LA SARDINE AU PAYS BASQUE EN 1935.
Au début des années 1930, le port de Saint-Jean-de-Luz connaît une crise de la pêche de la sardine, avec une concurrence espagnole et surtout portugaise.
Voici ce que rapporta à ce sujet A. J. Barère dans le Bulletin de la Société des sciences, lettres &
arts de Bayonne, en juillet 1935 :
"... Pêche de la sardine.
Suivant la méthode employée le traitement est différent.
Parlons d'abord de la méthode française par cuisson à l'huile :
Cuisson ou friture. — Les bassines rectangulaires d'environ 2 mètres de longueur sur 60 et d'une profondeur de 80 cm environ comportent des serpentins en cuivre pour permettre le chauffage, par la vapeur, de l'huile qui doit servir à la friture des sardines. La partie inférieure de la bassine comporte un fond légèrement incliné et est remplie jusqu'à 5 cm des serpentins avec de l'eau, la partie supérieure par de l'huile (environ 300 kilos par bassines). La température est portée à 130° et 135° et l'opération de la friture commence.
De chaque côté de la bassine les ouvrières plongent les grils dans l'huile bouillante. La cuisson varie suivant la grosseur du poisson entre 2 et 3 minutes, puis on retire les grils pour les faire égoutter.
Nous avons vu tout à l'heure que l'on commence à mettre dans la bassine de l'eau. Pour quelle raison ? Pendant la friture le poisson peut perdre des écailles, des paries de chair, qui tombent dans la partie inférieure de la bassine, c'est-à-dire : dans l'eau, si bien qu'après chaque opération on peut aisément vider l'eau de la partie inférieure avec les détritus qui s'y trouvent sans avoir pour cela à vidanger l'huile.
Combien peut-on cuire de sardines dans chaque bassine ? Environ 400 sardines par kilo d'huile, c'est-à-dire : 120 000 par bassine, mais il est facile de comprendre que le poisson plongé dans l'huile au début de la cuisson est de bien meilleur aspect que celui qui sera plongé dans l'huile vers le milieu ou la fin de la cuisson. En effet, quand on rebute l'huile à frire d'un bac parce qu'elle a atteint une souillure que l'on juge excessive, il y a déjà longtemps que le poisson est cuit avec une huile malpropre et par conséquent n'est pas délivré dans son meilleur état.
Si au contraire, un dispositif simple permet d'éliminer de l'huile au fur et à mesure où elles y apparaissent, les impuretés charbonneuses et autres, provenant de la cuisson, on obtiendra des produits cuits de meilleure qualité, d'une qualité égale, et d'un aspect favorable.
A dire vrai, il n'est pas de dispositif qui empêche l'huile de se souiller, mais on peut en ralentir considérablement la pollution tout en prolongeant l'existence de l'huile dans le bac d'une manière fort sensible et arriver à cuire les poissons dans une huile toujours propre par rapport au procédé habituel.
Comme impuretés qui apparaissent dans l'huile viennent en premier lieu des produits charbonneux de la cuisson, débris de chair de poissons carbonisés progressivement, écailles etc... Pendant son séjour dans la bassine à frire le poisson y abandonne également ses produits gras particuliers qui contribuent à donner à l'huile une saveur typique de poisson.
Pour remédier à cet état de choses, certaines usines bien outillées ont adapté sur leurs bassines à frire des appareils centrifuges pour nettoyer, clarifier les huiles de cuisson. Ces appareils sont de différents modèles ; nous en retiendrons deux :
Centrifuge à assiettes,
Centrifuge à bol.
1°. — Le centrifuge à assiettes est de maniement très facile pour certaines industries dont les produits à nettoyer ou à séparer ne nécessitent pas un nettoyage fréquent de l'appareil. L'appareil de décantation par centrifugation se compose à l'intérieur d'un cylindre, d'un certain nombre de troncs de cônes ou assiettes emmanchés sur axe et écartés l'un de l'autre de 4 à 12/10e de m/m.
Pendant la marche très rapide de l'appareil, les matières lourdes contenues dans l'huile se colmatent sur la paroi du cylindre ou s'arrêtent sur les assiettes, tandis que l'huile clarifiée passe à travers les assiettes pour remonter jusqu'à la goulette de sortie.
Ce système d'appareil est difficilement utilisable pour la clarification des huiles de friture, chargées de beaucoup d'impuretés pendant la marche de la cuisson.
2°. — Nous lui préférons le supercentrifuge à bol, appareil excessivement simple à manipuler et surtout à nettoyer. En effet, pour arrêter l'appareil, le démonter, le nettoyer et le remettre en état de marche, il faut, pour un ouvrier exercé, 10 à 15 minutes au plus.
En plaçant le supercentrifuge en dérivation sur le bac, c'est-à-dire : en prenant l'huile à la partie inférieure à l'aide d'une pompe et la rendant purifiée un peu plus haut, on enlève ces impuretés charbonneuses et les huiles et graisses de poisson dont la densité est différente de celle de l'huile de cuisson.
Le résultat est que l'huile garde sensiblement sa couleur initiale, le poisson cuit a une saveur plus franche et plus agréable et il a un bel éclat argenté.
En outre, l'huile de cuisson qui imbibe le poisson n'ayant plus la teinte foncée qu'elle prend très vite si on ne l'entretient pas, ne dégorge plus dans l'huile de couverture et ne la rougit plus.
Ceci au point de vue qualité du poisson cuit.
Un autre point intéressant est l'économie d'huile qui résulte de son entretien continu.
En dehors de l'économie réalisée on peut prolonger une cuisson jusqu'à 150 à 175 000 sardines par bassine, au lieu de 120 000 et la sardine cuite en dernier lieu est du même aspect que la sardine cuite en début de cuisson. Cette supercentrifugation s'exécute à une vitesse angulaire très importante, puisque le bol dans lequel passe l'huile pour sa clarification, tourne à 14 000 tours par minute, soit 235 tours à la seconde.
Finalement, quand les huiles de friture sont tout à fait usées, elles sont pompées dans des bacs de décantation pour être ensuite vendues aux savonneries.
Les savonneries désodorisent et clarifient cette huile après l'avoir neutralisée et s'en servent pour la confection des savons ménagers, en particulier pour la confection du savon mou, dit : savon de Clichy.
Quand les grils de sardines sortent des bassines à frire, on les met à égoutter et à refroidir sur des étagères jusqu'au travail de l'emboîtage.
Avant de décrire cette opération, je ne veux pas omettre de vous parler de la méthode de cuisson employée en Espagne et au Portugal.
La cuisson à la vapeur. — Dans cette méthode pas besoin de séchage.
Au sortir de la saumure les grils sont empilés sur des chariots que l'on introduit à l'intérieur des étuves, sortes de grands caissons en tôle. Une porte munie d'écrous assure une fermeté étanche. On ouvre un robinet qui laisse entrer la vapeur à l'intérieur de l'étuve. On cuit entre 105 et 110° en 10 minutes au maximum.
Au cours de cette cuisson, par contraction de la chair, il se produit une élimination partielle des matières grasses de la sardine, mais pas en quantité suffisante. Les matières grasses que garde forcément la sardine par ce procédé de cuisson lui donneront un goût acide bien connu des consommateurs.
Au point de vue industriel la cuisson à la vapeur est très rapide puisqu'on peut cuire 10 à 15 000 sardines à la fois toutes les 20 minutes et si elle est bien pratiquée, elle donne des produits de bonne qualité courante mais ne vaut pas et de loi, la cuisson à l'huile — méthode française — plus onéreuse mais qui donne un produit très apprécié.
L'emboîtage. — Les ouvrières, assises devant leur table d'emboîtage reçoivent devant elles le gril rempli de sardines et un service de manoeuvres place auprès d'elles les caisses contenant des boîtes vides de fer blanc à remplir.
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| EMBOITAGE CONSERVERIE AMIEUX FRERES |
Commence alors l'emboîtage :
On peut dire que l'emboîtage de la sardine se fait "à l'aveugle." En effet, le fabricant de fer blanc livre ces emballages avec le couvercle d'ouverture soudé et la boîte se remplit à l'envers, si bien que l'ouvrière, lorsqu'elle place ses sardines dans la boîte, doit placer le ventre du poisson à l'envers, de façon à ce qu'à l'ouverture le côté argenté paraisse et donne une meilleure présentation au produit.
Les sardines mises en boîte sont parées et la boîte terminée, l'ouvrière place celle-ci devant elle en pile.
L'emboîtage tel que nous venons de le décrire c'est-à-dire : côté argenté du poisson placé à l'envers, s'appelle "emboîtage au blanc", pour le différencier de l'emboîtage au bleu. Cette seconde sorte d'emboîtage s'exécute en plaçant la sardine dans la boîte dans l'autre sens, c'est-à-dire : sur le dos, de façon à ce que l'ouverture, le poisson présente le côté bleu, c'est-à-dire : le dos. En France le consommateur n'a pas l'habitude de la présentation au bleu, mais le marché anglais par exemple, préfère celle-ci à la présentation au blanc.
Il n'y a pas lieu de discuter des goûts et des couleurs.
Nous avons donc dit que les boîtes une fois remplies de sardines sont déposées par l'ouvrière devant elle en piles.
Les manoeuvres passent devant les tables, ramassent ces piles de boîtes et les portent sur les tables d'huilage à proximité. Nous passons donc à :
L'huilage. — Si pour la friture on emploie presque exclusivement l'huile d'arachide, il n'en est pas de même pour la "couverture" des boîtes car celle-ci se fait soit à l'huile d'arachide, soit à l'huile d'olive.
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| HUILAGE INDUSTRIE SARDINIERE 29 DOUARNENEZ BRETAGNE D'ANTAN |



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