotés d'un filet de sécurité, ce qui dénote une empathie
plutôt rare à son époque.
Dans notre pays, le mot n'est entré dans le dictionnaire qu'en 1740.
Alors que, depuis le Moyen-Âge, les cirques ou les troupes de saltimbanques présentaient
souvent des numéros avec des funambules.
De véritables dynasties de funambules ont traversé le temps, par exemple celle des Orsola, une
famille d'origine piémontaise qui s'est posée dans le Morbihan et qui est dans le métier depuis
un siècle et demi.
Philippe Petit est aujourd'hui l'un des plus célèbres, lui qui marcha sur un câble tendu entre
les tours jumelles du World Trade Center en 1974, à 417 mètres de haut.
Le 22 mai 1954, le photographe Jean Dieuzade-Yan immortalisa le mariage de deux
funambules sur la place du Capitole, à Toulouse.
Il avait eu le courage de monter sur les épaules du père de la mariée, qui se tenait lui aussi sur
le câble tendu.
MARIAGE DE 2 FUNAMBULES 22 MAI 1954 TOULOUSE |
MARIAGE DE 2 FUNAMBULES 22 MAI 1954 TOULOUSE |
Le funambule dont je parle dans cet article, Etienne Blanc, alias D'Jelmako, est né à Marseille
le 26 décembre 1857. Son père, Louis Pierre Blanc a passé une douzaine d'années au Canada
comme forestier, s'y est marié et est revenu à Sainte Marguerite, à côté de Marseille.
On donna à cet enfant le prénom fort commun de Marie, auquel l'on adjoignit celui plus rare
sous nos latitudes de D'Jelmako, qui signifierait "le tonnerre qui gronde" chez les indiens du
Canada.
Ses ascendances indiennes ne sont pas formellement attestées. Il est possible que ce prénom lui
ait été donné par pure nostalgie du séjour de son père au Canada.
En tout cas, il devint un élément non négligeable pour sa carrière d'artiste.
Les tournées de William F Cody, dit Buffalo Bill, et de son cirque (avec ses indiens et ses
attaques de diligence) à travers toute la France, en 1885, où il se produisit à Paris, Lyon et
Marseille, puis entre avril et novembre 1905 où il donna 120 représentations, furent de
événements considérables qui passionnèrent le pays tout entier.
Au cours de ses tournées européennes, le cirque de Buffalo Bill parcourut 12 pays et se
produisit dans 1 000 villes, dans un spectacle qui attira plusieurs dizaines de millions de
spectateurs.
On a du mal à pouvoir imaginer cela aujourd'hui...
Les indiens, habitants spoliés des vastes territoires de l'Amérique du Nord par des émigrants
avides d'espace, suscitaient alors une curiosité où se mêlaient la fascination pour "les
sauvages" et la rencontre avec les héros de la guerre d'usure qui a opposé durant un siècle les
nations indiennes aux descendants d'Européens venus les chasser des terres de leurs ancêtres.
L'enfant D'Jelmako, lui, mène une enfance au plus près de la nature : il parcourt la campagne
provençale, monte à cheval et chasse. Il excelle dès son plus jeune âge dans ces activités de plein
air. Et, précocement, il révèle des talents de danseur de corde.
Un de ses oncles, décelant ses dispositions, lui aménagea tout un dispositif sous un hangar,
histoire de parfaire ses dons de funambule.
Il n'est encore qu'un adolescent mais il connaît déjà toutes les ficelles du métier : il avance ou il
recule sur le fil tendu à quelques mètres au-dessus du sol, avec ou sans balancier, se couche sur
le fil, procède à la cuisson d'un oeuf en parfait marmiton aérien et ire aussi sur des cibles dzans
cette position inconfortable.
Devenu orphelin de père et de mère dès l'âge de 19 ans, il est obligé de chercher un travail.
Le destin lui fait rencontrer le directeur du théâtre de Rivesaltes (Pyrénées Orientales), qui
l'embauche pour une tournée provinciale.
Il s'est déjà fait une solide notoriété quand il rencontre, au hasard de ses pérégrinations,
Paulia, une actrice de la troupe du Palais-Royal en tournée.
C'est le coup de foudre, les deux tourtereaux se marient en 1881.
D'Jelmako est âgé de 24 ans, Paulia est son aînée puisqu'elle a 30 ans. Ils formeront dès lors un
couple inséparable.
D'Jelmako perfectionne et varie ses numéros et il acquiert rapidement une notoriété de bon
aloi.
Bien avisé, son imprésario commence par écumer quelques localités du Sud : il se produit au
Casino de Toulouse et à la vieille cité de Carcassonne, puis décroche quelques contrats qui le
mènent Outre-Pyrénées, à Madrid, Lisbonne et Barcelone où il s'exhibe au cirque Alegria.
Dès lors, il devient un artiste international.
Désormais, plus rien ne l'arrête : en 1889, il traverse le vieux port de Biarritz à 37 mètres de
hauteur sur une longueur de 167 mètres. Il y reviendra en 1904 pour la fête du 15 août et, à
cette occasion, traverse la crique sur un fil tendu, d'une falaise à l'autre.
En juin 1890, on le retrouve à Marseille puis à Nice, employé par le cirque Bazola, pour trois
semaines de représentation. Devant le succès rencontré, il revient en février 1891 pour
traverser le fleuve côtier Paillon, à son débouché sur la Baie des Anges, à 19 mètres de haut.
Dans la foulée, il traverse la rade à 95 mètres de haut.
D'JELMAKO SUR SON FIL PAYS BASQUE D'ANTAN |
Sa devise : "toujours plus haut et toujours plus loin !"
A Lyon, en 1894, il fait une exhibition à l'occasion de l'Exposition Universelle, Internationale et
Coloniale qui se tient dans le parc de la Tête d'Or.
La presse ne tarit pas d'éloges sur son compte : "le Yankee aérien jouit d'une très grande
réputation que lui ont valu ses extraordinaires aventures. Les citer serait trop long, il nous
suffira de dire que, seul imitateur de Blondin, il traversa, sur une corde tendue, les chutes du
Niagara.
Deux représentations : une l'après-midi et l'autre en soirée où D'Jelmako tiendra "en guise de
balancier, une quantité de fusées, chandelles romaines et autres pièces pyrotechniques qui lui
feront comme une auréole et éclaireront dans la nuit ce toujours émotionnant spectacle,
d'autant plus curieux que les artistes du genre de D'Jelmako se font de plus en plus rares."
A noter que cette exposition fut inaugurée par le Président de la République Sadi Carnot,
assassiné à la sortie du banquet donné en son honneur au Palais de la Bourse par l'ouvrier
boulanger Jeronimo Caserio, de Sète.
D'Jelmako n'oublie pas de se produire à Paris, qui consacre les carrières artistiques et a
toujours été friande des exploits de cirque.
Il donne un spectacle à l'Hippodrome puis traverse le lac des Buttes-Chaumont à 30 mètres de
haut, sur une longueur de 108 mètres.
Le tarif de l'entrée est de 50 centimes, l'affiche représente "D'Jelmako, le Blondin indien" en
tenue adéquate portant un fût de canon crachant le feu avec, dans un angle, un cartouche où
on le voit portant sur ses épaules une personne.
AFFICHE D'JELMAKO BUTTES CHAUMONT |
Pour ne pas lasser son public, il doit innover et il revient en Provence, pour frapper un grand
coup.
Aux arènes de Nîmes, le 14 avril et le 2 mai 1909, il présente un appareil de son invention qu'il
a baptisé "torpille aérienne", un engin en forme de cigare ou de fuseau qui se déplace sur deux
roues, mû par un moteur à pétrole et glissant sur un fil.
Avec ce nouveau numéro, il fait une tournée européenne triomphale.
D'JELMAKO ET SA TORPILLE NIMES 1909 |
D'JELMAKO A NIMES 1909 |
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