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dimanche 28 août 2022

SAINTE-ENGRÂCE EN SOULE AU PAYS BASQUE EN 1921 (troisième partie)

 

SAINTE-ENGRÂCE EN 1921.


La commune de Sainte-Engrâce, en Haute-Soule, compte 851 habitants en 1921.



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UNE PREMIERE COMMUNION A STE-ENGRÂCE SOULE
PAYS BASQUE D'ANTAN




Voici ce que rapporta à ce sujet la revue Gure Herria, en avril 1922, sous la plume de l'Abbé 

Foix :



"Sainte-Engrace.



Le gave durant ses fortes crues, soulève et emporte tout ce qui voudrait résister sur son passage ; on a vu en 1875 le pont de bois d'Abense arraché sur toute sa longueur, et le pont de Tardets à Alos dont le tablier était en fer emporté cependant comme un fétu de paille.




pays basque autrefois soule pont
PONT D'ABENSE-DE-HAUT SOULE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Les eaux tumultueuses du Saison ne se lassent pas en pareille occasion d'entraîner dans leurs lames furieuses des arbres arrachés aux berges, des débris d'habitations, des animaux surpris par l'inondation. Il ne se passe point d'année où le Saison ne fasse des victimes parmi les habitants des villages riverains. L'an passé deux hommes de la Haute Soule ont été noyés et emportés par le gave ; l'un d'eux fut entraîné dans les flots du Saison par le wagonnet du Decauville de Ste-Engrâce qui dérailla dans la descente de la jonction des eaux et alla se briser sur les berges du gave. Durant la terrible crue de 1885 qui fut rarement dépassée, on vit à Tardets une jeune fille de la maison Alferix de Licq dont le corps passait à la dérive, tour à tour submergé et soulevé par les flots ; et bientôt après le cadavre de son père, le crane fendu par quelque choc contre un rocher, semblait nager et poursuivre encore le sauvetage de la pauvre enfant. Leurs corps ne furent découverts que bien longtemps après, à moitié ensevelis dans le gravier, dans les environs d'Ossas.



Le redoutable torrent se fait un jeu de tous ces désastres ; il n'obéit alors qu'à la loi de sa force et aux caprices de sa liberté ; à chaque crue il lui faut se creuser un lit nouveau à côté ou à l'écart de l'ancien qu'il laisse comblé de gravier amoncelé. N'étant pas endigué par la nature, ou ayant été parfois détourné de son cours primitif par les barrages de quelque riverain industriel, notre Uhaitz se rit des travaux par lesquels les hommes voudraient régler sa course et ne tarde pas à détruire les obstacles qu'on lui crée.



L'envahissement périodique par le gave des meilleurs terrains qui avoisinent son cours a provoqué souvent les vives réclamations des riverains, mais presque toujours sans trouver d'écho auprès de l'Administration.



Nous lisons à ce sujet dans le Cahier des doléances, plaintes et remontrances des habitants de la communauté de Tardets, arrêté en assemblée le 11 mai 1789 et communiqué aux Etats-Généraux du Royaume les curieuses lignes qui suivent :


"Le territoire de Soule est dans les Pyrénées ; il n'a qu'un vallon très borné dont environ un tiers est inculte à cause d'une rivière en torrent sans rive ni lit fixé dans sa plus grande partie, qui ravage la plaine tantôt d'un côté, tantôt de l'autre. Le surplus est en montagnes plus ou moins élevées. Les cultures que la nécessité y a fait entreprendre ne peuvent réussir qu'à force des travaux les plus pénibles et dispendieux ; il sont souvent en pure perte et le cultivateur réduit en désespoir, tantôt par des abattis d'eau qui entraînent les terres labourées et n'y laissent que des rochers nus, tantôt et très souvent par des gelées qu'occasionne la proximité des neiges et par les grêles qui y sont fréquentes. La quotité des impositions jetées annuellement sur le Pays de Soule doit être d'après quelque ancien tableau de répartition sur les différentes provinces, déterminée sans doute en égard à l'étendue de leur superficie ; mais cette répartition est erronée, injuste par rapport à la Soule, en considérant la froideur du climat, la stérilité du terrain, la difficulté ruineuse d'en tirer parti et les divers fléaux et intempéries qui rendent inutiles les efforts de la cultivation. Il en sera fait représentation à l'effet d'obtenir une modération de la quotité contributive du pays aux impositions, telle que l'égalité proportionnelle l'exige.


Le pays de Soule laisse la rivière ravager continuellement la petite plaine de son vallon faute de facultés pour en entreprendre l'encaissement. Cependant il est imposé chaque année pour les canaux de Picardie et Bourgogne et autres objets qui lui sont entièrement étrangers. Il en sera demandé la décharge afin que le pays puisse fournir sa part contributive aux dépenses de l'Etat qui tourneront à son utilité."



Ces lignes nous démontrent que nos ancêtres s'entendaient à réclamer et à dépeindre sous les plus noires couleurs la situation de la Soule. Tout cela fut dit en pure perte. La communauté de Menditte fit observer dans son Cahier de Griefs qu'il était de toute justice "Que toutes les sommes qui se lèvent chaque année sur le pays de Soule pour la construction et entretien des canaux de Bourgogne et de Picardie et du port de Saint-Jean-de-Luz, soient employées pour encaisser la rivière Saison qui n'a pas un lit fixe depuis Mauléon jusqu'aux hautes montagnes des Pyrénées, ce qui occasionne très souvent des dommages terribles dans les campagnes qui sont souvent inondées, en état de stagnation."



Le village de Menditte réclamait aussi "que son pont qui est sur la rivière Saison fut entretenu aux dépens du pays de Soule, attendu que depuis Mauléon jusqu'à Tardets il n'y a que celui-là et qu'il est d'une utilité indispensable pour toute la partie qui est au-dessus de la dite ville de Mauléon jusqu'à Tardets".



Cette réclamation demeura aussi lettre morte, et le pont de Menditte, resta longtemps un tremplin électoral, comme le pont d'Ossas ; néanmoins les habitants de Menditte ont obtenu satisfaction de nos jours, et seront dotés incessamment d'un pont en ciment armé, en construction, aux frais du Département, de l'Etat, de quelques communes et du syndicat de Soule qui ont voté des subventions ; ce qui démontre une fois de plus que tout arrive à qui sait attendre.



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PONT SUR LE GAVE A OSSAS SOULE
PAYS BASQUE D'ANTAN



En quittant Tardets, le voyageur abandonne la route nationale qui conduit à Oloron et à Pau, pour prendre l'embranchement d'un chemin d'intérêt commun qui conduit à Laguinge, Haux, Licq, Larrau et Sainte Engrâce. Aussitôt apparaît à gauche, sur un petit mamelon le village de Restoue dominé par son église au clocher à trois pignons, comme toute église ancienne de la Soule qui se respecte. Restoue, appelé malicieusement par les enfants de Tardets la capitale de la France, a chèrement payé son tribut à la mort durant l'horrible tourmente de 1914-1918, et est certainement, toutes proportions gardées, l'un des villages qui ont eu le pourcentage le plus élevé de tués à la guerre.



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VUE GENERALE DE LAGUINGE ET LICHANS SOULE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Deux kilomètres plus loin, c'est Laguinge dont les maisons s'étagent au-dessus d'un fertile et riant vallon. Là vécut un chevalier de Laxague, mentionné dans les mémoires de Joinville et qui accompagna le roi Saint-Louis dans la huitième croisade. De son manoir il n'a subsisté que le nom et un mur très épais qui a été utilisé dans la structure d'une maison de laboureur aisé. La petite église de Laguinge est remarquable par la régularité de son abside ornementée extérieurement d'une corniche classique de modillons et par sa voûte en pierres moellons. Elle remonte au 12ème siècle, comme celle de Haux. Il est regrettable que les pierres de taille de l'intérieur aient été recouvertes d'un crépissage et d'un affreux badigeon.



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EGLISE DE HAUX SOULE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Sur la droite, à cent mètres du gave, apparaissent le village et la jolie plaine de Lichans ainsi que sa montagne en forme de chapeau de gendarme, rappelant, paraît-il, celle du Thabor en Terre Sainte. Les deux villages longtemps dépourvus de moyens de communication, malgré leur proximité, sont reliés actuellement par le pont du Decauville construit par la Société forestière de Sainte-Engrâce, et le passage pour les piétons est des plus faciles d'une rive à l'autre.



En remontant sur Licq nous trouvons sur notre gauche une carrière de superbe pierre calcaire rose, dont les blocs ont servi à la construction des églises de Mauléon et de Tardets, ainsi qu'à celle de la jetée du tramway qui durant un kilomètre longe le gave derrière Tardets.



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DEPART DU TRAMWAY D'OLORON A TARDETS SOULE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Plus loin, sur la droite, en arrivant à Atherey, se voit une carrière, maintenant abandonnée, où on a longtemps extrait un très beau marbre veiné de rouge fort apprécié.



En passant à Atherey, doté d'un magnifique rebot construit à l'aide de souscriptions recueillies par un curé voisin, on remarque d'abord un pont en pierres de taille, reliant d'une seule arche en plein cintre les deux rives du gave assez large à cet endroit, et plus loin, en arrivant à la Douane, une importante fabrique de sabots dont l'ancienne roue à aubes qui transmettait la force motrice a été remplacée depuis longtemps déjà par les turbines d'une puissante dynamo électrique."



A suivre...







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