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lundi 5 septembre 2022

UN PROJET DE CANAL DES PYRÉNÉES DE BAYONNE À TOULOUSE EN 1840 (quatrième et dernière partie)

 

UN PROJET DE CANAL DES PYRÉNÉES DE BAYONNE À TOULOUSE EN 1840.


Dès 1832, un projet de canal existe entre Bayonne et Toulouse.



pays basque autrefois livre canal pyrénées
LIVRE CANAL DES PYRENEES
PAR LOUIS GALABERT


Voici ce que rapporta La Gazette du Languedoc, à ce sujet, le 10 janvier 1840 :



"Toulouse, 10 Janvier.


Canal des Pyrénées. (Suite et fin.) 



... Mais comme il y a deux villages portant le nom Chelles, savoir, en amont de Tournay, Chelles-Dessus, et, en aval de cette petite ville, Chelles-Debat, et que le Journal Politique n'indique pas clairement celui de ces deux villages qu’il a en vue, nous voulons bien lui accorder que c’est Chelles-Debat, placé à environ 10 mètres au-dessous de Tournay. Alors l'erreur du Journal Politique ne sera plus que de 141 mètres, ce qui est bien quelque chose. 



canal ecluses haute-garonne
65 CHELLES DEBAT



Nous avouons que l’établissement du Canal des Pyrénées exige le percement d’une partie du contrefort qui existe entre la Neste et l’Arros. On a vu que ce percement doit être opéré dans un schiste qui n’est point résistant. Le Journal Politique y trouve de grandes sujétions. M. l’ingénieur Colomes, adversaire constant du Canal des Pyrénées, ne voit là qu’un moyen facile d’unir Toulouse et Bayonne par une ligne navigable. Le Journal Politique demande si le commerce ne trouverait pas un avantage réel à abandonner le canal à Montréjeau, et à faire les transports par le roulage, jusqu’à Chelles, pour éviter les lenteurs et les inconvénients de la navigation par le canal entre ces deux points... Ici, où l’auteur de l’article ne connaît point les intérêts réels du commerce, ou il ne connaît ni les projets qu’il attaque, ni les lieux où il multiplie les inconvénients et les lenteurs. Embarquer des marchandises à Toulouse pour les débarquer à Montréjeau, les placer sur des voitures, et les transporter par le roulage à Chelles, et les embarquer là de nouveau, voilà ce que le commerce ne voudra jamais. Le débarquement, puis le chargement et le déchargement des voitures, et enfin le second embarquement des marchandises, tout cela entraînerait des délais, une perte de temps extrêmement nuisible et des inconvénients réels. Le débarquement de la cargaison d’un bateau de cent tonneaux, comme la plupart de ceux qui naviguent sur le Canal du Midi, ne pourra être opéré en moins d’un jour. Le chargement de dix voitures pour cette cargaison, en les supposant même toutes symétriquement alignées et disposées sur le port, ne pourra avoir lieu en moins de dix heures. La distance à franchir ne pourra l'être que dans quinze heures. Le nouvel embarquement ne pourra avoir lieu en moins de douze heures. Ainsi, pour parvenir de Montréjeau à Chelles, par le roulage, selon que le propose le Journal Politique, il faudra donc, en y apportant toute l’activité possible, 61 heures. Voici le temps qu’emploierait à ce trajet un bateau marchand :


De Montréjeau à St-Paul, pour passer 9 écluses. 1 h. 30 m.

De St-Paul mi souterrain, 23 écluses. 3 h. 50 m.

De la sortie du souterrain, à l'Arros, 45 écluses et demi. 8 h. 00 m.

De l’Arros en aval de l’Eehelle-Dieu, 14 écluses. 2 h. 20 m.

D'en aval de l’Echelle-Dieu à Tournav, en aval de Chelles-Dessus, 13 écluses. 2 h. 30 m.

De Tournay à Chelles-Debat, en supposant que ce point est celui désigné par le Journal Politique, 4 écluses. 0 h. 40 m.


Temps employé pour le passage des écluses. I7 h. 70 m.

Navigation entre les retenues.  7 h. 00 m.


Total 24 h. 70 m.



Temps employé par le roulage à franchir l’espace entre Montréjeau et Chelles-Debat 61 h. 00 m.


Différence en faveur du canal.... 36 h 30 m.


canal ecluses haute-garonne
ECLUSES 31 CASTELNAUDARY


Et si l'on réfléchit aux avaries que supporteraient les marchandises à leur débarquement à Montréjeau, à leur chargement et à leur déchargement, et à leur embarquement à Chelles, on verra que la voie du canal devrait continuer à être préférée. 



Au reste, nous avons même augmenté, à dessein, le temps du passage des bateaux de commerce, ou des navires, dans les écluses, afin de montrer à nos adversaires une générosité dont ils n’ont jamais fait preuve envers nous. Mais nous ne devons pas perdre de gaieté de cœur tous nos avantages. Nous devons donc faire remarquer que l’on ne voudrait établir qu'un canal de petite navigation de Toulouse à Montréjeau ; que l’on hésite ensuite pour savoir si l’on jettera une branche du canal vers Bayonne, que l’on parle de transporter par le roulage les marchandises à Chelles, où commencerait le canal occidental, oubliant que le commerce n'adopterait point cette route, qui entraînerait des lenteurs et des avaries, et qu’en scindant ainsi la ligne navigable, on tromperait l’espoir et les vœux des populations qui demandent qu’un canal, susceptible de recevoir des bâtiments de mer de 120 tonneaux, soit creusé de Toulouse à Bayonne...



pays basque autrefois canal pyrénées
PROJET CANAL DES PYRENEES 1830
PAR LOUIS GALABERT


Que dire après cela de l'idée émise dans le Journal Politique et qui consiste a jeter le canal dans la vallée de l’Adour ? C’est ici un atermoiement que l’on voudrait obtenir, un moyen de retarder l’exécution du canal ; car on demande à examiner, à faire des études à ce sujet. Mais ignore-t-on que ces études ont été faites, qu’elles ont été proposées par M. Colomez, et qu’il a dit, après un long et consciencieux examen, que le contrefort entre l'Arros et l’Adour (à la jonction des deux vallées) présente un obstacle sérieux ; que sa largeur est considérable ; que les points correspondants des deux bassins ne sont pas au même niveau ; et que, soit que l'on aille réunir ces deux branches de navigation an confluent des deux bassins, soit que l’on veuille franchir le contrefort à ciel ouvert, en côtoyant les deux penchants opposés, soit enfin que l'on préfère un souterrain, les difficultés ne sont pas insurmontables, mais qu'elles exigeront une dépense considérable




pays basque autrefois canal pyrénées
PROJET CANAL DES PYRENEES 1830
PAR LOUIS GALABERT


Voilà l’idée du Journal Politique jugée par le plus consciencieux ennemi du Canal des Pyrénées, qui, fâché de ne pouvoir faire passer ailleurs d'une manière rationnelle la ligne occidentale de ce canal, qu’il voulait réformer, proposa la création d’un chemin de fer entre Toulouse et Bayonne, et qui, après avoir exposé son système relatif à la vallée de l’Adour, s'exprima ainsi : "Si l’on me demande ce que je pense moi-même sur le choix à faire entre les deux systèmes, je répondrai, sans hésiter, que tant qu’il ne s’agira que d'une navigation, le projet actuellement en discussion (celui de M. Galabert) satisfait il est vrai moins d'intérêts (locaux) mais rencontrera aussi beaucoup moins de difficultés d’établissement ;  et qu'il me parait devoir sortir avec succès des épreuves comparatives." Cet aveu fait par un homme de mérite que l’on n’accusera pas de partialité en faveur du Canal des Pyrénées, renferme la condamnation expresse de toutes les objections, de toutes les difficultés, de tous les projets nouveaux, ou que l’on veut mettre à l’étude. Le pays demande l’exécution du Canal des Pyrénées, tel qu’il a été conçu par son auteur, tel qu'il l’a présenté à nos provinces, tel qu’une loi l'a adopté. S’opposer à sa création, c’est s’opposer à la prospérité du sud-ouest et du sud de la France, c’est se poser en ennemi de l’opinion publique, suffisamment éclairée par plus de quinze années de discussions oiseuses et d’oppositions intéressées et systématiques."




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vendredi 5 août 2022

UN PROJET DE CANAL DES PYRÉNÉES DE BAYONNE À TOULOUSE EN 1840 (troisième partie)

 

UN PROJET DE CANAL DES PYRÉNÉES DE BAYONNE À TOULOUSE EN 1840.


Dès 1832, un projet de canal existe entre Bayonne et Toulouse.



pays basque autrefois livre canal pyrénées
LIVRE CANAL DES PYRENEES
PAR LOUIS GALABERT


Voici ce que rapporta La Gazette du Languedoc, à ce sujet, le 10 janvier 1840 :



"Toulouse, 10 Janvier.


Canal des Pyrénées. (Suite et fin.) 



Nous avons montré dans les articles précédents que tous les moyens étaient bons pour nos ennemis, et que la fin les rend indulgents sur les moyens. Comme les adversaires du Canal des Pyrénées ont senti que de vagues critiques, que des objections sans portée près des hommes instruits, ne leur feraient pas atteindre le but proposé, ils ont eu recours à l’art du constructeur pour attaquer ce canal, dont la création contredit toutes les vues, tous les projets des hommes qui s'opposent à une entreprise favorisée par les vœux des populations du sud-ouest et du sud de la France. Mais. il faut l'avouer, les observations publiées contre le projet des ingénieurs des Ponts-et-Chaussées, employés autrefois par M. Galabert, ce projet, que l’on attaque avec acharnement, n’est pas même connu, dans son ensemble et ses détails, par ceux qui se sont fait ses adversaires.



On s'élève, d’abord, contre les dimensions du Canal des Pyrénées, même alors que l'on suppose que M. Galabert les a réduites à celles du Canal du Midi. Dans un canal de cette nature, les dimensions devraient, dit-on, être plus petites ; oubliant ou feignant d'ignorer qu'il s’agit d’un canal destiné aux bâtiments de Mer. Ce silence affecté à ce sujet, on se garde bien de le rompre, car il serait trop aventureux de s'élever contre l'unique moyen de joindre réellement l’Océan à la Méditerranée. Celte pensée est trop nationale, trop grande, pour qu’on ose l’attaquer de front.



On se trompe, et à dessein apparemment, sur le nombre des écluses. On le fixe à 387, et si l’on avait la moindre connaissance des plans fournis par MM. Colomès et de Surville, et sanctionnés par une loi, on saurait que, pour racheter les pentes sur les deux versants, il ne doit être construit,

1° Sur le versant oriental, ou de Toulouse, que 131 écluses. 

2° Sur le versant occidental, ou de l'Adour, que 153 écluses et 4 demi-écluses. 

En tout, 274 écluses. 



haute-garonne écluses canal autrefois
31 ECLUSE DE MONTESQUIEU-LAURAGAIS
HAUTE-GARONNE D'ANTAN



La différence entre les calculs des adversaires du Canal et ses créateurs, est donc de 113 écluses. Différence énorme, et que nous avions besoin de faire connaître à nos lecteurs, afin de les mettre à même d’apprécier avec quelle bonne foi on attaque un projet sanctionné par une loi, qui ne peut plus, comme on l'a vu, être soumis à une enquête, et qui, n’étant qu’une entreprise particulière, sort physiquement et moralement du domaine des hommes intéressés à le faire échouer. 



Le Journal politique affirme que le nombre d'écluses à construire sur le versant oriental, ou de Toulouse, est de 109 ; et nous, qui avons sous les yeux les plans, les coupes et les profils du terrain, ainsi que le tracé exact de la ligne navigable, nous affirmons que le versant oriental n'a que 121 écluses, ainsi disposées : 

De la sortie du canal souterrain avant d’atteindre Saint-Paul 23 écluses. 

De Saint-Paul jusqu’à Cier 17 

De Cier au delà de la Barthe-lnard 15 

De la Barthe-lnard au delà de Bouchalot.... 5 

De Bouchalot à Sainl-Martory 9 

De Saint Martory, en amont de Saint-Cizy.... 13 

De Saint-Martory à Saint-Elix 12 

De Saint-Elix à Muret 15 

De Muret à Toulouse 12 

Total 121



haute-garonne autrefois canal écluses
CANAL DU MIDI 31 LAUDOT
HAUTE-GARONNE D'ANTAN



Il est vrai que l'on prétend que la chute de ces écluses a été trouvé trop forte, et que l'on veut la ramener à une moyenne de 2 mètres 50. Mais le Journal Politique et Littéraire nous permettra de ne point accepter les dimensions que ses ingénieurs veulent donner aux chutes de nos écluses. Nous avons, en faveur de notre détermination, des exemples nombreux, et en 1825, comme en 1832, comme en 1838, les ingénieurs des ponts-et-chaussées, qui ont été employés au tracé du canal, ou qui l'ont examiné, ont cru que le maximum de chute adopté par M. Galabert, n’avait aucun inconvénient, et de nombreux exemples militaient d’ailleurs, comme ils militent encore, en faveur de cette fixation. Au reste, il est assez singulier qu’à Toulouse, ville baignée par le Canal du Midi, on feigne d’ignorer que la chute de l’écluse de Marseillette est de trois mètres huit cent cinquante-sept millimètres, et que celle de Négra est de quatre mètres soixante-dix-neuf millimètres. Cependant ces deux écluses sont situées sur le Canal du Midi, et nous invitons ceux qui ne les ont pas vues à consulter l'histoire de ce canal, par le général Andréossy, pages 572 et 579. — La hauteur des écluses du Canal de Briare, selon M. Huerne de Pommeuse, varie, depuis six jusqu’à treize pieds, et il cite aussi l’écluse de Rogni, qui a 7 sas accolés, rachetant une chute de 71 pieds 7 pouces, ce qui fait dix pieds deux pouces huit lignes par sas. L’écluse de Notre-Dame, en a une de treize pieds. Celles du Canal de Monklaud ont, chacune, douze pieds de chute. Lalande, enfin, dans son ouvrage sur les canaux, décrit l’écluse de Boussingues, entre Ypres et Fûmes, dont la chute est de vingt pieds. Il y a bien loin de là à la chute donnée aux écluses du Canal des Pyrénées, qui n’offriront aucun inconvénient. Mais les ingénieurs du Journal Politique ont voulu tout ramener à la moyenne adoptée pour le Canal Latéral, c’est-à-dire à ne donner que 2 mètres 50 centimètres de chute à chaque écluse ; nous ne pouvons expliquer que par cette volonté les erreurs de calcul dans lesquelles ils sont tombés. — Mais comme il faut aujourd'hui user de tous les moyens, on a dû s’attacher à celui-ci, afin d'en tirer cet argument : "qu'il y existe une erreur immense dans le projet ; car il faudrait construire 112 écluses en sus du nombre déterminé dans les dessins des ingénieurs de M. Galabert. Que de là d'ailleurs sort tout naturellement cet argument : le temps employé au passage de chaque écluse est de 6 à 7 minutes, pour les barques de poste ; elles devront traverser 387 écluses ; donc ces travaux d’art retarderont la marche des embarcations de poste de 40 à 45 heures. Pour les bateaux ordinaires, le passage exigeant un quart d'heure, il leur faudra 100 heures pour franchir les écluses"... Mais ce calcul est fautif à dessein. Et d’abord. même en acceptant les calculs du Journal Politique, le nombre d’écluses n’étant que de 274, il en résulte que le trajet à travers celles-ci ne sera, pour les bateaux de poste, que d'un peu plus de 27 heures au lieu de 45 ; et pour les barques marchandes, de 41 heures 19 minutes au lieu de 100. Mais comme nous sommes loin d’adopter la fixation de temps que l'on a si bénévolement accordé pour le passage des bateaux marchands dans les écluses, ne voulant nous même attacher qu’à relever l’erreur relative à ces derniers, nous croyons, avec le plus grand nombre des ingénieurs et des maîtres de bateaux, que ce passage ne doit être que de dix minutes dans chacune d'elles ; ainsi le temps employé à cette partie de la navigation, pour les bâtiments de commerce, ne sera réellement que de 27 heures 50 minutes. 



haute-garonne autrefois écluses canal
ECLUSE DE 31 CASTANET
HAUTE-GARONNE D'ANTAN



Après avoir relevé ces erreurs, qui proviennent de la détermination prise de ne point donner aux écluses les chutes qu'elles doivent avoir sans inconvénient, on avoue cependant que le canal est d'une facile exécution sur le versant oriental, ou vers Toulouse. Mais pour le versant occidental, ou pour celui de Bayonne, on multiplie les difficultés ; on dit qu’il faudra faire des tours de force ; on ne dit pas cependant, et un ingénieur ne pouvait se compromettre à ce point, on ne dit pas que sa construction est impossible. On objecte, et l'on paraît d’abord fondé sur des calculs, que de Montréjeau, dans la vallée de la Garonne, au village de Chelles, dans la vallée de l’Arros, sur une longueur de 55 mille mètres environ, la chute à racheter serait de 432 mètres et nécessiterait l’établissement de 172 écluses. 



Ici nous ne savons si les opérations de MM. Colomez et de Surville sont fautives, bien que confirmées par les nôtres, ou si ce sont celles de nos adversaires, qui , nous aimons à le croire, ont pu errer sur la direction donnée au Canal des Pyrénées. Mais voici les résultats de plusieurs nivellements faits avec soin, qui commencent à la sortie occidentale du souterrain, et qui s’étendent jusque à Tournay, en amont du Mausan. 



De la sortie du canal souterrain à l’Arros, en aval de Tilhouse 164m 54 

De l'Arros en aval de l’Echelle-Dieu 48m 09 

D’en aval de l'Echelle-Dieu à Tournay, en aval du village de Chelles-Dessus 63m 67 

Total 281m 30



Différence entre les calculs des ingénieurs de M. Galabert et ceux du Journal politique 151 mètres."




A suivre...







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mardi 5 juillet 2022

UN PROJET DE CANAL DES PYRÉNÉES DE BAYONNE À TOULOUSE EN 1840 (deuxième partie)

 

UN PROJET DE CANAL DES PYRÉNÉES DE BAYONNE À TOULOUSE EN 1840.


Dès 1832, un projet de canal existe entre Bayonne et Toulouse.



pays basque autrefois livre canal pyrénées
LIVRE CANAL DES PYRENEES
PAR LOUIS GALABERT


Voici ce que rapporta La Gazette du Languedoc, à ce sujet, le 6 janvier 1840 :



"Canal des Pyrénées.



... Nous avons montré que les critiques relatives au pas sage des bâtiments de mer, destinés à naviguer sur le Canal des Pyrénées, et sur celui de Languedoc, n’étaient pas fondées, puisque même, dans l'état le moins favorable, le plus désespéré de l’Adour, des bâtiments, calant sept pieds, pourront toujours franchir cette barre, et que nos vaisseaux de cabotage n’en calent ordinairement que cinq. Mais voici quelque chose qui, en apparence, parait bien plus sérieux ; il faut remarquer cependant que ce n’est, à vrai dire, qu’une dispute de mots. M. Colomez , ingénieur, dont nous ne contesterons pas le mérite réel, et qui a été employé par M. Galabert dans les études du Canal des Pyrénées, ayant conçu plus tard d'autres idées, s'est écrié : "Mais ce canal ne dessert point toute la longue ligne des monts qui nous séparent de l'Espagne. Par conséquent , il ne faut point le nommer le Canal des Pyrénées. Si vous voulez qu’il porte ce nom, faites-le circuler dans toutes les vallées, qu'il baigne tous les chefs-lieux, qu’il touche à toutes les villes importantes." D’abord, et M. Colomez l’a reconnu plus tard, 1e Canal des Pyrénées, qui prend les eaux qui doivent l’alimenter dans l’un des fleuves qui s’échappent de ces montagnes, qui se dessine dans les vallées de deux autres fleuves, sortis de la même chaîne, et qui coupe l'isthme Pyrénéen, ne saurait avoir de dénomination mieux choisie. — D’ailleurs le Canal des Pyrénées, en outre de ses avantages particuliers, a pour objet principal de prolonger le Canal de Languedoc jusqu'à l’Océan, de former une ligne navigable pour les bâtiments de mer, et de compléter la jonction de l’Océan à la Méditerranée, projetée par Riquet ; et M. Colomez a déclaré lui-même, à la chambre, dans la séance du 20 décembre 1831, que, "s'il ne s'agit que d’unir Toulouse à Bayonne par une navigation, on peut y parvenir en se bornant à établir une communication entre la Neste et l’Arros, comme le propose M. Galabert, et que ce projet, qui n'aurait qu'un point de partage, serait plus facile a établir que tout autre, dans ces localités." Après cet aveu solennel, comme il fallait cependant qu'il exposât son contre-projet, M. Colomez voulait, lui, faire passer le canal dans la vallée du Gave de Pau. Nous avons, autrefois, signalé les difficultés d'exécution de ce projet de canal, qui aurait plusieurs points de partage, qui traverserait plusieurs souterrains creusés dans le marbre, et qui ne serait pas assuré d’être alimenté par des eaux assez abondantes. Au reste, M. Colomez a avoué, en faveur de la création du Canal des Pyrénées, que la nature, elle-même, avait "aplani la difficulté que semblait former le contrefort qui sépare la Neste de l’Arros, en creusant un vallon secondaire, l’Avezaguet, qui semble n’être qu'une coupure profonde de ce contrefort, qui ne laisse à percer qu’un souterrain de peu d’étendue, dans un schiste favorable, en apparence, à ce genre de travail." Après avoir ainsi montré qu’il n’y a aucune difficulté physique qui empêche la formation de la ligne navigable de Toulouse à Bayonne, M. Colomez, dissimulant un peu quelques désavantages de son projet, a avoué, cependant, qu'un autre contrefort, placé entre l’Arros et l’Adour, lui présentait un obstacle sérieux que n’offrait point le projet de M. Galabert ; que la largeur de ce contrefort est considérable ; que les points correspondants des deux bassins ne sont pas au même niveau, et que, soit que l’on cherchât à réunir les deux branches de navigation au continent des deux bassins, près de Plaisance, soit que l’on voulût franchir le contrefort à ciel ouvert, en côtoyant les deux penchants opposés, soit enfin que l’on préférât percer un souterrain ; si ces difficultés n’étaient pas insurmontables, elles exigeraient du moins une dépense considérable. C’est pour cela qu'il demandait la création d'un chemin de fer de Toulouse à Bayonne, désirant cependant qu’une enquête fut faite relativement au Canal des Pyrénées. On sait comment le ministre des travaux publics et du commerce répondit à cette dernière demande. Ce fut, d’abord, en prouvant que le Canal des Pyrénées n’était pas dans le cas d’être soumis à cette formalité, car l’article 11 de l’ordonnance du 28 février 1831, qui prescrit des enquêtes pour ces sortes de travaux, porte textuellement : "Les formalités d'enquête ci-dessus déterminées ne seront pas applicables aux projets de canaux déjà remis à l’administration, et qui ont été ou sont en ce moment l'objet d’une instruction particulière." Or, voilà six ans, peut-être huit ans, que l’affaire du Canal des Pyrénées est en instruction, disait M. d’Argout, le 26 décembre 1831. Il est temps que la chambre statue, qu’elle l’adopte ou qu’elle le rejette." On sait que la chambre adopta. Aujourd’hui, par des calomnies, et aussi par des critiques du projet adopté, on voudrait remettre le tout en question. Légalement il n’est plus temps. Mais on désirerait, par-là, amener un ajournement, si le projet de loi est présenté, ajournement qui entraînerait les lenteurs inséparables de l’instruction de ccs sortes d'affaires ; on voudrait enfin briser par le découragement cette entreprise si grande, si noble et si utile. 


pays basque autrefois canal pyrénées
PROJET CANAL DES PYRENEES 1830
PAR LOUIS GALABERT

En attendant, comme on cherche à la présenter comme impossible, on s’attache à lui enlever ce qui est indispensable à l’existence d’un canal, l’eau qui doit l’alimenter. 



En jetant les yeux sur une carte de l’ancien Nébouzan, on voit sortir des bases du plateau de Pinas, une foule de cours d’eau qui rayonnent en quelque sorte d’un centre commun ; la Noue, la Louge, la Save, la Seguourde, la Gimone, le Gers, la Baïse, y prennent naissance, ou surgissent de ses contreforts. La Baise a été canalisée jusqu'à Condom, jusqu'à Nérac ; un ancien projet, conçu par M. d’Etigny, tendait à canaliser aussi le Gers. Mais ce célèbre intendant de la Guienne y renonça bientôt en considérant que pour amener les eaux de la Neste dans le Gers, il fallait se livrer à des dépenses énormes pour n'obtenir aucun résultat : car, quel serait le mouvement commercial à établir entre Auch et Lannemezan ou Pinas ? Le transport de quelques vins de l’Astarac, en échange de quelques planches, de quelques bois de construction ; mouvement qui existe d’ailleurs, et auquel on ne saurait donner une plus grande vélocité. Mais comme il fallait s’opposer à tout prix à l’exécution du Canal des Pyrénées, on veut presser la canalisation de la Baïse, et lui donner une partie des eaux de la Neste ; on reprend le projet, abandonné depuis plus de soixante-dix années, de canaliser le Gers. Enfin, par tous ces efforts, on espère qu’une enquête dira que la réalisation du projet de M. Galabert est impossible, car les exigences du département du Gers empêchent de lui donner les eaux nécessaires à l’alimentation de son canal.



pays basque autrefois canal pyrénées
PROJET CANAL DES PYRENEES 1830
PAR LOUIS GALABERT


 A ces moyens qui tendent hautement à la non exécution du Canal des Pyrénées on en a joint deux autres. On se rappelle avec quelle outrecuidance un journal annonça qu’il fallait renoncer à ce canal : qu'à ce prix, mais seulement à ce prix, on en aurait un autre qu'ou pourrait peut-être conduire jusqu’à Montréjeau. C’était, comme nous l’avons dit dans le temps, une prolongation du canal latéral, un moyen d’alimenter celui-ci, condamné, par le voisinage d’un fleuve navigable, à ne jouir d’aucune prospérité, à n’avoir aucun revenu, aucun moyen d’entretien tiré de ses propres ressources. On sait quelle fut l'indignation produite par cette annonce : rappeler un tel projet aujourd'hui, c'est renouveler cette indignation, si marquée, des populations menacées dans ce qu’elles considèrent, avec raison, comme le plus puissant élément de leur prospérité future.


pays basque autrefois canal pyrénées
PROJET CANAL DES PYRENEES 1830
PAR LOUIS GALABERT

Un autre canal a été proposé : il devait être d’abord d'irrigation simplement ; mais on a voulu qu’il fût aussi de petite navigation ; et le projet de création de ce cours d'eau a eu des prôneurs chaleureux ; mais ce qui devait en empêcher l'exécution, c’était le défaut de fonds suffisants pour une telle entreprise, purement agricole. On oubliait d’ailleurs, ou plutôt l’on feignait d'ignorer, que le Canal des Pyrénées devait être aussi un canal d'irrigation : on avait l’air de ne plus savoir que dans tous les prospectus de cette grande opération d’art, on avait compté, au nombre de ses plus précieux avantages, celui de jeter des eaux dans notre vaste plaine, brûlée par les ardeurs de l'été, et qui, déjà riche et féconde, verrait doubler la masse de ses productions, à l'aide des eaux que le Canal des Pyrénées déverserait, de plus en plus sur les campagnes, à mesure qu’il s’approcherait de Toulouse et de sa jonction avec le Canal du Midi."



A suivre...




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dimanche 5 juin 2022

UN PROJET DE CANAL DES PYRÉNÉES DE BAYONNE À TOULOUSE EN 1840 (première partie)

UN PROJET DE CANAL DES PYRÉNÉES DE BAYONNE À TOULOUSE EN 1840.


Dès 1832, un projet de canal existe entre Bayonne et Toulouse. Cependant, ce canal ne verra jamais le jour...




pays basque autrefois livre canal pyrénées
LIVRE CANAL DES PYRENEES
PAR LOUIS GALABERT




Voici ce que rapporta la presse régionale à ce sujet, dans plusieurs éditions :



  • La Gazette du Languedoc, le 28 janvier 1832 :

"Les travaux du canal des Pyrénées, qui fera communiquer les villes de Bayonne et de Toulouse, sont sur le point de commencer. On attend de grands résultats de ce canal, qui doit faciliter aux bâtiments de 100 à 200 tonneaux les communications entre la Méditerranée et l’Océan, et éviter ainsi au commerce le tour de l'Espagne et le passage du détroit de Gibraltar, toujours si pénible et si onéreux. Le canal doit avoir 22 mètres de large, et 3 de profondeur. Sa longueur totale, depuis Toulouse jusqu’au confluent du Gave et de l’Adour, sera de 339 kilomètres. Les pentes des versants se trouvèrent rachetées par 274 écluses de 3 mètres et demi de chute, et le passage de chaque sas devra s’opérer en cinq minutes. Plusieurs barrages seront nécessaires pour traverser la Garonne et l’Adour, et il faudra excaver un canal souterrain de 4 kilomètres. M. Galabert, concessionnaire de l'entreprise, en évalue la dépense à 40 millions, et les revenus à cinq millions six-cent quarante mille francs."




pays basque autrefois canal pyrénées
PROJET CANAL DES PYRENEES 1830
PAR LOUIS GALABERT



  • La Gazette du Languedoc, le 2 janvier 1840 :

"Le Canal des Pyrénées. 



Les populations du Sud-Ouest du royaume demandent, avec instance, la création du canal qui doit réellement opérer la jonction des deux mers, scinder l’isthme pyrénéen, et ouvrir une route aux bâtiments de cabotage de tout le littoral de la Méditerranée et des côtes de l’Espagne, de la France, et de l’Allemagne, baignées par l’Océan. De nouvelles pétitions, relatives à cette création, si désirée, viennent d’être déposées sur le bureau de la chambre des députés, et M. le duc d’Orléans, lui-même, a fait connaître à M. le ministre des travaux publics les vœux formés à ce sujet par les habitants des départements qu’il a parcourus. Qui ne croirait, d’après cela, que l’exécution de ce canal ne doit faire naître aucune difficulté réelle ? Néanmoins, c’est dans la ville qui doit le plus profiter de la réalisation du projet de cette grande voie de communication, qu’une opposition systématique se montre à découvert, qu’elle attaque l’idée principale, qu’elle critique les détails, qu’elle répand des doutes sur l’opportunité de cette création, sur ses avantages, sur sa possibilité même. Cette opposition a pour but, en réalité, non de faire changer l’opinion, elle ne saurait s’en flatter, mais de montrer qu’au centre même de la ligne du canal projeté, tout le monde ne croit pas à l’urgente nécessité de l’ouverture de ce canal, et pour montrer aussi qu’on a conçu d’autres projets plus avantageux, mieux tracés, et que l’on doit, dans l’intérêt général, opposer au projet déjà sanctionné par le comité même des ponts-et-chaussées, par la commission mixte, et enfin par une loi solennellement discutée, et rendue au commencement de l'année 1832. On espère encore assurer de l'importance à cette opposition, en lui donnant, pour organe, une feuille qui passe pour recevoir les communications de l’autorité. Cette marche est adroite, sans doute, et l’on remarquera que c’est par pure politesse que nous lui donnons cette épithète, qui pourrait être remplacée par une autre et plus sévère et plus vraie. On laisse croire, en effet, aux lecteurs étonnés que cette opposition part de très haut, qu'elle cache une pensée profonde, qu’en un mot, elle décèle la résolution, définitivement arrêtée, de rejeter le projet du Canal des Pyrénées, tel qu’il a été conçu, et tel que les populations du Sud-Ouest de la France désirent ardemment qu’il soit exécuté. Mais, peut-être, ce but n’a-t-il pas été aussi bien atteint qu’on l’espérait d’abord. Personne n'ignore qu’un loyal député de Toulouse, M. le colonel Espinasse, a demandé à M. le ministre des travaux publics s'il connaissait ces articles qui ont jeté l’alarme, et nous dirons même un profond mécontentement dans tous les cœurs, et M. le ministre a déclaré qu’il était étranger à leur pensée, à leur rédaction, à leur publication. Sans doute, parmi ceux qui travaillent sous lui, tous ne pourraient pas affirmer la même chose ; sans doute, les misérables intrigues ourdies à ce sujet se poursuivent, et l’œuvre de déception continue, par le journal même qui a, le premier, et contre le sentiment unanime de la presse de Toulouse et de tout le Midi de la France, arboré la bannière hostile à l'idée aussi grande qu’utile de terminer enfin le beau travail de Riquet, la jonction réelle des deux mers. 




pays basque autrefois canal pyrénées
PROJET CANAL DES PYRENEES 1830
PAR LOUIS GALABERT



On le sait : d’abord on a déclaré que le Canal des Pyrénées ne s’exécuterait pas ; on a ajouté que l'on pourrait bien, cependant, tracer un canal de Montréjeau jusqu’à Toulouse, mais que c’était tout ce que l’on ferait à présent ; et qu’opposer de la résistance à celte idée, et lui préférer le projet Galabert, c’était encourir l’indignation du pouvoir, c'était le moyen assuré de ne rien obtenir ; enfin qu’il fallait opter entre ce canal de petite navigation et le canal Galabert ; et que si l’on s’attachait à ce dernier, on n’aurait rien, absolument rien. Ces menaces insolites, ces prescriptions étranges, ces volontés despotiques, ont révolté tous les hommes honnêtes, tous les cœurs animés par l'amour du pays ; et ce sont ces annonces perfides, ces menaces outrecuidantes dont M. le ministre des travaux publics a repoussé la responsabilité, et que, pour son compte, il a démenties. Les objections et les contreprojets ne manquent pas sans doute aujourd'hui ; mais il y en avait aussi à l'époque où la loi été rendue, et la chambre les a repoussés parce qu’elle a reconnu, qu’en principe, alors qu’un projet de cette nature a été soumis à de sérieuses études, lorsque le comité des Ponts-et-Chaussées trouve qu’il est exécutable, lorsque la commission mixte, après avoir fait ses réserves dans l'intérêt de la défense militaire de Toulouse, approuve ce projet avec éloge, lorsque les chambres de commerce, les conseils-généraux, les populations entières en demandent l’exécution prompte et entière, toute objection s'évanouit, tout contre-projet devient inutile. 



Examinons, une à une, les principales objections ; nous nous occuperons ensuite des projets nouveaux. "Vous voulez, a-t-on dit, dès les premiers temps, et on le répète encore, vous voulez, à l'aide du Canal des Pyrénées, faire passer les navires d’une mer à une autre ; mais, voyez ! la barre de l’Adour empêche les vaisseaux de pénétrer dans cette rivière. Ils ne pourront donc pas remonter jusqu’au bec du Gave, jusqu’an point où votre canal débouche dans l’Adour."



pays basque autrefois canal pyrénées
PROJET CANAL DES PYRENEES 1830
PAR LOUIS GALABERT



A cette prétention, on a répondu par des faits, et naguère la France Méridionale a publié un excellent rapport écrit par M. le lieutenant de vaisseau, chargé du soin de faire traverser cette barre, si redoutée par ceux qui ne l'ont point vue. Il résulte de ce rapport que des vaisseaux calant plus de sept pieds, ne trouvent à la haute mer aucune difficulté pour franchir ce passage, que des travaux vont d’ailleurs améliorer. En compulsant le journal d’entrée et de sortie des navires à Bayonne, on y voit des bâtiments calant 16 pieds 7 pouces, entrer et sortir avec facilité ; on voit les corvettes la Comète, la Perle et la Dordogne, ayant une calaison de plus de 14 pieds, en faire autant, et si l'on fait attention que les bâtiments de cent à cent vingt tonneaux, les seuls qui pourront entrer dans le Canal des Pyrénées et dans le Canal du Midi, ne caleront pas plus de cinq pieds, on se convaincra que la barre de l’Adour n'opposera aucun obstacle réel à la communication des deux mers. Qu’il nous soit permis de rapporter ici les propres expressions de M. le lieutenant de vaisseau, Pilote-Major de la barre de l’Adour. Cet officier, après avoir donné des détails sur l’entrée et la sortie des vaisseaux du port de Bayonne, ajoute: "Je n’ai parlé jusqu’ici que de bâtiments d'une forte calaison. S’il est vrai de dire à leur égard qu’avec les simples moyens que nous possédons (en 1834) pour faire marcher le service des arrivages et des départs, ces derniers n’éprouvent d’autres retards que ceux occasionnés par les grosses mers, les vents violents et contraires, lesquels sont toujours favorables aux entrées, ces mouvements deviennent encore plus faciles pour les bâtiments dont la calaison ne dépasserait pas sept pieds comme seraient ceux destinés à naviguer sur le canal. Ajoutez que ceux-ci auront de plus l'avantage inappréciable d’être constamment protégés dans ces deux mouvements d'entrée et de sortie par la remorque des bâtiments à vapeur stationnés au bas de la rivière de l’Adour et au port de Socoa. Je ne crains pas d’avancer ici qu’avec de tels auxiliaires la navigation à l’embouchure de l’Adour sera non seulement praticable, mais qu’elle offrira des sûretés que nous n’avons pas eues jusqu’à ce jour. J'affirme, en outre, et c'est par là que je terminerai, que le fleuve de l’Adour sera toujours assez puissant pour maintenir, à travers les bancs de sable, une coupure, qui permette constamment aux bâtiments de sept pieds de calaison, d'entrer et de sortir toutes les fois que la violence de la mer n'y mettra pas obstacle." Dans cette exposition, si claire, de ce qu’est aujourd’hui la barre de l'Adour, et de ce que le fleuve pourrait devenir dans les suppositions les plus défavorables, il n’est échappé qu’une erreur au Pilote-Major, c'est d’avoir donné sept pieds de calaison aux bâtiments qui doivent naviguer sur le canal ; c’est cinq pieds qu'il fallait dire, et on voit alors combien sont faibles, niaises et ridicules les objections tirées de l’impossibilité prétendue de faire passer aux bâtiments de mer cette barre de l’Adour, sur les sables de laquelle la malveillance avait écrit son absurde nec plus ultra."


pays basque autrefois canal pyrénées
PROJET CANAL DES PYRENEES 1830
PAR LOUIS GALABERT



A suivre...



(Source : Canal des Pyrénées - Louis Galabert (canaldumidi.com)





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vendredi 7 mai 2021

LE VOYAGE EN ESPAGNE "TRAS LOS MONTES" DE THÉOPHILE GAUTIER EN 1840 (quatrième et dernière partie)

  

"TRAS LAS MONTES" DE THÉOPHILE GAUTIER EN 1840.



En 1840, Théophile Gautier effectue un voyage dans la péninsule ibérique et au Pays Basque Sud, en compagnie de son ami Eugène Piot.



pais vasco antes theophile gautier montes
PASSAGE DU COL DE BALAGUER



Voici ce que rapporta à ce sujet le journal L'Ere Nouvelle, le 18 et 19 mai 1930 :


"Vergara. — Vittoria ; le baile national et les Hercules français. — Le passage de Pancorbo. — Les ânes et les lévriers — Burgos. — Une fonda espagnole. — Les galériens en manteaux. — La cathédrale. — Le coffre du Cid. 



A Vergara, qui est l’endroit où fut conclu le traité entre Espartero et Maroto, j’aperçus pour la première fois un prêtre espagnol. Son aspect me parut assez grotesque, quoique je n’aie, Dieu merci, aucune idée voltairienne à l’endroit du clergé ; mais la caricature du Basile de Beaumarchais me revint involontairement en mémoire. Figurez-vous une soutane noire, le manteau de même couleur, et pour couronner le tout, un immense, un prodigieux, un phénoménal, un hyperbolique et titanique chapeau, dont aucune épithète, pour boursouflée et gigantesque qu’elle soit, ne peut donner même une légère idée approximative. Ce chapeau a pour le moins trois pieds de long ; les bords sont roulés en dessus, et font devant et derrière la tête une espèce de toit horizontal. Il est difficile d’inventer une forme plus baroque et plus fantastique : cela n'empêchait pas, en somme, le digne prêtre d'avoir la mine fort respectable et de se promener avec l'air d'un homme qui a la conscience parfaitement tranquille sur la forme de sa coiffure ; au lieu de rabat il portait un petit collet (alzacuello) bleu et blanc, comme les prêtres de Belgique.



Après Mondragon, qui est la dernière bourgade, comme on dit en Espagne, le dernier pueblo de la province de Guipuscoa, nous entrâmes dans la province d'Alava, et nous ne tardâmes pas à nous trouver au bas de la montagne de Salinas. Les montagnes russes ne sont rien à côté de cela, et tout d'abord l'idée qu'une voiture va passer par là-dessus vous paraît aussi ridicule que de marcher au plafond la tête en bas, comme les mouches. Ce prodige s'opéra grâce à six bœufs que l'on attela en tête des dix mules. Je n’ai jamais, de ma vie, entendu un vacarme pareil : le mayoral, le zagal, les escopeteros, le postillon et les bouviers faisaient assaut de cris, d'invectives, de coups de fouet, de coups d’aiguillon ; ils poussaient les jantes des roues, soutenaient la caisse par derrière, tiraient les mules par le licou, les boeufs par les cornes avec une ardeur et une furie incroyables. Cette voiture, au bout de cette interminable file d’animaux et d’hommes, faisait l’effet le plus étonnant du monde. Il y avait bien cinquante pas entre la première et la dernière bête de l’attelage. N’oublions pas, en passant, le clocher de Salinas, qui a une forme sarrasine assez ragoûtante. 



transports diligence autrefois
LE DEPART DE LA DILIGENCE 1818
DESSIN DE GEORGES CRUIKSHANK


Du haut de cette montagne, on voit se dérouler, si l’on regarde derrière soi, en perspectives infinies, les différents étages de la chaîne des Pyrénées ; on dirait d’immenses draperies de velours épinglé jetées là au hasard et chiffonnées en plis bizarres par le caprice d’un Titan. A Royave, qui est un peu plus loin, je remarquai un magnifique effet de lumière. Une crête neigeuse (sierra nevada), que les montagnes trop rapprochées nous avaient voilée jusque-là, apparut tout à coup, se détachant sur un ciel d’un bleu lapis si foncé qu’il était presque noir. Bientôt, à tous les bords du plateau que nous traversions, d’autres montagnes levèrent curieusement leurs têtes chargées de neiges et baignées de nuages. Cette neige n’était pas compacte, mais divisée en minces flocons, comme les côtes d'argent d’une gaze lamée, ce qui augmentait sa blancheur par le contraste avec les teintes d’azur et de lilas des escarpements. Le froid était assez vif et augmentait d’intensité à mesure que nous avancions. Le vent ne s’était guère réchauffé à caresser les joues pâles de ces belles vierges frileuses, et nous arrivait aussi glacial que s'il fût venu en droite ligne du pôle arctique ou antarctique. Nous nous enveloppâmes le plus hermétiquement possible dans nos manteaux, car il est extrêmement honteux d'avoir le nez gelé dans un pays torride ; grillé, passe encore. 


pais vasco antes alava
VITORIA GASTEIZ ALAVA 1840
PAYS BASQUE D'ANTAN


Le soleil se couchait quand nous entrâmes dans Vittoria : après avoir traversé toutes sortes de rues d’une architecture médiocre et d’un goût maussade, la voiture s’arrêta au parador viejo, où l’on visita minutieusement nos malles. Notre daguerréotype surtout inquiétait beaucoup les braves douaniers ; ils ne s'en approchaient qu’avec une infinité de précautions et comme des gens qui ont peur de sauter en l’air : je crois qu’ils le prenaient pour une machine électrique ; nous nous gardâmes bien de les faire revenir de cette idée salutaire. 



Nos effets visités, nos passeports timbrés, nous avions le droit de nous éparpiller sur le pavé de la ville. Nous en profitâmes sur le champ, et, traversant une assez belle place entourée d’arcades, nous allâmes tout droit à l’église ; l’ombre emplissait déjà la nef et s’entassait mystérieuse et menaçante dans les coins obscurs où l’on démêlait vaguement des formes fantasmatiques. Quelques petites lampes tremblotaient sinistrement jaunes et enfumées comme des étoiles dans du brouillard. Je ne sais quelle fraîcheur sépulcrale me saisissait l’épiderme, et ce ne fut pas sans un léger sentiment de peur que j'entendis murmurer par une voix lamentable, tout près de moi, la formule sacramentelle : Caballero, una limosina por amor de Dios. C’était un pauvre diable de soldat blessé qui nous demandait la charité. Ici les soldats mendient, action qui a son excuse dans leur misère profonde, car ils sont payés fort irrégulièrement. Dans l’église de Vittoria je fis connaissance avec ces effrayantes sculptures en bois colorié dont les Espagnols font un si étrange abus. 


pais vasco alava iglesia
CATHEDRALE VITORIA ALAVA
PAYS BASQUE D'ANTAN


Après un souper (cena) qui nous fit regretter celui d'Astigarraga l’idée nous vint d'aller au spectacle : nous avions été affriandés, en passant, par une pompeuse affiche annonçant une représentation extraordinaire d’Hercules français, qui devait se terminer par un certain baile nacional (danse du pays) qui nous paraissait gros de cachuchas, de boléros, de fandangos et autres danses endiablées. 



Les théâtres, en Espagne, n’ont généralement pas de façade, et ne se distinguent des autres maisons que par les deux ou trois quinquets fumeux accrochés à la porte. Nous prîmes deux stalles d’orchestre, qu’on nomme places de lunette (asientos de luneta), et nous nous enfournâmes bravement dans un couloir dont le sol n’était ni planchéié ni carrelé, mais en simple terre naturelle. On ne se gêne guère plus avec les murailles des couloirs qu’avec les murs des monuments publics qui portent l’inscription : "Défense, sous peine d’amende, de déposer, etc., etc." Mais, en nous bouchant bien hermétiquement le nez, nous arrivâmes à nos places seulement asphyxiés à demi. Ajoutez à cela qu’on fume perpétuellement pendant les entr'actes, et vous n’aurez pas une idée bien balsamique d’un théâtre espagnol. 



L’intérieur de la salle est cependant plus confortable que les abords ne le promettent ; les loges sont assez bien disposées, et, quoique la décoration soit très simple, elle est fraîche et propre. Les asientos de luneta sont des fauteuils rangés par files et numérotés ; il n’y a pas de contrôleur à la porte pour prendre vos billets, mais un petit garçon vient vous les de mander avant la fin du spectacle ; on ne vous prend à la première porte qu’une contre-marque d’entrée générale. 



Nous espérions trouver là le type espagnol féminin, dont nous n’avions encore eu que peu d’exemples ; mais les femmes qui garnissent les loges et les galeries n’avaient d’espagnol que la mantille et l’éventail : c’était déjà beaucoup, mais ce n’était pas assez cependant. Le public se composait généralement de militaires, ainsi que dans toutes les villes où il y a garnison. On se tient debout au parterre, comme dans les théâtres tout à fait primitifs. Pour ressembler au théâtre de l’hôtel de Bourgogne, il ne manquait vraiment à celui-ci qu’une rangée de chandelles et un moucheur ; mais les verres des quinquets étaient faits avec des lamelles disposées en côtes de melons et réunies en haut par un cercle de fer-blanc, ce qui n’est pas d’une industrie bien avancée. L'orchestre, composé d'une seule file de musiciens, presque tous jouant d’instruments de cuivre, soufflait vaillamment dans les cornets à piston une ritournelle toujours la même, et rappelant la fanfare de Franconi. 



Nos compatriotes herculéens soulevèrent des masse de poids, tordirent beaucoup de barres de fer, au grand contentement de l'assemblée, et le plus léger des deux exécuta une ascension sur la corde roide et autres exercices, hélas ! trop connus à Paris, mais neufs probablement pour la population de Vittoria. Nous séchions d’impatience dans nos stalles, et je récurais le verre de ma lorgnette avec une activité furieuse, pour ne rien perdre du baile nacional. Enfin l’on détendit les chevalets, et les "Turcs" de service emportèrent les poids et tout le matériel des Hercules. Représentez-vous bien, ami lecteur, l'attente passionnée de deux jeunes Français enthousiastes et romantiques qui vont voir pour la première fois une danse espagnole... en Espagne ! 



Enfin, la toile se leva sur une décoration qui avait des velléités, non suivies d’effet, d'être enchanteresse et féerique ; les cornets à piston soufflèrent avec plus de fureur que jamais la fanfare déjà décrite, et le baile nacional s’avança sous la figure d’un danseur et d'une danseuse armés tous deux de castagnettes. 



danses espagnoles castagnettes
DANSEURS AVEC CASTAGNETTES



Je n’ai rien vu de plus triste et de plus lamentable que ces deux grands débris qui "ne se consolaient pas entre eux".



Le théâtre à quatre sous n’a jamais porté sur ses planches vermoulues un couple plus usé, plus éreinté, plus édenté, plus chassieux, plus chauve et plus en ruine. La pauvre femme, qui s'était plâtrée avec du mauvais blanc, avait une teinte bleu de ciel qui rappelait à l'imagination les images anacréontiques d'un cadavre de cholérique ou d'un noyé peu frais ; les deux taches rouges qu'elle avait plaquées sur le haut de ses pommettes osseuses, pour allumer un peu ses yeux de poisson cuit, faisaient avec ce bleu le plus singulier contraste ; elle secouait avec ses mains veineuses et décharnées des castagnettes fêlées qui claquaient comme les dents d'un homme qui a la fièvre ou les charnières d'un squelette en mouvement. De temps en temps, par un effort désespéré, elle tendait les ficelles relâchées de ses jarrets, et parvenait à soulever sa pauvre vieille jambe taillée en balustre, de manière à produire une petite cabriole nerveuse, comme une grenouille morte soumise à la pile de Volta, et à faire scintiller et fourmiller une seconde les paillettes de cuivre du lambeau douteux qui lui servait de basquine. Quant à l'homme, il se trémoussait sinistrement dans son coin ; il s'élevait et retombait flasquement comme une chauve-souris qui rampe sur des moignons ; il avait une physionomie de fossoyeur s'enterrant lui-même ; son front ridé comme une botte à la hussarde ; son nez de perroquet, ses joues de chèvre lui donnaient une apparence des plus fantastique, et si, au lieu de castagnettes, il avait eu en main un rebec gothique, il aurait pu poser pour le coryphée de la danse des morts sur la fresque de Bâle.



Tout le temps que la danse dura, ils ne levèrent pas une fois les yeux l'un sur l'autre ; on eût dit qu’ils avaient peur de leur laideur réciproque, et qu'ils craignaient de fondre en larmes en se voyant si vieux, si décrépits et si funèbres. L'homme, surtout, fuyait sa compagne comme une araignée, et semblait frissonner d'horreur dans sa vieille peau parcheminée, toutes les fois qu'une figure de la danse le forçait de s'en rapprocher. Ce boléro-macabre dura cinq ou six minutes, après quoi la toile tombant mit fin au supplice de ces deux mal heureux... et au nôtre. 



Voilà comme le boléro apparut à deux pauvres voyageurs épris de couleur locale. Les danses espagnoles n’existent qu'à Paris, comme les coquillages, qu'on ne trouve que chez les marchands de curiosités, et jamais sur le bord de la mer. O Fanny Elssler ! qui êtes maintenant en Amérique chez les sauvages, même avant d'aller en Espagne, nous nous doutions bien que c'était vous qui aviez inventé la cachucha ! 



Nous nous allâmes coucher assez désappointés. Au milieu de la nuit, on nous vint éveiller pour nous remettre en route ; il faisait toujours un froid glacial, une température de Sibérie, ce qui s'explique par la hauteur du plateau que nous traversions et les neiges dont nous étions entourés. A Miranda, l'on visita encore une fois nos malles, et nous entrâmes dans la Vieille-Castille (Castilla la Vieja), dans le royaume de Castille et Léon, symbolise par un lion tenant un écu semé de châteaux. Ces lions, répétés à satiété, sont ordinairement en granit grisâtre et ont une prestance héraldique assez imposante."


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