DE BIARRITZ À ST SÉBASTIEN EN 1900.
En 1900, les habitants du Pays Basque se déplacent peu d'une province à l'autre, et quand ils le font, les déplacements sont lents et durent longtemps.
Je vous ai déjà parlé de la première partie de ce voyage de Biarritz à Saint-Sébastien en 1900,
dans un précédent article.
Voici ce que rapporta la Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans son édition
du 29 juin 1900 :
"Souvenirs de voyage.
Deuxième Article.
Un sentiment bien légitime nous avait déterminé à choisir cet itinéraire : nous voulions refaire, à plus de quarante ans de distance, la route qu’avait suivie Théophile Gautier, et qu’il décrit dans les premières pages de son Voyage en Espagne. C’est à Urrugne qu’il a recueilli cette funèbre inscription, tracée sur le cadran solaire de l’église : "vulnerant omnes, ultima necat". — "Toutes blessent, la dernière tue !... "
CADRAN EGLISE URRUGNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
L’inscription est toujours là, implacable dans sa concision. Combien l’ont lue et combien l’ont citée, qui ont succombé à la blessure de cette heure dernière ! Ce que Théophile Gautier n’a pas eu le temps de voir, c’est d’abord l’intérieur de l’église avec son autel tout doré à l’espagnole et ses trois étages de tribunes en boiserie brune, qui enveloppent trois côtés de la nef, puis le cimetière, avec ses larges dalles de pierre, tout embroussaillé des rosiers demi-sauvages, dont une fleur vint orner le corsage de notre compagne de voyage.
Cette pieuse visite terminée, nous reprenons notre course ; nous laissons à notre gauche Béhobie, dernier village français et dont le pont, donnant passage à la route de terre, relie les deux pays. Encore quelques tours de roue, et nous voici à Hendaye. C’est un joli village qui s’étage sur la rive droite de la Bidassoa, très large à son embouchure, mais malheureusement encombrée de bancs de sable.
BORDS DE LA BIDASSOA HENDAYE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Notre postillon nous dépose devant l’hôtel principal, où nous accueillent les trois gracieux sourires des trois filles de la maison, alertes, élégantes, l’œil brûlant, la voix forte et les allures un peu garçonnières des jeunes Espagnoles.
Mais nous sommes en route pour voir du pays et point pour nous attarder aux jolies femmes. En face de nous, de l’autre côté de la rivière, se dresse sur un petit cône la muy noble y muy leal ciudad de Fuentarabia.
FONTARRABIE GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
A Hendaye, nous quittons notre voiture ; des bateliers s’offrent pour nous passer à Fontarabie, et nous nous embarquons bravement avec nos modestes valises, pour cette traversée d’un quart d’heure, très paisible, mais agrémentée de grains intermittents. Notre barque accoste à un petit môle, où nous sommes accueillis par un douanier espagnol fort sévère, qui nous déclare n’avoir point les pouvoirs nécessaires pour accorder à notre modeste bagage l’entrée sur le territoire de S. M. Alphonse XIII. Nous consignons ledit bagage au poste de douane et nous pénétrons dans Fontarabie.
C’est une grande chance pour les touristes d’avoir, sur la lisière même de la frontière, un spécimen de vieille ville espagnole aussi complet que Fontarabie : palais massifs, aux reliefs puissants, couronnés par de larges et épaisses corniches qui s’avancent au-dessus de la rue pour rejoindre le toit opposé ; façades sculptées, tarabiscotées, agrémentées de balcons et de miradores ; église semi-renaissance, semi-gothique, encombrée, à l’intérieur, de toutes sortes d’ornements de fer et de bois sculpté et doré, de statues peintes, de madones habillées de clinquants ; dans la sacristie, où nous pénétrâmes, nous trouvâmes trois ou quatre ecclésiastiques installés sur un balcon qui domine la Bidassoa, et fumant paisiblement leur cigarette en regardant la marée monter.
FONTARRABIE GUIPUSCOA 1900 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les Guides dépeignent Fontarabie comme une ville morte et désolée : la quantité d’enfants de tout sexe et de tout âge, grouillant et criant dans les rues, donne un démenti formel à cette indication. Toute cette marmaille vous assiège en vous demandant d’un ton impératif : un sou! qu’il est prudent de leur refuser, si l’on ne veut pas être promptement réduit soi-même à la mendicité.
Pendant ce temps, nos valises, qui vont jouer un rôle important dans cette partie de notre voyage, séjournaient chez le douanier, sous l’œil vigilant d’une matrone, épouse de ce fonctionnaire. Nous revenons à notre barque, y réintégrons notre bagage que nous arrachons, non sans peine, à la vigilance intéressée de la douanière, et, profitant de la marée, nous nous faisons conduire jusqu’à Irun, en remontant la Bidassoa. Au delà du pont international qui porte, blasonnées sur ses culées, du côté de la France, l’aigle et l’N impérial, et, du côté de l’Espagne, le lion et la tour de Castille, notre bateau s’engage dans un dédale d’îlots bas et marécageux. Tout d’un coup on nous hèle, et, d’une touffe de joncs, surgit un nouveau douanier : nous approchons du bord, le douanier monte dans le bateau, et, sans se préoccuper de nos protestations, nous fait ouvrir nos valises, se déclare satisfait et nous laisse passer. Enfin ! nous poussons un soupir de soulagement et nous débarquons à Irun.
PASEO DE COLON IRUN GUIPUSCOA 1900 PAYS BASQUE D'ANTAN |
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