UN DISCOURS PATRIOTIQUE À BAYONNE LE 24 NOVEMBRE 1918.
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L'armistice de 1918, signé le 11 novembre 1918, à 5h15, met fin provisoirement aux combats de la Première Guerre mondiale. Il reconnaît de facto la victoire des Alliés et la défaite de l'Allemagne, mais il ne s'agit pas d'une capitulation au sens propre, cet armistice étant prévu pour durer 33 jours, puis il a été ensuite renouvelé.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-
Luz, dans plusieurs éditions :
- le 24 novembre 1918, sous la plume d'E. Seitz (suite) :
"... Les Alsaciens et les Lorrains, tels que les ont laissés 48 ans d'oppression allemande, ressemblent à ce "Mülhauser Tagblatt" ; même quand la langue parle boche, le coeur parle français.
Français, ils furent avant la défaite de 1870 ; Français ils restèrent pendant le demi-siècle d'esclavage dont ils ont payé cette défaite ; Français ils sont, plus que jamais, au lendemain de la Grande Victoire. Oui, l'Alsace-Lorraine est trois fois française ; elle sort si grande de la grande épreuve, que son nom est devenu un symbole et un drapeau, le symbole de toutes les oppressions injustes, le drapeau de toutes les revendications nationales.
L'Alsace-Lorraine, en effet, a écrit dans l'histoire la plus émouvante page du loyalisme courageux et persévérant qui brave toutes les persécutions et toutes les violences. Non seulement, par la voix de ses représentants, elle fit entendre à l'Assemblée Nationale de Bordeaux la protestation imprescriptible que tout le monde connaît, mais sa fidélité à la France ne cessa de se manifester pendant 48 ans d'oppression. A la suite du traité de Francfort, on compta officiellement, en 1872, 374 346 Alsaciens-Lorrains ayant opté pour la nationalité française, le quart de la population. Mais tous ne purent pas s'expatrier, heureusement d'ailleurs, car qui aurait défendu la tradition française aux pays annexés, s'ils avaient été abandonnés aux immigrés d'Allemagne ? Or, depuis 1872, à toutes les élections, les Alsaciens-Lorrains ne cessèrent d'élire des députés protestataires, au point que seize ans après l'annexion, sur 15 députés élus, 15 étaient des protestataires réclamant le retour à la France. Rien n'a pu modifier l'âme de nos frères annexés, ni les promesses, ni les flatteries, ni les menaces. Bismarck, en plein Reichstag, le 5 mars 1874, essayant de justifier l'annexion, disait :
"Nous avons dû rogner la pointe (la pointe de Strasbourg) qui pénétrait profondément dans les chairs de l'Allemagne, car c'est précisément dans cette pointe qu'habite une population qui, pour l'humeur guerrière et la haine contre les Allemands, ne le cède en rien aux Français. Nous avons appris à connaître, dans les guerres, l'effet de l'épée alsacienne combattant contre les Allemands qu'elle traitai en ennemis".
Il n'était pas inutile peut-être de rappeler cet hommage rendu par Bismarck à la francophilie et à la germanophobie d l'Alsace et de le rapprocher du témoignage tout récent du haut commandement allemand demandant secours à la France contre les manifestations et les soulèvements antiboches de l'Alsace-Lorraine.
Ne pouvant venir à bout de la résistance des Provinces, l'Allemagne usa contre elles des rigueurs nouvelles. Au Reichstag, en 1882, le député Antoine fit entendre la plus fière des protestations :
"... Après 11 ans, il vous plaît de prononcer le Vae Victis contre l'Alsace-Lorraine ; nous le subirons avec plus de dignité que vous n'avez mis d'ardeur à le prononcer. Nous ne cesserons de protester et, malgré vous, il nous restera ce que vous ne pourrez jamais nous enlever, l'espoir ! Nous aussi nous crierons à nos populations d'attendre, car, au-dessus de vos menées, il y a la majesté du Droit et de la Justice".
Ici encore il nous plaît de mettre en parallèle, le langage et l'attitude du représentant de l'Alsace douloureusement opprimée, avec l'attitude pleurnicheuse et suspecte des Boches d'aujourd'hui, incapables de supporter dignement les maux et les souffrances dont ils sont les auteurs responsables.
Non, la mentalité alsacienne-lorraine ne peut rien avoir de commun avec la kultur allemande. En vain, a-t-on expulsé Antoine et d'autres protestataires trop encombrants ; en vain a-t-on favorisé l'immigration intense des Prussiens aux pays annexés, la représentation législative de l'Alsace-Lorraine comprenait encore, au début de la guerre, des protestataires comme Blumenthal et l'abbé Wetterlé, que nous avons applaudis à Bayonne, comme le socialiste Weill, de vrais Français qu'attend impatiemment la tribune française.
De cette Alsace et de cette Lorraine, nous sommes les fils, fiers depuis toujours, heureux au-dessus de toute expression depuis la journée éblouissante du 11 novembre. Aujourd'hui surtout, nous vivons en pensée l'ivresse de nos frères de Strasbourg et des deux provinces ; avec eux, de toute notre tendresse, de toute notre admiration, de toute notre éternelle reconnaissance, nous glorifions les soldats vainqueurs, qui vont défiler devant le monuments des strasbourgeois Kleber et Kellermann et devant la maison natale de notre immortelle Marseillaise, car l'Alsace, jalouse de la gloire de la Lorraine, qui avait donné à la France la sainte libératrice Jeanne d'Arc, a voulu à son tour donner à la patrie l'hymne libérateur, l'hymne glorieux d'héroïsme et de victoire.
Et nous surtout, Alsaciens-Lorrains qui avons fait de la région pyrénéenne notre seconde patrie, nous éprouvons une joie et une fierté nouvelles à partager avec toutes les Pyrénées, avec tout le midi de la France l'orgueil de voir un tarbais, le maréchal Foch acclamé par l'Univers entier comme le vainqueur du kolosse allemand, comme le libérateur de toutes les Alsaces-Lorraines.
Je m'arrête, craignant d'avoir peut-être abusé d'une trop bienveillante attention. Si j'ai été trop long et si je n'ai pas toujours été maître de mon enthousiasme ni de mon émotion, je m'en excuse.
Aujourd'hui, le coeur est à Strasbourg et j'ai dit "quel est mon pays !"
Acclamons-le, d'une seule voix, frères d'Alsace et de Lorraine : "Vive la France !"
- le 25 novembre 1918 :
"Bayonne.
La fête de l'Alsace-Lorraine.
Nous avons relaté brièvement, hier, les belles manifestations par lesquelles a été fêtée à Bayonne, la libération des chères provinces et l'entrée triomphale à Strasbourg. Si la place ne nous avait pas été mesurée, nous aurions eu bien d'autres détails à relater.
Il convient, entre autres, de remercier tout spécialement M. Le consul de Portugal, le vicomte de Wildick, qui a une âme de Français et de Poilu, puisqu'il n'a pas hésité, malgré son très grand âge et ses souffrances, à venir assister à toutes les cérémonies, même à celle du cimetière ; il a prononcé, à la Place d'Armes, un discours dont nous tenons à reproduite les parties essentielles :
| PLACE D'ARMES ET JARDINS BAYONNE 1918 PAYS BASQUE D'ANTAN |




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