LES TOMBES DISCOÏDALES.
L'art funéraire Basque se caractérise par des sculptures sur pierres (stèles discoïdales ou tabulaires, ou pierres tombales), dont les plus anciennes datent de la fin du 16ème siècle.
Voici ce que rapporta à ce sujet la presse, dans diverses éditions :
- La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, le 15 avril 1930, sous la plume de
Henri Godbarge :
"La conférence de M. Godbarge à Duconténia.
...En résumé, pour déchiffrer l'énigme de la décoration basque, il faut donc fouiller le problème qui s'est posé, et qui se pose encore, sur la genèse de la décoration pro-romane et sur la genèse de la décoration romane, en France, en Espagne, problème encore insuffisamment étudié.
J'ai eu la témérité de l'examiner selon une méthode de professionnel, la méthode de l'étude directe du morceau archéologique. Et je n'ai voulu recourir aux documents écrits de l'érudit historien, qu'après cet examen. J'ai eu la témérité bien plus grande encore de formuler quelques hypothèses et même quelques conclusions qui s’appuient moins sur l’histoire de l'art et de l'art archéologique, que sur des analyses techniques professionnelles à mon sens beaucoup plus sûres, dans certains cas, et, notamment, dans le cas du problème euskarien, lequel est sans grandes données historiques.
Aussi, voulez-vous me permettre de vous entretenir un instant des fouilles de Périgueux.
Les fouilles de Périgueux sont suggestives à tous égards. Les photographies contenues dans la Tombe Basque de Colas m’avaient frappé. Il y avait analogies troublantes entre ces reproductions et certaines ornementations, tracées, gravées, aussi bien sur la pierre que sur le bois des coffres anciens, tant en Labourd, qu'en Navarre, qu'au Musée de Saint-Sébastien, qu'à Burgos. Mais la photographie ne rend qu'imparfaitement la physionomie sculpturale d'un bas-relief ou d’un haut-relief. Ma visite au Musée, grâce à l’obligeance du conservateur, M. de Fayolle, me fut très utile. Dans le préau couvert, où, judicieusement, sont réunies de riches collections archéologiques, côte à côte, sont exposés des morceaux vétustes et moussus ou des pierres médiévales, trouvés en cette antique cité, submergée par diverses civilisations. Là sont des ruines très bien conservées : chapiteaux romains, ou gallo-romains, chapiteaux pro-romans, byzantins et enfin romans ; avec cela, toutes les pierres tumulaires de ces diverses époques. Cet examen est, en vérité, très suggestif, comme je l'ai déjà dit, pour qui analyse les curieux tâtonnements qui précèdent et qui président aux débuts d'un style aussi bien qu'à l’évolution, qu’à la stylisation qui suivent les déformations premières. Notamment, les stylisations s'affirment et s'accentuent au fur et à mesure du développement de ce style. Comme pour les chapiteaux romains d'Espagne qui furent copiés, interprétés, par les Maures de Cordoue ou de Fez, on constate des imitations faites par les Gaulois, éduqués à la romaine ; puis, des stylisations de chapiteaux gallo-romains, quand les copies d'imitation succédèrent aux copies directes ; ensuite, une sorte de stylisation pro-romane, faite de survivances romaines qui précédèrent l’apport des motifs orientaux. Par la suite, on constate une ornementation mi-romaine, mi-byzantine ; enfin, les morceaux archéologiques romans du Xle et Xlle siècles parfaitement stylisés, mais dont l'air de parenté avec les morceaux gallo-ro mains est manifeste, malgré l’introduction d'éléments étrangers. Même processus, en définitive, que le processus architectural et ornemental d'Espagne et des provinces basques. D'ailleurs, il y a unanimité d’opinion entre critiques d’art sur ce sujet. C'est ainsi que se sont formés, c’est l’opinion unanime, tous les styles, surtout les styles de civilisation, à leurs débuts.
FOUILLES PERIGUEUX 1930 |
LIVRE LA TOMBE BASQUE LOUIS COLAS |
Mais examinons de plus près cette ornementation dont les apports orientaux, apports géométriques, surtout, sont évidents à Périgueux. Sont-ce des apports byzantins ou des apports islamiques ... Question troublante pour nous.
Les érudits discutent encore. Je crois que le champ de la discussion pourrait être limité grâce à des constatations techniques professionnelles sur lesquelles on n'a pas assez insisté. Les procédés du tailleur de pierre ou du sculpteur byzantin sont-ils les mêmes que ceux des professionnels musulmans ?...
Eh ! bien, non. L'un, le Byzantin, modèle à la manière du sculpteur grec, l’autre, le Maure, champlève à la manière de l’ouvrier décorateur, ou plu tôt, à la manière du dessinateur persan. J'ai signalé ce procédé au début de ces études en citant, du reste, M. Malagarie, procédé de méplat qui fouille une surface plane sur laquelle le dessin de l’ornementation a été soigneusement tracé ; les parties en creux sont également en méplat horizontal. Il y a donc dans une œuvre mauresque ou mudéjare, deux ou trois plans horizontaux pour les jeux de lumière, deux ou trois "nus", comme il est dit en termes de métier, tandis que l'ornemaniste byzantin qui a reçu l'éducation artistique grecque obtient ses jeux de lumière et de plans à la manière du sculpteur latin, lequel recherche le modelé naturaliste imitant davantage la nature multipliant les creux, les vallonnements, les "gris" et les "noirs", autrement dit, il use de ce qu'il est convenu d'appeler la couleur sculpturale et cela en ayant, comme matière, aussi bien la pierre que le bois. Or les morceaux lapidaires romans de Périgueux qui ont des dessins analogues à ceux du Pays Basque, et qui se trouvent sur les stèles, linteaux ou coffres à bois, ont un modelé byzantin. Aussi, en professionnel, je déclare qu'il y a là influence purement byzantine comme du reste, on devait s'y attendre, en cet endroit ; car ces vétustes pierres sont des vestiges d'une vieille ville ou s'est édifiée la cathédrale Saint-Front, dont les éléments de construction sont à l'imitation de ceux de Sainte-Sophie chef-d’œuvre byzantin, comme chacun sait. Cette conclusion est corroborée car d’autres données historiques que je reprendrai en examinant les hypothèses de M. Dieulafoy, l'éminent maître archéologue bien connu.
LIVRE LA TOMBE BASQUE LOUIS COLAS |
En revanche, la taille sculpturale, pour graver dans la pierre, les dessins euskariens, dessins géométriques, identiques de forme aux dessins byzantins comme je l'ai déjà dit, cette taille, dis-je, est faite, à la manière du champlevage, qui est la manière islamique de Cordoue, manière perpétuée et transmise par les Mudéjares en Castille et surtout en Catalogne, même après le départ des Maures vaincus et refoulés en Andalousie, province qui fut pendant longtemps le centre artistique, la grande école de tous les professionnels du bâtiment, car elle forma : maçons, tailleurs de pierre, charpentiers, ébénistes et surtout ornemanistes ou géomètres, tous imprégnés de la civilisation mauresque, laquelle était la plus avancée de l'époque. Je note que cette constatation professionnelle de la différence entre les dessins byzantins et les dessins décoratifs basques s'adapte étroitement à la thèse qui résulte de mes constatations faites au cours d'une enquête architecturale et que je résume en ces quelques mots.
Les provinces d’Espagne ayant subi les fortes empreintes de la civilisation très florissante islamique, même après la reconquête, ont transmis ces survivances à la fois espagnoles et islamiques en Navarre et dans les Provinces Basques, à l’époque historique où celles-ci naissaient à la vie politique.
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