LES PASTORALES EN JUILLET 1921.
La pastorale est un spectacle théâtral traditionnel du Pays de Soule, de plein air et amateur, rassemblant chaque année la population d'un village ou d'un groupe de villages.
Voici ce que rapporta à ce sujet Etienne Decrept, dans le quotidien La Gazette de Biarritz-
Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, le 16 juillet 1921 :
"Le Théâtre Basque et ses origines.
Les Pastorales — Les Farces — Les Chikituak.
Mes preuves sont toutes de sentiment ou dues à la raison raisonnante. Il est permis à mes adversaires de me dire : Le plus ancien des manuscrits connus est celui de l'Oedipe créé en 1759, d'accord, mais rien ne prouve qu'il n'y ait pas eu d'oeuvres antérieures dont les traces ont pu disparaître pour cinquante causes qu'il est inutile d'énumérer ; et ils persistent à considérer la plupart des "cayers" existants comme des copies et non comme des originaux, procédé commode pour rendre une thèse indestructible. Eh bien ! je leur réponds : Messieurs, tant que vous ne m'aurez pas présenté le document devant lequel on s'incline sans discussion, je m'obstinerai à croire que le théâtre souletin n'a rien de commun que de vaines apparences avec les mystères français du Moyen-âge.
Les lecteurs de la Gazette voudront bien croire que je n'entretiens aucune hostilité contre les Pastorales et que je ne nourris pas de noirs desseins contre leur existence. Qu'il plaise à d'innocents campagnards d'affubler les personnages les plus divers de la Fable et de l'Histoire profane ou sacrée d'oripeaux ridicules et de leur faire exprimer les pensées les plus sottes dans le langage le plus plat et le moins harmonieux, tout en les obligeant à accomplir des gestes d'une ahurissante extravagance, je n'y vois pas le moindre inconvénient. Du moment que toute cette carnavalade amuse protagonistes et spectateurs, je ne m'oppose nullement à la satisfaction d'un goût, à la communication d'un plaisir.
Encore que les notions d'histoire que l'on y enseigne ne soient pas précisément faites pour donner à nos paysans une idée un peu acceptable du passé, comme j'ai la quasi certitude que pas un assistant ne retiendra un iota des énormités entendues, je suis bien tranquille quant à leur nocivité, en admettant même que je réclamasse de la scène une part d'un didactisme spécial dont je n'ai cure, le seul enseignement que j'oserais exiger d'elle étant celui de la langue eskuarienne.
S'il m'était permis de formuler un voeu, je supplierais les Pastoraliers de vouloir bien communiquer leurs ouvrages à quelque lettré souletin qui en redresserait les erreurs non pas anachroniques — elles sont plutôt réjouissantes — mais les erreurs linguistiques.
Ainsi, ce théâtre de qualité inférieure pourrait-il servir encore les intérêts supérieurs de la race, au lieu d'être préjudiciable dans une certaine mesure.
Les Farces.
A côté de ces Pastorales ou Trajeries profondément ennuyeuses, les acteurs occasionnels interprètent des farces charivariques paraphrasant presque toujours un fait scandaleux. Ces farces sont en petit nombre parce que les infortunes conjugales qui, en général, les inspirent, sont fort rares dans le loyal Pays Basque où la fille peut commettre une faute, mais où la femme n'est pour ainsi dire jamais infidèle.
Ces farces rappellent par le ton et la trivialité les productions du Théâtre de la Foire. Ce sont plutôt des parades que des comédies bouffes et leur esprit ne s'ébat certes pas dans les régions élevées. Il est vrai que le fameux esprit gaulois n'a guère d'autres sources d'inspirations que celles où puise l'esprit basque.
Mon Dieu ! Tout ce qu'on peut demander à leurs manifestations c'est de la rondeur bon enfant, de bon aloi, qu'elles soient truculentes et de "haute graisse" en faveur de quoi l'on voudra bien excuser leurs gravelures et leur scatologie, voire la part considérable qu'elles font aux exploits du petit dieu Crépitus ; mais qu'elles arborent franchement ces couleurs outrancières, qu'elles ne soient pas tissues et gênantes équivoques parce qu'à mon sentiment il n'est rien d'aussi calamiteux, passez-moi le mot, qu'un cochon sous la gaze.
Ces farces font partie d'un spectacle complet tantôt appelé "Asto Lassterrak" (courses d'ânes), tantôt "Toberak" ou Tobera mustrak" (charivaris) et qui commencent par une cavalcade en grands atours. Les cavaliers exhibent de superbes costumes écarlates, chamarrés d'or et couverts de bijoux et de coiffures fleuries, les uns et les autres assez semblables à ceux des Satans de Pastorales. Les piétons, au contraire, s'habillent de vieilles hardes, de chapeaux haut de forme défoncés, de robes et de mouchoirs de femme ; ce sont les farceurs de la troupe et c'est à eux qu'incombera le soin de jouer la parade, s'il y en a une, ou de composer la figuration sur les tréteaux si l'on se contente d'un récit fort détaillé de l'aventure chanté en strophes improvisées sur l'heure par un barde plus ou moins incorrect dans sa versification et invariablement plein d'audace dans son vocabulaire.
| SATANS PAYS BASQUE D'ANTAN |


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