LES "MIRAGES BASQUES" EN 1931.
En 1931, le Pays Basque, grâce à son authenticité est à la mode.
Voici ce que rapporta à ce sujet le journal L'Intransigeant, le 28 février 1931, sous la plume
d'André Geiger :
"Les mirages basques.
Le pays basque a conquis même le cinéma. Mais cette sorte de renouveau d’actualité inspire mal, à mon avis, certains commentateurs.
FILM GACHUCHA 1923 |
Il ne faudrait pas travestir les Basques et, parce qu’ils ont inspiré un chef-d’œuvre du roman, en faire des espèces de personnages d’opéra-comique. Je lisais dans un article : "Les Basques ? tous contrebandiers, danseurs de fandango et pelotaris." Et voilà !
La contrebande existait, existe, certes (dans les arrondissements de Bayonne et de Mauléon, mais aux villages-frontière, qui n’en sont qu’une infime partie). Et cela n’est pas spécial à la région du Sud-Ouest. Les Basques sont d’honnêtes gens et non pas des fraudeurs. Cambo n’est pas Chicago.
Danseurs de la jolie danse où le cavalier et la cavalière se font face, se frôlent sans se toucher, haut les mains (c’est prudent peut-être en climat méridional...), et ces mains claquantes comme des castagnettes, oui, danseurs du fandango et de l'arin-arin, qui en précipite la cadence, mais ces danses-là, on les pratique surtout du côté de l’Espagne et de Saint-Jean-de-Luz. Les curés basques n’aiment pas beaucoup la danse. Et l’on ne danse, au pays basque, ni moins, ni plus qu’ailleurs. Les jours de fêtes locales surtout.
DANSE FANDANGO ST-JEAN-DE-LUZ PAYS BASQUE D'ANTAN |
Pelotaris, joueurs de pelote. Ceci est plus vrai. Tout le monde sait que chaque village possède son haut mur, blanc, ocré ou rose, son "fronton", et, parfois, son "trinquet" (jeu de paume couvert, vitré), et qu’il n’y a pas un Basque qui ne sache lancer la balle "à main nue", "à chistera", à gant de cuir ou avec la palette de bois (ceci pour les vieux jeux archaïques).
Mais les Basques — et cela vaut mieux pour la France et pour leurs sept provinces qui n’en font qu’une ("zazpiak bat", "sept un") — sont surtout des cultivateurs, des vignerons, des marins pêcheurs.
ZAZPIAK BAT PAYS BASQUE D'ANTAN |
Cultivateurs ou plutôt "laboureurs", comme ils disent, ayant de beaux champs de froment et de maïs — le maïs dont on fait la mêture (mestoura), la lourde galette nourrissante, exquise avec du jambon ou du lait — ayant de belles prairies où les grands bœufs couleur d’épi et les petites vaches blanches et noires se reposent du joug ou de la traite, ayant des bois trop clairsemés, hélas ! où vagabondent les porcelets roses, et des landes où les "brebis" vont en bandes arrondies.
Vignerons, car la vigne croît un peu partout sur cette terre accidentée, collineuse, ravinée, et le cru d’Irouléguy est célèbre, et les vins de Saint-Pée-sur-Nivelle, de Saint-Jean-le-Vieux ne lui cèdent pas de beaucoup.
Enfin, de l’Adour à la Bidassoa, les pêcheurs basques (thon, maquereau, sardine) restent les héritiers de ces vaillants pêcheurs de baleines, dont on verra, à l’Exposition Coloniale, les archives historiques traditionnellement conservées à Saint-Jean-de-Luz, qui forme, avec Ciboure et Socoa, un grand centre de pêche, industriel, commercial.
Est-ce que, pour travailler, accomplir autre chose que de la contrebande, des danses, des jeux, le Basque et la Basquaise perdent leur poésie ? Ah ! pas du tout. Les thèmes de la vie y atteignent la suprême beauté.
POEME BASQUE |
L'Eglise, blanche au milieu des cyprès du cimetière, où les "discoïdales", lourdes hosties de pierre, désignent les sépultures les plus anciennes, l’église où les cantiques, les prédications en basque s’éternisent et résonnent de l’autel, surchargé de dorures, aux galeries pleines d’hommes qui semblent soudain si bizarres... parce qu’ils ont retiré leur béret.
AU CIMETIERE PAR JACQUES LE TANNEUR |
Le Marché ("de quinzaine", en général), au bourg, à la ville proche, avec son fouillis pittoresque, avec ses palabres, ses longues séances d’affaires ou de moasch (espèce de jeu de cartes aux allures de poker, fertile en ruses et en embûches), avec l’Auberge, un des pôles de la vie basque et qui mérite d’inspirer les dessinateurs avec ses clairs-obscurs. En Espagne, la "cidrerie" avec ses barriques.
A L'AUBERGE PAR PABLO TILLAC |
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